Category - Adaptation professionnelle

4 conseils pour faciliter le retour au travail après un congé de maternité

Une mère accompagne son jeune enfant qui dessine. La mère est enthousiaste et rit. L'enfant semble concentré à faire son dessin.

Saviez-vous que c’est au Québec, sur l’ensemble des autres provinces et territoires du Canada, que les mères sont les plus nombreuses à prendre un congé de maternité?

Selon Statistique Canada, de 2012 à 2017, 96% (!) des mères québécoises ont pris un congé de maternité, et dans le reste du Canada, cette proportion se situe à 85%.

Et le congé de maternité de la grande majorité des mères canadiennes dure entre 27 à 52 semaines. Ne plus être au travail pendant plusieurs mois, voire une année et plus dans certains cas, cela a nécessairement un impact sur les appréhensions des mères quant à leur retour en emploi.

Retourner au boulot après un si long congé de maternité, ça vient nécessairement avec son lot de défis.

Cinq mères de l’Estrie, au Québec, ont bien voulu me partager leur expérience et leurs conseils pour aider les nouvelles mamans lors de leur retour au travail. Si certaines sont devenues mères pour la première fois, d’autres en sont maintenant à leur deuxième enfant… et à leur deuxième retour en emploi!

1- Planifier (si possible) un retour progressif en emploi

Pour adoucir le plus possible leur transition entre leur congé de maternité et leur retour en emploi, la majorité des mères avec qui je me suis entretenu ont toutes trouvé – ou espèrent trouver – une manière de ne pas s’investir au travail à temps complet.

Fini le travail du lundi au vendredi ou le fameux 9 à 5… le temps de bien se familiariser à cette nouvelle, et parfois vertigineuse, transition de vie.

«J'ai décidé de postuler à temps partiel pour me laisser plus de temps avec ma famille, mes enfants et mon mari. Être un peu moins au travail, au détriment financier. Mais je trouve que le temps passé avec eux ne s'achète pas. On va s'adapter à cette nouvelle réalité», raconte Coralie.

D’autres, comme Vanessa et Clémence, ont pu compter sur des employeurs qui leur offraient la flexibilité de travailler à temps partiel.

Se donner du temps pour apprendre à jongler avec ses différents rôles

Le retour progressif en emploi à 3-4 jours par semaine, m’explique Vanessa, qui peut compter sur une première expérience de retour au travail, lui permettra de mieux apprivoiser la conciliation entre ses différents rôles – mère, conjointe, travailleuse, amie.

La transition peut être particulièrement difficile lorsqu’on découvre, pour la première fois, le rôle de maman, précise-t-elle. Voici son expérience lors de son premier retour au travail :

«Le rôle de maman prenait toute la place à ce moment-là. Alors de ramener le rôle de la femme, ramener le rôle de la travailleuse, ramener le rôle de l’étudiante, tous ces rôles-là ont eu de la misère à se concilier les uns avec les autres.

C’est sûr que ça reste une appréhension pour le prochain retour de congé de maternité.

Toutefois, aujourd’hui je suis plus outillée pour y faire face, mais à cette époque-là, ça l’a été difficile pour moi de concilier tous ces rôles-là.

Le rôle de maman prenait énormément de place. Ça avait fait en sorte que les autres rôles se battaient pour prendre la place, parce qu’ils devaient avoir leur place, mais j’avais de la misère à leur accorder cette place-là.»

-Vanessa, mère de deux jeunes enfants
Le travail autonome comme alternative

Pour Karyne, la voie du travail autonome, que lui permet sa formation universitaire, est devenue un choix tout indiqué pour réaliser son projet d’être à la fois une professionnelle active qu’une maman engagée auprès de sa fille. Elle voulait éviter à tout prix de se retrouver dans un emploi contraignant, où son rythme de travail viendrait dicter celui de son enfant.

Pouvoir gérer son horaire et avoir la possibilité de travailler quotidiennement à la maison, voilà un rêve devenu réalité pour Karyne, qui a pu compter sur l’aide précieuse et la compréhension de son conjoint:

«Le défi a été de partir à mon compte. Je suis chanceuse, car le papa me soutient beaucoup dans ce projet-là. Au début, c’est sûr que faire sa clientèle et tout, il y avait une entente avec le papa pour que ce soit lui qui continue à subvenir financièrement aux besoins de la famille, le temps que j’aille une clientèle.»

Même si l’adaptation à son nouveau rôle est loin d’avoir été de tout repos, elle qui a passé plus d’une année avec son nourrisson, Karyne réalise aujourd’hui que cette transition lui a permis de renouer avec une partie d’elle-même qui avait été mise de côté lors de son congé de maternité :

«De me retrouver dans mon rôle de travailleuse autonome, j'ai trouvé ça difficile au début de laisser ma fille à la garderie. Je ressentais un peu de culpabilité, mais en même temps j'étais vraiment contente de me développer autrement. Je pense que j'avais besoin de me retrouver comme personne dans un autre rôle, à ce moment-là de ma vie.»
Retourner directement à temps plein, un chemin qui peut être éprouvant

Marlène, qui a fait le saut directement à temps plein, ne cache pas avoir eu à composer avec situation plus éprouvante que ce qu’elle avait anticipé :

«J'ai pas fait d'adaptations et je le regrette, en fait. J'ai repris tout de suite à temps complet, ce que j'aurais pas dû, je pense. Au début, j'étais extrêmement fatiguée et puis pas hyper concentrée au travail. Maintenant, la routine s'est mise en place, ça va mieux, mais ça a été beaucoup d'adaptation et beaucoup d'implication du papa aussi.»

Celle-ci raconte à quel point ce fut une épreuve pour elle d’apprendre à jongler avec son nouveau rôle de mère et celui d’employée, tout en y mettant son maximum pour chacun. La conciliation travail-famille vient avec un apprentissage fondamental : trop donner dans une de ces deux sphères amène presque inévitablement un défi dans l’autre sphère.

«C’est sûr que des fois ça m’arrive d’expliquer à mon coco que maman est fatiguée. Ou qu’au travail j’accepte qu’il y a des journées où je suis fatiguée. Je ne culpabilise pas du tout, dans le sens où mes priorités ont changé. Je donne mon 100% au travail, mais ma priorité reste ma famille», relate Marlène.

2- La communication et le travail d’équipe dans le couple

Le retour au travail rime nécessairement avec l’avènement d’une nouvelle routine familiale.

Les cinq femmes que j’ai interviewées s’accordent toutes sur l’importance de se parler franchement entre partenaires sur la manière d’organiser et de découper cette nouvelle routine : «Travailler en équipe, diviser les tâches, diviser qui fait quoi dans la maison pour pouvoir un peu mieux gérer tout ce qu’il y à faire», résume Vanessa, en m’expliquant la stratégie entreprise au sein de son couple.

Qui va porter et chercher qui, et quand. Qui s’occupe de la préparation des repas à tel ou tel moment de la semaine. Qui s’occupe des lavages, de tel autre aspect du ménage, etc.

Pour renouer avec soi-même et ses intérêts, Karyne suggère l’intégration «soirées-loisirs» dans l’horaire de la semaine, où chacun peut planifier ce qu’il souhaite faire: de l’escalade, des cours de yoga, voir des amis, etc.

Voilà autant d’autres aspects incontournables que les autres mamans interviewées me nomment quant à l’aménagement d’une nouvelle routine.

Selon elles, le secret est de donner plus de place à son ou sa partenaire, même si cela ne va pas toujours de soi et qu’on n’en a pas toujours envie :

«Pour ma part, des fois je veux tout gérer et être parfaite dans tous les domaines, mais c'est pas tout à fait possible. Papa sait super bien faire les choses aussi, donc il faut que je lui laisse de la place. Travailler plus en équipe. Il arrive parfois que je ne puisse pas sortir du travail. Ça me stressait beaucoup et c'est papa qui prend la relève. Mon fils sait que je suis là pour lui quand même.» -Marlène

Et au-delà des actes de service que peut procurer l’entourage, lesquels sont loin d’être non négligeables, le soutien moral et psychologique semble tout autant inestimable.

Sans les encouragements continus de son conjoint et de la confiance de celui-ci vis-à-vis de son projet, Karyne se demande aujourd’hui si elle aurait pu bâtir aussi efficacement son projet d’affaires.

3- Le soutien de l’employeur et des collègues

Les mères avec qui j’ai pu discuter n’ont pas toutes la chance de travailler dans des organisations qui veulent – ou qui peuvent, tout simplement – aménager un horaire de travail, ou une charge de travail, adapté à leur nouvelle réalité familiale.

Pourtant, cet aspect semble incontournable pour que le retour au travail puisse se réaliser avec succès.

À titre d’exemple, Vanessa a pu compter sur le soutien précieux de son milieu de travail. Pour elle, cela s’est traduit par un employeur conciliant, mais surtout par un environnement de travail inclusif et compréhensif qui lui a permis de se sentir appréciée et utile. Les collègues et l’employeur de Vanessa ne s’attendaient pas à ce qu’elle puisse être aussi productive qu’avant son congé de maternité.

S’intéresser à la maman qui se cache derrière la travailleuse

La réalité de Marlène, comme celle de bien des femmes au Québec, est à l’antipode de celle de Vanessa. Ce dont elle aurait eu le plus besoin lors de son retour au travail, c’est qu’on s’intéresse davantage à ses besoins de nouvelle maman, à tout le moins à l’adaptation à son retour au travail :

«Ce que j’aimerais avoir, et c’est dans un monde de licornes, je sais que ça ne se passera jamais. Je trouve que ce serait important d’avoir surtout du soutien de nos chefs d’équipe ou d’une travailleuse sociale. Juste un cinq minutes, pour quand on reprendre le travail, de jaser.

Ca m’aurait fait du bien d’avoir une tape sur l’épaule : eh comment tu te sens? Comment tu gères ça, la reprise du travail? Comment il va ton bébé? Comment tu te sens en tant que maman, en tant que travailleuse.

Toutes ces questions qui nous roulent dans la tête et finalement on rentre au travail avec beaucoup de stress au début. J’avais l’impression que je ne savais plus comment faire mon travail. Tout le stress de gérer le quotidien de la vie de famille.»

4- L’importance des milieux de garde

Même si le Québec détient l’un des meilleurs réseaux de garderies subventionnées de l’ensemble du Canada, depuis quelques années, la province fait face à une importante pénurie de places. Dépendamment des régions, il n’est pas rare de devoir attendre plusieurs mois, voire plus d’une année pour qu’enfin une place se libère dans une garderie, ce qui peut mettre une pression financière énorme sur les parents.

Dans la circonstance, la majorité des femmes rencontrées se sont dites soulagées d’avoir pu trouver un milieu de garde qui concordait avec leurs valeurs et où leur enfant pouvait s’y sentir bien. Karyne se dit d’ailleurs très reconnaissante du milieu de garde de sa fille, ce qui lui a permis de pouvoir réaliser son rêve de se lancer à son compte.

L’usure morale du manque de places en garderie

Or, ce n’est pas toujours rose. Certaines nouvelles mamans sont encore en attente d’une place en garderie, malgré la fin officielle de leur congé de maternité, ce qui retarde inévitablement leur retour au travail. C’est la situation dans laquelle se trouve Clémence, qui en a beaucoup sur le coeur :

«Je ne suis pas encore satisfaite de ma conciliation travail-famille-vie personnelle parce qu'on a pas de garderie encore et que je travaille. Donc ça rend tout compliqué. Je sens que jusqu'à date si je veux du temps pour moi, je m'épuise. C'est soit a) je fais moins d'activités personnelles et je ne suis pas épuisée ou b) j'en fais mais je suis épuisée. J'espère pouvoir trouver un équilibre là-dedans dès que notre enfant ira à la garderie.»

Pour sa part, Coralie a dû repousser son retour au travail, car ses recherches pour trouver un milieu de garde demeurent à ce jour infructueuses. Elle raconte à quel point cette recherche, qui lui semble interminable et impossible, l’empêche de profiter pleinement de son congé de maternité.

Ne sachant pas combien de temps elle pourra tenir financièrement, cette situation lui génère beaucoup d’angoisse. Par ailleurs, Coralie explique qu’au sein de son organisation de travail on lui fait ressentir que c’est de sa faute si elle n’a toujours pas de milieu de garde. Voilà qui n’aide en rien à apaiser le stress et le découragement qu’elle vit depuis plusieurs mois.

Trouver le bon milieu de garde

Autre cas de figure, le milieu de garde de leur poupon n’est pas tout à fait en adéquation avec leur horaire de travail et les obligations de leur organisation de travail.

Marlène estime que le milieu hospitalier où elle exerce sa profession d’infirmière aurait tout à gagner à y intégrer un service de garde pour les employé.e.s :

«Je suis infirmière aux soins intensifs. On a un métier qui ne concilie absolument pas travail et famille. On se bat pour ça. J'ai l'espoir qu'un jour on nous écoute par rapport à cela.

Non, je ne suis pas satisfaite de ma conciliation travail-famille parce que rien n'est fait au travail pour aider à ça, pour avoir des horaires ou des journées de congé qui puissent s'adapter à la vie de famille. Rien n'est fait.

Ce que j'aimerais c'est d'avoir une garderie dédiée à mon milieu de travail et dans lequel je suis prioritaire, pour m'enlever cette pression de trouver un milieu de garder adapté où mon coco est bien, où je ne me stress pas si je finis 5 minutes en retard.»