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4 conseils pour faciliter le retour au travail après un congé de maternité

Une mère accompagne son jeune enfant qui dessine. La mère est enthousiaste et rit. L'enfant semble concentré à faire son dessin.

Saviez-vous que c’est au Québec, sur l’ensemble des autres provinces et territoires du Canada, que les mères sont les plus nombreuses à prendre un congé de maternité?

Selon Statistique Canada, de 2012 à 2017, 96% (!) des mères québécoises ont pris un congé de maternité, et dans le reste du Canada, cette proportion se situe à 85%.

Et le congé de maternité de la grande majorité des mères canadiennes dure entre 27 à 52 semaines. Ne plus être au travail pendant plusieurs mois, voire une année et plus dans certains cas, cela a nécessairement un impact sur les appréhensions des mères quant à leur retour en emploi.

Retourner au boulot après un si long congé de maternité, ça vient nécessairement avec son lot de défis.

Cinq mères de l’Estrie, au Québec, ont bien voulu me partager leur expérience et leurs conseils pour aider les nouvelles mamans lors de leur retour au travail. Si certaines sont devenues mères pour la première fois, d’autres en sont maintenant à leur deuxième enfant… et à leur deuxième retour en emploi!

1- Planifier (si possible) un retour progressif en emploi

Pour adoucir le plus possible leur transition entre leur congé de maternité et leur retour en emploi, la majorité des mères avec qui je me suis entretenu ont toutes trouvé – ou espèrent trouver – une manière de ne pas s’investir au travail à temps complet.

Fini le travail du lundi au vendredi ou le fameux 9 à 5… le temps de bien se familiariser à cette nouvelle, et parfois vertigineuse, transition de vie.

«J'ai décidé de postuler à temps partiel pour me laisser plus de temps avec ma famille, mes enfants et mon mari. Être un peu moins au travail, au détriment financier. Mais je trouve que le temps passé avec eux ne s'achète pas. On va s'adapter à cette nouvelle réalité», raconte Coralie.

D’autres, comme Vanessa et Clémence, ont pu compter sur des employeurs qui leur offraient la flexibilité de travailler à temps partiel.

Se donner du temps pour apprendre à jongler avec ses différents rôles

Le retour progressif en emploi à 3-4 jours par semaine, m’explique Vanessa, qui peut compter sur une première expérience de retour au travail, lui permettra de mieux apprivoiser la conciliation entre ses différents rôles – mère, conjointe, travailleuse, amie.

La transition peut être particulièrement difficile lorsqu’on découvre, pour la première fois, le rôle de maman, précise-t-elle. Voici son expérience lors de son premier retour au travail :

«Le rôle de maman prenait toute la place à ce moment-là. Alors de ramener le rôle de la femme, ramener le rôle de la travailleuse, ramener le rôle de l’étudiante, tous ces rôles-là ont eu de la misère à se concilier les uns avec les autres.

C’est sûr que ça reste une appréhension pour le prochain retour de congé de maternité.

Toutefois, aujourd’hui je suis plus outillée pour y faire face, mais à cette époque-là, ça l’a été difficile pour moi de concilier tous ces rôles-là.

Le rôle de maman prenait énormément de place. Ça avait fait en sorte que les autres rôles se battaient pour prendre la place, parce qu’ils devaient avoir leur place, mais j’avais de la misère à leur accorder cette place-là.»

-Vanessa, mère de deux jeunes enfants
Le travail autonome comme alternative

Pour Karyne, la voie du travail autonome, que lui permet sa formation universitaire, est devenue un choix tout indiqué pour réaliser son projet d’être à la fois une professionnelle active qu’une maman engagée auprès de sa fille. Elle voulait éviter à tout prix de se retrouver dans un emploi contraignant, où son rythme de travail viendrait dicter celui de son enfant.

Pouvoir gérer son horaire et avoir la possibilité de travailler quotidiennement à la maison, voilà un rêve devenu réalité pour Karyne, qui a pu compter sur l’aide précieuse et la compréhension de son conjoint:

«Le défi a été de partir à mon compte. Je suis chanceuse, car le papa me soutient beaucoup dans ce projet-là. Au début, c’est sûr que faire sa clientèle et tout, il y avait une entente avec le papa pour que ce soit lui qui continue à subvenir financièrement aux besoins de la famille, le temps que j’aille une clientèle.»

Même si l’adaptation à son nouveau rôle est loin d’avoir été de tout repos, elle qui a passé plus d’une année avec son nourrisson, Karyne réalise aujourd’hui que cette transition lui a permis de renouer avec une partie d’elle-même qui avait été mise de côté lors de son congé de maternité :

«De me retrouver dans mon rôle de travailleuse autonome, j'ai trouvé ça difficile au début de laisser ma fille à la garderie. Je ressentais un peu de culpabilité, mais en même temps j'étais vraiment contente de me développer autrement. Je pense que j'avais besoin de me retrouver comme personne dans un autre rôle, à ce moment-là de ma vie.»
Retourner directement à temps plein, un chemin qui peut être éprouvant

Marlène, qui a fait le saut directement à temps plein, ne cache pas avoir eu à composer avec situation plus éprouvante que ce qu’elle avait anticipé :

«J'ai pas fait d'adaptations et je le regrette, en fait. J'ai repris tout de suite à temps complet, ce que j'aurais pas dû, je pense. Au début, j'étais extrêmement fatiguée et puis pas hyper concentrée au travail. Maintenant, la routine s'est mise en place, ça va mieux, mais ça a été beaucoup d'adaptation et beaucoup d'implication du papa aussi.»

Celle-ci raconte à quel point ce fut une épreuve pour elle d’apprendre à jongler avec son nouveau rôle de mère et celui d’employée, tout en y mettant son maximum pour chacun. La conciliation travail-famille vient avec un apprentissage fondamental : trop donner dans une de ces deux sphères amène presque inévitablement un défi dans l’autre sphère.

«C’est sûr que des fois ça m’arrive d’expliquer à mon coco que maman est fatiguée. Ou qu’au travail j’accepte qu’il y a des journées où je suis fatiguée. Je ne culpabilise pas du tout, dans le sens où mes priorités ont changé. Je donne mon 100% au travail, mais ma priorité reste ma famille», relate Marlène.

2- La communication et le travail d’équipe dans le couple

Le retour au travail rime nécessairement avec l’avènement d’une nouvelle routine familiale.

Les cinq femmes que j’ai interviewées s’accordent toutes sur l’importance de se parler franchement entre partenaires sur la manière d’organiser et de découper cette nouvelle routine : «Travailler en équipe, diviser les tâches, diviser qui fait quoi dans la maison pour pouvoir un peu mieux gérer tout ce qu’il y à faire», résume Vanessa, en m’expliquant la stratégie entreprise au sein de son couple.

Qui va porter et chercher qui, et quand. Qui s’occupe de la préparation des repas à tel ou tel moment de la semaine. Qui s’occupe des lavages, de tel autre aspect du ménage, etc.

Pour renouer avec soi-même et ses intérêts, Karyne suggère l’intégration «soirées-loisirs» dans l’horaire de la semaine, où chacun peut planifier ce qu’il souhaite faire: de l’escalade, des cours de yoga, voir des amis, etc.

Voilà autant d’autres aspects incontournables que les autres mamans interviewées me nomment quant à l’aménagement d’une nouvelle routine.

Selon elles, le secret est de donner plus de place à son ou sa partenaire, même si cela ne va pas toujours de soi et qu’on n’en a pas toujours envie :

«Pour ma part, des fois je veux tout gérer et être parfaite dans tous les domaines, mais c'est pas tout à fait possible. Papa sait super bien faire les choses aussi, donc il faut que je lui laisse de la place. Travailler plus en équipe. Il arrive parfois que je ne puisse pas sortir du travail. Ça me stressait beaucoup et c'est papa qui prend la relève. Mon fils sait que je suis là pour lui quand même.» -Marlène

Et au-delà des actes de service que peut procurer l’entourage, lesquels sont loin d’être non négligeables, le soutien moral et psychologique semble tout autant inestimable.

Sans les encouragements continus de son conjoint et de la confiance de celui-ci vis-à-vis de son projet, Karyne se demande aujourd’hui si elle aurait pu bâtir aussi efficacement son projet d’affaires.

3- Le soutien de l’employeur et des collègues

Les mères avec qui j’ai pu discuter n’ont pas toutes la chance de travailler dans des organisations qui veulent – ou qui peuvent, tout simplement – aménager un horaire de travail, ou une charge de travail, adapté à leur nouvelle réalité familiale.

Pourtant, cet aspect semble incontournable pour que le retour au travail puisse se réaliser avec succès.

À titre d’exemple, Vanessa a pu compter sur le soutien précieux de son milieu de travail. Pour elle, cela s’est traduit par un employeur conciliant, mais surtout par un environnement de travail inclusif et compréhensif qui lui a permis de se sentir appréciée et utile. Les collègues et l’employeur de Vanessa ne s’attendaient pas à ce qu’elle puisse être aussi productive qu’avant son congé de maternité.

S’intéresser à la maman qui se cache derrière la travailleuse

La réalité de Marlène, comme celle de bien des femmes au Québec, est à l’antipode de celle de Vanessa. Ce dont elle aurait eu le plus besoin lors de son retour au travail, c’est qu’on s’intéresse davantage à ses besoins de nouvelle maman, à tout le moins à l’adaptation à son retour au travail :

«Ce que j’aimerais avoir, et c’est dans un monde de licornes, je sais que ça ne se passera jamais. Je trouve que ce serait important d’avoir surtout du soutien de nos chefs d’équipe ou d’une travailleuse sociale. Juste un cinq minutes, pour quand on reprendre le travail, de jaser.

Ca m’aurait fait du bien d’avoir une tape sur l’épaule : eh comment tu te sens? Comment tu gères ça, la reprise du travail? Comment il va ton bébé? Comment tu te sens en tant que maman, en tant que travailleuse.

Toutes ces questions qui nous roulent dans la tête et finalement on rentre au travail avec beaucoup de stress au début. J’avais l’impression que je ne savais plus comment faire mon travail. Tout le stress de gérer le quotidien de la vie de famille.»

4- L’importance des milieux de garde

Même si le Québec détient l’un des meilleurs réseaux de garderies subventionnées de l’ensemble du Canada, depuis quelques années, la province fait face à une importante pénurie de places. Dépendamment des régions, il n’est pas rare de devoir attendre plusieurs mois, voire plus d’une année pour qu’enfin une place se libère dans une garderie, ce qui peut mettre une pression financière énorme sur les parents.

Dans la circonstance, la majorité des femmes rencontrées se sont dites soulagées d’avoir pu trouver un milieu de garde qui concordait avec leurs valeurs et où leur enfant pouvait s’y sentir bien. Karyne se dit d’ailleurs très reconnaissante du milieu de garde de sa fille, ce qui lui a permis de pouvoir réaliser son rêve de se lancer à son compte.

L’usure morale du manque de places en garderie

Or, ce n’est pas toujours rose. Certaines nouvelles mamans sont encore en attente d’une place en garderie, malgré la fin officielle de leur congé de maternité, ce qui retarde inévitablement leur retour au travail. C’est la situation dans laquelle se trouve Clémence, qui en a beaucoup sur le coeur :

«Je ne suis pas encore satisfaite de ma conciliation travail-famille-vie personnelle parce qu'on a pas de garderie encore et que je travaille. Donc ça rend tout compliqué. Je sens que jusqu'à date si je veux du temps pour moi, je m'épuise. C'est soit a) je fais moins d'activités personnelles et je ne suis pas épuisée ou b) j'en fais mais je suis épuisée. J'espère pouvoir trouver un équilibre là-dedans dès que notre enfant ira à la garderie.»

Pour sa part, Coralie a dû repousser son retour au travail, car ses recherches pour trouver un milieu de garde demeurent à ce jour infructueuses. Elle raconte à quel point cette recherche, qui lui semble interminable et impossible, l’empêche de profiter pleinement de son congé de maternité.

Ne sachant pas combien de temps elle pourra tenir financièrement, cette situation lui génère beaucoup d’angoisse. Par ailleurs, Coralie explique qu’au sein de son organisation de travail on lui fait ressentir que c’est de sa faute si elle n’a toujours pas de milieu de garde. Voilà qui n’aide en rien à apaiser le stress et le découragement qu’elle vit depuis plusieurs mois.

Trouver le bon milieu de garde

Autre cas de figure, le milieu de garde de leur poupon n’est pas tout à fait en adéquation avec leur horaire de travail et les obligations de leur organisation de travail.

Marlène estime que le milieu hospitalier où elle exerce sa profession d’infirmière aurait tout à gagner à y intégrer un service de garde pour les employé.e.s :

«Je suis infirmière aux soins intensifs. On a un métier qui ne concilie absolument pas travail et famille. On se bat pour ça. J'ai l'espoir qu'un jour on nous écoute par rapport à cela.

Non, je ne suis pas satisfaite de ma conciliation travail-famille parce que rien n'est fait au travail pour aider à ça, pour avoir des horaires ou des journées de congé qui puissent s'adapter à la vie de famille. Rien n'est fait.

Ce que j'aimerais c'est d'avoir une garderie dédiée à mon milieu de travail et dans lequel je suis prioritaire, pour m'enlever cette pression de trouver un milieu de garder adapté où mon coco est bien, où je ne me stress pas si je finis 5 minutes en retard.»

Anxiété et choix de carrière : causes, répercussions et solutions

Un homme assis sur un banc de parc regarde au loin, songeur. Devant lui il y a un grand arbre et un ciel bleu.

La fin des études secondaires est reconnue par de nombreux spécialistes de l’orientation professionnelle comme étant l’un des moments les plus importants et déterminants que l’individu aura à vivre en termes de cheminement professionnel.

Ainsi, le choix d’orientation, à l’adolescence, peut constituer à lui seul une source considérable d’anxiété. Ce qui n’est pas surprenant, étant donné ses multitudes répercussions dans tous les domaines de la vie, et souvent pour de nombreuses années à venir.

Audrey Dupuis, conseillère d’orientation et candidate au doctorat en éducation à l’Université de Sherbrooke, fait partie de ces chercheur.e.s universitaires qui s’intéressent spécifiquement à l’anxiété face au choix de carrière chez les jeunes. Dans le cadre de sa formation actuelle, elle a développé et mis en application un programme d’intervention de groupe visant à réduire l’anxiété face au choix d’orientation des élèves du secondaire. Il en est question plus en détail à la fin de cet article.

Dans cet article, Audrey nous explique ce qu’est l’anxiété face au choix de carrière, ses principales causes et répercussions, ainsi que des conseils pour la diminuer.

L'anxiété chez les jeunes Québécois
Saviez-vous qu'au Québec plus d'un jeune adulte de 15-29 ans sur trois (34,7%) éprouvait un niveau élevé de détresse psychologique en 2014-2015 et que ce taux était encore plus élevé (37,1%) chez les plus jeunes de 15 à 19 ans? C'est ce que nous indiquent les plus récentes données de l'Institut de la statistique du Québec (source). Et selon les mêmes données, près d'un jeune adulte québécois sur quatre (23,7%) vivrait du stress considérable au quotidien.

Qu’est-ce que l’anxiété face au choix de carrière?

L’anxiété face au choix de carrière constitue une anticipation négative de l’avenir spécifique au choix de formation ou au choix de carrière. Bien que surtout propice vers la fin des études secondaires, l’anxiété face au choix de carrière peut survenir à tous les âges de la vie, lorsqu’on est confronté à une importante décision en termes de formation (ex.: retour aux études) ou de carrière (accepter ou non une promotion, changer d’emploi, se réorienter).

Or, comme l’explique Audrey, l’anxiété face au choix de carrière peut débuter assez tôt dans le parcours scolaire des jeunes :

«Habituellement, là où l'anxiété est plus susceptible d'émerger, c'est vers la fin du 3e secondaire lorsque les élèves doivent faire leur choix de cours en mathématiques et en sciences de 4e secondaire. On va leur dire, peut-être pour la première fois de leur vie: “le choix que tu fais-là, il va avoir une influence sur ton futur. Trompe-toi pas.”»  -Audrey Dupuis, conseillère d'orientation et doctorante en éducation

Les principales causes de l’anxiété face à un choix d’orientation

L’anxiété face au choix de carrière ne découle pas d’une seule cause. Au contraire, on trouve une multitude de causes qui peuvent générer de l’anxiété face au choix de carrière:

  • Avoir une faible connaissance de soi
  • La peur de faire le «mauvais» choix de carrière
  • Avoir à faire des deuils professionnels
  • La pression des parents
  • La précarité financière
  • Des services d’orientation peu accessibles dans les écoles secondaires
Un jeune adulte marche dans une rue déserte. On le voit de dos et il porte un sac à dos gris. Au loin, il y a des champs et des arbres.

1. Avoir une faible connaissance de soi

De manière générale, les élèves du secondaire ont l’impression de ne pas se connaître suffisamment pour faire un choix de carrière qui leur correspond, ce qui ne ferait qu’accentuer leur angoisse face à ce choix. «La plupart des adolescents que l’on rencontre nous le disent: “Il me semble que je suis encore trop jeune pour faire un choix de carrière.”», me raconte la conseillère d’orientation Audrey Dupuis.

Toutefois, selon Audrey, les élèves du secondaire se connaissent bien plus qu’ils ne le croient. C’est simplement qu’ils ont de la difficulté à mettre des mots sur qui ils sont, ce qu’ils aiment et ce qu’ils valorisent.

«Souvent, ce n'est pas nécessairement que les élèves ne se connaissent pas, c'est surtout qu'ils ne connaissent pas encore les mots pour se décrire. Ils savent un peu qui ils sont, mais ils ont encore de la difficulté à nommer leurs intérêts ou leurs valeurs.» -Audrey Dupuis, conseillère d'orientation et doctorante en éducation

Les activités de connaissance de soi sont alors au cœur de l’intervention en orientation pour aider les jeunes anxieux à mieux connaître leurs intérêts, leurs valeurs et leur personnalité. Selon l’expérience d’Audrey Dupuis, ces activités permettent souvent aux jeunes de faire des prises de conscience importantes sur qui ils sont. Parfois, cette simple clarification permet de résoudre l’indécision entre plusieurs choix d’orientation:

«Il y a une élève qui hésitait beaucoup entre le métier d'actrice et le domaine de la relation d'aide. Puis après avoir fait un atelier sur les valeurs, pour elle les valeurs qui ressortaient le plus, c'était la famille, aider les autres, prendre soin. À ce moment, pour cette jeune, ça a fait un déclic: “Eille! Mes valeurs c'est ça. Je vais aller en relation d'aide.”» -Audrey Dupuis, conseillère d'orientation et doctorante en éducation

Enfin, face à des jeunes qui considèrent ne pas suffisamment se connaître pour réaliser un choix de carrière, il peut être nécessaire de leur expliquer qu’il est tout à fait normal de ne pas se connaître dans son entièreté à 16 ou 17 ans. Que la connaissance de soi continue d’évoluer tout au long de l’entrée dans la vie adulte, et même au-delà.

De plus, un choix de carrière adapté à soi aujourd’hui a des chances de ne plus nous correspondent dans 10 ans en raison dépendamment de nos expériences de vie. Ça peut sembler être une évidence pour certains, mais ça ne l’est pas pour plusieurs jeunes. Il faut donc prendre le temps de d’aborder cette croyance avec eux.

2. La peur de faire le mauvais choix de carrière

La crainte de faire un «mauvais» choix de carrière, est, selon l’expérience d’Audrey Dupuis, la cause la plus commune associée à l’anxiété face au choix de formation chez les élèves du secondaire. La peur de se tromper en cache une autre, soit la peur d’avoir à changer de parcours scolaire en cours de route.

La recherche de la profession idéale

Il y a cette croyance que le premier choix de carrière doit être parfait et que tout changement à venir équivaut carrément à «recommencer à zéro», ce qui équivaut, selon le point de vue de plusieurs élèves, à une «perte de temps». Et il y aurait toujours cette idée qui circule qu’il existe UNE profession idéale (comme il existe UNE âme sœur) et qu’il faut à tout prix la trouver pour se sentir heureux et épanoui.

La recherche de la perfection vient toujours avec un prix, même en orientation professionnelle soit celui la de se tromper. Ce serait particulièrement le cas chez les élèves hautement performants et habitués à la réussite, qui veulent aussi que leur choix de carrière soit le signe de l’excellence. Le rôle du professionnel de l’orientation est alors de décortiquer et de déconstruire cette croyance avec l’élève.

Une faible estime de soi

Dans d’autres cas, il s’agit plutôt de la peur de s’engager dans une voie professionnelle pour laquelle on ne dispose pas des réelles compétences pour exercer son métier ou sa profession. Ici, l’estime de soi est au cœur de l’anxiété générée par le choix de carrière: «est-ce que je serai vraiment capable d’atteindre les objectifs que je vais me fixer?».

Une jeune femme regarde le plan d'une ville. Elle est assise sur le capot de sa voiture grise. On ne voit pas son visage, car il est caché par la carte. Le ciel est bleu et on y voit quelques gros nuages blancs.

3. Avoir à faire des deuils professionnels

Au fur et à mesure de leur parcours scolaire, les élèves prennent progressivement connaissance, et parfois avec surprise et consternation, des portes professionnelles qui se ferment réalistement à eux. Les deuils professionnels, selon Audrey Dupuis, sont plus courants qu’on ne le croit et ils doivent être considérés lorsqu’on s’intéresse à l’anxiété face au choix de carrière chez les jeunes.

À titre d’exemples, les faibles résultats scolaires peuvent empêcher, à court terme du moins, l’accès à certains programmes collégiaux ou universitaires. Même situation chez les élèves en situation de handicap qui découvrent qu’ils ne pourront «jamais» exercer certains emplois.

Bref, certains élèves ont à vivre de véritables deuils professionnels et réalisent alors que LA profession tant envisagée, celle qui semblait être en parfaite adéquation avec soi, doit finalement être oubliée.

4. La pression des parents

Le choix d’orientation peut également être une grande source d’angoisse lorsque les parents exercent une pression continue, parfois depuis un très jeune âge, quant à l’avenir professionnel de leur enfant.

«J'ai une élève dont les frères et sœurs plus âgés ont tous vécu un changement important dans leur parcours scolaire. Elle sentait beaucoup de pression de la part de ses parents : “Ok là, toi tu te tromperas pas comme les autres.”» -Audrey Dupuis, conseillère d'orientation et doctorante en éducation

Attentes parentales et rêves de jeunesse inachevés

Médecin, avocat(e), ingénieur(e), les attentes des parents en matière d’orientation professionnelle peuvent être particulièrement élevées, surtout chez ceux qui souhaitent que leur enfant se rende aussi loin qu’eux. Voire encore plus loin qu’ils ne l’ont jamais été, professionnellement parlant.

Et cette pression dure parfois jusqu’aux études collégiales et universitaires, pouvant même prendre la forme d’une emprise financière : «Si tu changes de programme, je ne paierai plus tes études.»

Par le biais de leurs enfants, certains parents souhaitent, consciemment ou non, atteindre leurs propres rêves de jeunesse. «Moi, j’ai pas eu la chance d’aller à l’université, donc toi tu vas y aller», me donne en exemple Audrey. Mais est-ce que ce choix d’orientation correspond vraiment à l’élève? C’est bien là toute une autre source d’angoisse : cette peur de faire un choix qui ne me correspond peut-être pas, simplement pour plaire à mes parents.

Porter sur soi le rêve et l’ambition professionnelle de ses parents, voilà tout un poids à porter sur ses épaules, surtout à un si jeune âge.

5. La précarité financière

Pour les jeunes qui ont assez peu de soutien financier de leurs parents, l’orientation de carrière prend une tout autre signification, soit la crainte de s’engager dans une voie parsemée de difficultés financières. «Est-ce que j’arriverai à payer mes études universitaires et tout ce que ça comprend?» Pour ces jeunes, l’endettement constitue un autre aspect du choix de carrière qui en est la source d’anxiété.

Pour en savoir plus, lire notre article sur l‘endettement étudiant au Canada et au Québec.

6. Des services d’orientation professionnelle peu accessibles

Un manque de conseillers et de conseillères d’orientation professionnelle dans les écoles secondaires

En ce moment, au Québec, l’orientation en milieu scolaire est caractérisée par des inégalités, d’une école à l’autre, dans l’accès à un conseiller d’orientation.

En raison des coupes budgétaires en éducation des années précédentes, ce n’est généralement pas tous les élèves d’une école secondaire qui ont la possibilité de rencontrer un conseiller d’orientation et d’être accompagnés dans leur choix de carrière.

Il ne serait ainsi pas rare qu’un même conseiller d’orientation doive couvrir plusieurs écoles à la fois dans une même année scolaire. Dans d’autres cas, ils sont tout simplement surchargés et doivent limiter grandement leurs interventions.

«Les conseillers et conseillères d'orientation sont parfois si surchargés qu'ils se limitent à rencontrer les élèves de 5e secondaire. Or, les plus jeunes peuvent aussi vivre de l'anxiété face à leur choix de carrière. Ils n'auront pas cette opportunité-là. Et même les élèves de 5e secondaire, ils peuvent rarement bénéficier d'un long processus d'orientation. En général, ça se limite à une ou quelques rencontres. Pour des élèves anxieux, c'est insuffisant.» -Audrey Dupuis, c.o. et doctorante en éducation
Une thérapeute parle à son client. La thérapeute est assise sur une chaise. Elle est caucasienne et porte un chandail gris et des pantalons noirs. Le client est un homme afro-américain ayant de longs cheveux. Il porte un chandail brun et des pantalons noirs. Il est assis sur un sofa. Ils sont assis sur une chaise, face à face, dans un bureau blanc. Il y a une grande plante verte et une fenêtre qui donne accès à un bloc appartement.

Une méconnaissance du rôle des professionnels de l’orientation professionnelle

Le rôle des conseillers et conseillères d’orientation, explique Audrey Dupuis, serait souvent méconnu par les directions d’écoles secondaires. Il existerait d’ailleurs une méconnaissance de l’étendue des interventions que les professionnels de l’orientation peuvent accomplir auprès des jeunes et de la pertinence de leurs interventions sur la réussite scolaire des élèves.

Dans ces conditions, à budget limité, plusieurs écoles préfèrent investir dans d’autres types de professionnels, comme des psychoéducateurs et psychoéducatrices, des psychologues ou des techniciens et techniciennes en éducation spécialisée (TES).

De plus, en raison de cette méconnaissance, il n’est pas rare qu’une bonne portion de la fonction scolaire des conseillers et conseillères d’orientation soit limitée à l’exécution de tâches administratives (ex.: fiches d’inscription au collégial).

Cela a nécessairement une incidence directe sur le temps d’intervention qu’ils peuvent investir auprès des élèves qui vivent de l’anxiété face à leur choix de carrière. Ou encore du temps qui pourrait être investi plus tôt dans la formation, ce qui permettrait aux élèves d’en arriver à un choix d’orientation plus solide une fois arrivés en 5e secondaire.

Un manque d’espace de partage autour du choix de carrière

De plus, les adolescent.e.s ont rarement accès à des espaces spécifiquement mis en place dans l’école pour discuter, entre eux, de leur choix de carrière et des émotions que ça peut leur faire vivre.

Audrey explique que ce type d’espaces pourrait permettre de conscientiser les adolescents à toute la normalité autour des émotions vécues face au choix de carrière. Et ainsi les démystifier. Possibilité d’en parler, de les vivre, de s’en libérer.

Il n’existe plus de cours d’éducation au choix de carrière

Au Québec, depuis une dizaine d’années, il n’existe plus de cours centrés exclusivement à l’orientation professionnelle communément appelés cours d’éducation au choix de carrière.

Ces cours ont été remplacés par ce qu’on appelle dans le jargon scolaire les «contenus en orientation scolaire et professionnelle» (COSP) (pour en savoir plus). Les COSP sont obligatoires, mais ne prennent pas la forme d’un cours.

Dans toute une année scolaire, les enseignant.e.s – et non les professionnels de l’orientation, comme on pourrait s’y attendre – ont la responsabilité d’enseigner de 5 à 10 heures de contenus en orientation scolaire et professionnelle. Audrey Dupuis explique qu’il s’agit de contenus très pertinents pour contribuer à réduire l’anxiété face au choix de carrière, mais que ces contenus sont souvent implantés de manière très inégale d’une école à l’autre.

En bref, les écoles secondaires offrent aujourd’hui une base bien mince de services en orientation.

Les effets néfastes de l’anxiété face au choix de carrière

1. Éviter et repousser la prise de décision de carrière

L’évitement est caractéristique des personnes souffrant d’anxiété. De la même manière, les personnes qui sont angoissées face à leur choix de carrière ont tendance, pour diminuer justement l’anxiété ressentie, à éviter de penser au choix qui doit éventuellement être fait.

Les élèves anxieux face à leur choix de carrière repoussent souvent cette prise de décision le plus loin possible dans le temps. De la même manière, ils vont éviter de poser des comportements qui pourraient les aider à y voir plus clair, tels qu’une rencontre avec une ou un conseiller d’orientation ou la recherche d’information sur les formations.

«“Je suis allé voir un conseiller d'orientation, il m'a donné des exercices à faire, mais je ne les ai pas faits.” Qu'est-ce qui fait qu'il ne les a pas fait? Juste se mettre en action, tout seul, les jeunes anxieux vont avoir tendance à éviter de le faire, parce que ça peut augmenter l'anxiété qu'ils vont ressentir.»

2. Faire un choix d’orientation professionnelle sur un coup de tête

À l’autre extrême, la réponse à l’anxiété face au choix de carrière est tout simplement de s’en libérer en faisant un choix sans trop y réfléchir, voire au hasard, simplement pour ne pas vivre les émotions négatives associées à l’anxiété.

3. Absentéisme et faibles résultats scolaires

Dans certains cas, l’anxiété face au choix de carrière se traduit directement sur l’expérience scolaire des élèves. L’école en soi devient une expérience angoissante par ce qu’elle représente en termes de décisions de carrière.

Par conséquent, des élèves anxieux peuvent en venir à se désintéresser de leurs cours, à s’absenter plus régulièrement et à être de moins en moins investis dans leurs études. Dans le pire des cas, c’est carrément l’interruption des études qui est envisagée.

Or, explique Audrey Dupuis, ces effets néfastes sur l’expérience scolaire des jeunes ne feraient qu’exacerber à leur tour l’angoisse face au choix d’orientation.

En effet, étant donné la structure même de notre système d’éducation, la baisse en continu des résultats scolaires limite malheureusement l’accès à certains programmes collégiaux, universitaires et de la formation professionnelle.

Cette conséquence peut être inattendue et amplifier l’anxiété déjà présente.

Une jeune femme feuillette un livre dans une librairie. Elle porte un chandail gris et des jeans. Elle se tient debout devant de grandes bibliothèques blanches, remplies de livres.

Comment réduire l’anxiété face au choix de carrière?

La conseillère d’orientation Audrey Dupuis propose quelques pistes d’action pour aider les jeunes à mieux vivre leur processus de décision de carrière et ainsi diminuer, on l’espère, l’anxiété face au choix de carrière:

  • Présenter des modèles de professionnels qui n’ont pas un parcours linéaire ou qui se sont réorientés en cours de route;
  • Participer à des activités d’exploration de soi en groupe pour apprendre à mettre des mots sur sa propre personne (intérêts, valeurs, personnalité)
  • Tenir un journal de bord à propos de son processus de choix de carrière: Qu’est-ce qui fait que cette profession t’intéresse en ce moment? Qu’est-ce qui fait que tu as finalement changé d’idée? Qu’est-ce que tu as appris de toi-même?
  • Déconstruire les grandes étapes du processus de prise de décision. Préparer un plan d’action concret sur les prochaines étapes à réaliser. Le plan d’action permet aux personnes anxieuses de se sentir plus en contrôle à propos de leur avenir.
  • Parents: être à l’écoute des questionnements de votre enfant, lui laisser de l’espace pour qu’il puisse s’exprimer sans qu’il ne se sente d’emblée jugé par votre opinion;
  • Parents: accompagner votre jeune dans leur démarche d’orientation, comme la recherche d’information. Établir des moments d’accompagnement au courant de l’année.

Un grand merci à Audrey Dupuis, qui a bien voulu m’offrir de son temps pour que je puisse vous écrire cet article. Vous trouverez ici de l’information sur le Programme HORS-PISTE produit par le Centre RBC d’expertise universitaire en santé mentale, et dont Audrey Dupuis fait partie, à titre de doctorante en éducation.

Mieux s’orienter grâce à l’art-thérapie

Un pinceau et une palette de couleurs

Ces dernières années, l’art-thérapie gagne en popularité. Ainsi, les musées sont de plus en plus nombreux à offrir des ateliers d’art-thérapie. On n’a qu’à penser au Musée des beaux-arts de Montréal, qui offre divers programmes d’art-thérapie pour briser l’isolement des jeunes et des moins jeunes et développer chez eux un sentiment d’appartenance à leur communauté. On y aborde des sujets sensibles comme le suicide, les troubles alimentaires, la migration existentielle, les troubles langagiers. L’art-thérapie aurait donc des effets thérapeutiques. Il n’est donc pas surprenant que l’art soit parfois utilisé chez des professionnels de la santé, comme les psychologues et les ergothérapeutes.

Bien qu’encore marginale, la profession d’art-thérapeute existe bel et bien! L’Association des art-thérapeutes du Québec (AATQ) milite depuis près d’une dizaine d’années, sans succès pour le moment, pour que les art-thérapeutes soient reconnus à titre de psychothérapeutes (source). Les seules universités québécoises offrant une maîtrise en art-thérapie (Concordia et Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)) songent à modifier leurs programmes pour qu’ils puissent éventuellement répondre aux exigences de l’Ordre des psychologues du Québec pour l’obtention du permis de psychothérapeute.

Qu’est-ce que l’art-thérapie?

«L'art-thérapie se définit comme une démarche d'accompagnement psychologique d'une personne ou d'un groupe en difficulté, centrée sur l'expression de soi, de ses pensées, de ses émotions et ses conflits dans un processus de création d'images. La spécificité de l'art-thérapie s'exprime dans l'utilisation des médias plastiques visant la compréhension et la résolution de problèmes, le soulagement de l'angoisse et de la souffrance psychologique et physique ou simplement l'évolution et le mieux-être psychologique de la personne ou du groupe.»
- UQAT (source)
Une femme sourit et prend un pinceau

Entrevue avec une conseillère d’orientation passionnée par l’art-thérapie

Pour en connaître davantage sur l’art-thérapie, je me suis entretenu avec Marie-Ève Morin, une conseillère d’orientation qui s’intéresse de près à ce domaine d’expertise depuis quelques années déjà. Elle cumule près de 10 ans d’expérience en employabilité et en orientation professionnelle.

Une femme sourit

Marie-Ève s’est spécialisée au fil des années auprès des jeunes adultes éloignés du marché de l’emploi. Elle a notamment animé les ateliers «Je vaux de l’art» – ateliers qu’elle a développés – au CJE de Sherbrooke.

Détentrice du microprogramme de 2e cycle en art-thérapie de l’UQAT, Marie-Ève entreprend actuellement un certificat universitaire en art visuel pour pouvoir être admise à la maîtrise en art-thérapie. Elle souhaite devenir art-thérapeute tout en demeurant conseillère d’orientation. Elle souhaite ainsi parfaire ses compétences et ainsi intégrer ce domaine d’expertise dans sa pratique professionnelle.

Pourquoi vouloir se former en art-thérapie?

D’entrée de jeu, Marie-Ève m’explique que l’art a toujours fait partie de sa vie, qu’il s’agit pour elle d’une façon de vivre et d’extérioriser ce qu’elle vit intérieurement. Plus jeune lors de son premier choix de carrière, bien avant d’apprendre l’existence de l’art-thérapie, elle a longuement hésité entre une profession en art et une profession en relation d’aide.

«À cette époque-là, j'ai en quelque sorte repoussé l'idée de m'orienter dans une profession artistique. J'ai choisi la profession en relation d'aide parce que c'était vraiment au coeur de ce que je voulais faire. Aider les autres, ça primait sur le côté art-visuel. Je n'avais pas encore concilié les deux aspects.»
-Marie-Ève Morin, conseillère d'orientation

C’est au cours de sa formation en orientation professionnelle que Marie-Ève découvre la profession d’art-thérapeute. Elle se dit alors que cette profession lui collerait à la peau. Elle décide malgré tout de terminer sa formation en orientation avant de se lancer dans une formation en art-thérapie.

Cinq pinceaux devant une toile mauve, rose et jaune

Les avantages de l’art-thérapie en orientation professionnelle auprès des jeunes adultes

Au cours de ses années à intervenir auprès de jeunes adultes éloignés du marché du travail – des jeunes souvent aux prises avec une faible estime de soi, des troubles de santé mentale ou vivant des conditions de vie très difficiles – Marie-Ève souhaite trouver une manière d’aider ces jeunes à explorer et nommer leurs expériences, leurs besoins et ce qu’ils vivent émotionnellement.

Entrer en contact avec soi et en partager l’essence à une personne en situation d’autorité, voilà qui peut être assez exigeant et déstabilisant pour des jeunes souvent en marge du système ou méfiants envers celui-ci. Selon Marie-Ève, l’utilisation de l’art devient alors un médium pertinent pour faire tomber ces barrières et ainsi faciliter l’exploration et l’expression de soi des jeunes adultes.

La spontanéité de l’art permet de révéler des parties de soi, parfois cachées, inconscientes, et d’y extirper des symboles très forts enfouis en soi.

«J'intervenais auprès d'une jeune adulte et je n'arrivais pas à avoir accès à son vécu. Je lui ai donc demandé de piger une figurine et elle a choisi une araignée. C'est à partir de ce moment qu'elle a pu me nommer qu'elle se sentait comme si elle était prise dans une toile d'araignée.»
-Marie-Ève, conseillère d'orientation

L’art permet ainsi aux jeunes adultes d’entrer en relation avec un intermédiaire visuel et symbolique qui part et parle directement de soi. Le monde intérieur se révèle, prend forme et devient donc «plus concret». C’est pour cette raison que les figurines, notamment par l’exercice du «jeu de sable», sont souvent utilisées en art-thérapie. Marie-Ève explique que l’utilisation des figurines lors de groupes d’intervention permet aussi aux jeunes adultes à apprendre à mieux se connaître et à tisser, voire même réparer, des liens entre eux.

Dans la pratique de l’orientation professionnelle, explique Marie-Ève, l’intervention porte surtout sur la cognition : faire des listes d’intérêts, de valeurs et d’aptitudes; trouver, lire et classer de l’information; réaliser des tests psychométriques; parler de soi à travers la réflexion… L’art devient alors un autre moyen, plus instinctif que rationnel, pour aider les jeunes à mieux se connaître et à faire un choix de carrière plus proche de qui ils sont.

Une femme porte un chapeau et peint une murale à l'aide d'un pinceau

Quels sont les risques de l’art-thérapie?

Même si à première vue l’usage de l’art semble anodin en intervention, ce n’est pourtant pas des interventions à prendre à la légère, explique Marie-Ève. D’ailleurs, si elle utilise l’art en intervention, elle ne mobilise aucunement l’art-thérapie pour le moment. Elle attend d’avoir terminé sa formation en art-thérapie avant d’appliquer des interventions qui découlent directement de ce domaine d’expertise.

Par ailleurs, avant d’appliquer une nouvelle intervention mobilisant l’art dans sa pratique professionnelle, Marie-Ève demande chaque fois conseil aux professeurs et chargés de cours qui lui enseignent l’art-thérapie à l’UQAT.

Mais pourquoi une si grande prudence?

Étant donné que l’art-thérapie permet de révéler certaines parts de l’inconscient, c’est un peu comme marcher sur un champ de mines, surtout lorsqu’on intervient auprès de personnes susceptibles d’avoir subi des traumatismes dans l’enfance.

L’importance des matériaux utilisés

L’art-thérapeute formé et compétent connaît l’influence que peuvent avoir les divers matériaux artistiques sur l’état psychologique et émotionnel des personnes aidées. Il s’agit d’une spécificité de la formation en art-thérapie. En fonction de la vulnérabilité de la personne et des objectifs poursuivis, il serait très important de faire un choix réfléchi quant aux types de matériaux utilisés.

À titre d’exemple, un médium «fluide», comme l’argile, comparativement à un médium «sec», comme le crayon pastel, peut prédisposer davantage la personne aidée à une connexion plus intense avec son monde émotionnel et pourrait donc être moins approprié auprès de certaines personnes. Ainsi, le médium choisi par l’art-thérapeute est loin d’être anodin.

Autre exemple; le simple fait de fournir une petite ou une grande feuille oriente déjà ce que risque de ressentir émotionnellement la personne aidée. Plus la feuille est petite, plus le cadre de l’activité thérapeutique est sécurisant et sécuritaire. Ainsi, les risques de débordements émotionnels sont davantage restreints. L’ajout d’un ruban adhésif tout autour de la feuille serait un autre moyen pour sécuriser encore plus l’expérience thérapeutique.

Je tiens à remercier Marie-Ève Morin de m’avoir offert du temps pour réaliser cette entrevue.

Pour en savoir plus :

Pandémie et choix de carrière, un cocktail explosif pour les étudiants

Des étudiants sont assis à une table et travaillent avec leurs portables

On connaît tous une personne (il s’agit peut-être de toi?) dont la vie a été chamboulée pendant la pandémie. Anxiété généralisée, dépression, épuisement professionnel, dépendances… L’imprévisibilité du déroulement de la pandémie, l’insécurité financière et la solitude occasionnée par le confinement ont fait grimper en flèche les problèmes de santé mentale dans la population. C’est ce que nous confirme de plus en plus de recherches sur le sujet.

Ce fut aussi l’occasion, pour beaucoup d’entre nous, de remettre en question notre mode de vie, nos priorités… et notre travail! «Suis-je vraiment satisfait au travail?» «Est-ce que je m’y sens utile?» «Est-ce que je travaille trop?».

En tant que spécialiste en orientation professionnelle, mon intuition me disait que la pandémie allait sûrement avoir des effets tangibles sur le choix de carrière des jeunes. Et c’est bien ce que révèle la nouvelle étude d’Academos sur le sujet. J’ai donc décidé de vous résumer, en quelques points, les principaux résultats de cette étude intitulée Impact de la pandémie sur le choix de carrière des étudiants québécois et canadiens.

Près de 3200 étudiant.e.s québécois.es de 14 à 30 ans ont répondu au sondage réalisé par Academos. Ce n’est pas rien!

Je vous présente ici quelques faits saillants de l’étude, ceux qui ont le plus attiré mon attention.

1 étudiant sur 2 pense davantage à son choix de carrière

Depuis la pandémie, 52% des étudiant.e.s québécois.es ont davantage réfléchi à leur choix de carrière. Cette statistique est assez impressionnante, bien qu’assez prévisible. Pendant la pandémie, on a vécu, à grande échelle, un phénomène assez exceptionnel, celui de la suspension du temps, de son ralentissement : confinement, cours à distance, retour progressif en classe, impossibilité de retourner travailler dans son emploi étudiant (ex.: en restauration). Le temps, vécu subjectivement, a basculé radicalement pour plusieurs.

Par conséquent, de nombreux jeunes étudiant.e.s se sont retrouvés plus seuls qu’ils ne l’ont jamais été, mais aussi davantage au ralenti, sans devoir être investis dans une multitude d’activités comme cela leur était coutume. Ce ralentissement soudain du temps, mais aussi l’isolement, auraient permis aux jeunes de prendre du temps pour soi ET du temps pour réfléchir sur eux-mêmes. «Quels sont vraiment mes intérêts? » « Qu’est-ce que je valorise dans la vie? » « Quel type d’avenir professionnel je souhaite avoir?»

Une femme regarde à travers une fenêtre et on y voit son reflet
«J’ai pu prendre plus de temps pour réfléchir aux choses qui m’intéressent. Avant la pandémie, j’étais très occupée. J’avais beaucoup d’activités parascolaires. J’avais l’école et je n’avais jamais de temps pour moi. Je pensais rarement au futur ou aux métiers qui m’intéressaient. Mais quand il a fallu s’isoler à la maison, j’ai pu finalement considérer ce que je voulais faire comme métier.» -Citation provenant de l'étude Academos.

Et avec l’ébranlement de plusieurs grands secteurs de l’économie – on n’a qu’à penser à l’industrie du tourisme, de la restauration, de la culture et des arts – plusieurs étudiant.e.s ont aussi commencé à remettre en question des choix de carrière pris antérieurement ou tout simplement à remettre en question leur formation actuelle. Les effets d’éventuelles pandémies, dans un avenir prochain, sont maintenant pris en compte par les étudiant.e.s.

2 étudiants sur 5 sont plus anxieux vis-à-vis leur choix de carrière

Pour être plus exact, 42% des étudiant.e.s québécois.es disent être plus anxieux quant à leur choix d’orientation depuis le début de la pandémie. De plus, 44% se disent inquiets(ètes) face à leur avenir professionnel en raison de la pandémie. Ces résultats sont préoccupants, sachant que la santé mentale des jeunes fut durement touchée pendant la pandémie en raison de l’isolement (dépression, anxiété, troubles alimentaires). Cela ne fait qu’ajouter à la complexité des difficultés psychologiques que peuvent vivre les jeunes.

En somme, les étudiant.e.s ont davantage réfléchi à la direction professionnelle à envisager dans les prochaines années, mais cette réflexion est souvent assortie de craintes et d’anxiété face à l’avenir. Surtout dans un contexte où des secteurs d’emploi doivent entièrement se réinventer. En raison du contexte de l’école en virtuel, plusieurs ont vu leur motivation et leurs résultats scolaires chuter, entrainant du même coup de l’anxiété quant à la possibilité d’entrer dans certains programmes contingentés. Pris de court, plusieurs étudiant.e.s se voient forcés de réfléchir à un autre choix de carrière, à un plan B.

«J’ai peur de ne pas réussir à entrer dans le programme qui m’intéresse à l’université à cause du manque de motivation. Donc, je suis très inquiète par rapport au fait de me voir dans l’obligation de faire un choix de carrière qui ne correspond pas totalement.» -Citation tirée de l'étude d'Academos.

Le choix de carrière étant déjà une source d’anxiété lors de l’adolescence et de l’entrée dans la vie adulte, on se rend compte à la lecture de ces résultats que le choix de carrière est devenu un enjeu fondamental pour bien des jeunes. Pourtant, à ma connaissance, en date d’aujourd’hui aucune mesure d’envergure n’a été mise en place par le gouvernement québécois pour accompagner les jeunes dans leurs choix d’orientation (écrivez-moi en commentaires si jamais j’ai tort). De telles mesures seraient aussi bonnes pour l’économie que pour la santé mentale et émotionnelle des jeunes et de leur famille.

1 étudiant sur 2 n’a plus la même vision du monde du travail

Plusieurs personnes assises à l'extérieur regardent leur téléphone portable

En raison de la pandémie, 44% des étudiant.e.s québécois.es n’ont plus la même perception du monde du travail. Et parmi ceux-ci, près d’une personne sur deux (45%) en a une image plus négative qu’avant la pandémie, comparativement au 5% qui en ont une image plus positive. Le marché du travail n’est pas aussi sécuritaire et stable qu’ils ne le pensaient. Et certains emplois sont plus stressants ou monotones qu’ils ne le croyaient.

Mais ce qui semble le plus avoir changé chez les jeunes, depuis la pandémie, c’est la manière de penser les emplois et d’appréhender le marché du travail. Les jeunes ont acquis de nouvelles manières de catégoriser les emplois.

«Je n’avais jamais vu le monde du travail divisé en catégories d’emplois essentiels et non essentiels. Je ne suis pas d’accord avec la catégorisation de certains domaines comme non essentiels. J’ai aussi remarqué à quel point l’éducation et la santé sont des domaines qui ont été précarisés, chose qui m’attriste beaucoup.» -Citation tirée de l'étude d'Academos.

En effet, pour de nombreux étudiant.e.s, il existe maintenant des emplois essentiels et des emplois qui ne le sont pas. Et il existe des emplois qui sont valorisés par le gouvernement et d’autres qui ne le sont pas. Il s’agit d’une conséquence indirecte des décisions gouvernementales visant à fermer certains secteurs de l’économie lors du confinement.

Pour plusieurs, cette nouvelle représentation du marché du travail a été déterminante dans leur choix de carrière. En effet, près d’un étudiant québécois sur cinq (22%) a changé de choix de carrière en raison de la pandémie. Les résultats de l’étude d’Academos ne permettent pas de déterminer avec précision la nature de ces nouveaux choix, mais il se pourrait bien que plusieurs jeunes se soient détournés de certains domaines essentiels pour la société (la santé!), qui souffrent en ce moment, et dans les années à venir, d’une importante pénurie de main-d’œuvre.


Je n’ai présenté ici que quelques grands résultats de l’étude d’Academos Impact de la pandémie sur le choix de carrière des étudiants québécois et canadiens . Je vous encourage à la consulter en entier pour en savoir plus sur l’impact de la pandémie sur les choix d’orientation des étudiant.e.s québécois et canadiens.