Author - Dromadaire Mauve

Guide complet sur le salaire minimum au Canada [en 2022]

Plusieurs billets de banque canadiens et américains

Au Canada, il faut savoir que le salaire minimum (le smic pour les Français) varie d’une province à l’autre, tout comme il existe un salaire minimum spécifique aux domaines de juridiction fédérale. De plus, il n’est pas rare que pour une même province il existe plusieurs salaires minimums : le salaire minimum général et le salaire des employés à pourboire. Il en est question plus loin dans ce guide.

Salaire minimum au Canada par province ou territoire

Les meilleurs et les pires salaires minimums

Au Canada, ce sont aux territoires du Nunavut (16$/h) et au Yukon (15,70$) que l’on retrouve les salaires minimums les plus élevés.

Dans les provinces les plus populeuses du Canada, le salaire minimum se situe plutôt entre 15,65$/h et 14,25$/h. La Colombie-Britannique est en tête (15,65$/h), suivie de près par l’Ontario (15,50$/h) et de l’Alberta (15$/h). Le Québec est en queue de peloton, avec un salaire minimum de 14,25$.

Enfin, les pires provinces en matière de salaire minimum se trouvent à être la Saskatchewan (13$/h) et le Manitoba (13,50$/h).

Tableau des salaires minimums par province et territoire

Province et territoireSalaire horaireEntrée en vigueur
Nunavut16,00$1er avril 2020
Yukon15,70$
Augmentation prévue
1er avril 2022
1er septembre 2023
Colombie-Britannique
15,65$1er juin 2022
Territoires du Nord-Ouest15,20$
Augmentation prévue
1er septembre 2021
1er septembre 2023
Ontario15,50$1er octobre 2022
Alberta15,00$26 juin 2019
Québec14,25$8 mai 2022
Île-du-Prince-Édouard13,70$1er avril 2022
Nouvelle-Écosse
13,60$
14,30$
14,65$
15,00$
1er octobre 2022
1er avril 2023
1er octobre 2023
1er avril 2024
Terre-Neuve-et-Labrador13,70$
14,50$
15,00$
1er octobre 2022
1er avril 2023
1er octobre 2023
Nouveau-Brunswick
13,75$1er octobre 2022
Manitoba
13,50$
14,15$
1er octobre 2022
1er avril 2023
Saskatchewan13,00$
14,00$
15,00$
1er octobre 2022
1er octobre 2023
1er octobre 2024

Le salaire minimum au Québec

Depuis le 8 mai 2022, au Québec le salaire minimum est de 14,25$ l’heure. Il s’agit d’une hausse 75 cents par rapport au salaire minimum précédent (13,50$/h). Le salaire minimum s’applique à toutes les personnes qui travaillent à temps plein, à temps partiel, à la commission ou à la pièce.

Au Québec, il existe un taux minimum du salaire au pourboire. Ce taux se situe à 11,40$ par heure depuis le 1er mai 2022. Il était de 10,80$/h auparavant. Ce salaire minimum s’ajoute au pourboire perçu dans le cadre d’un échange de service (le cas classique des serveurs et serveuses).

Saviez-vous qu’au Québec la cueillette des fraises et des framboises est payée au rendement? Depuis le 1er mai 2022, le taux minimum pour la cueillette de fraises est de 1,13$ du kilogramme et de 4,23$ du kilogramme pour la cueillette de framboises. Il s’agit d’une augmentation de 0,22$/kg pour les fraises et de 0,06$/kg pour les framboises.

Pour en savoir plus sur les salaires minimums au Québec.

Le salaire minimum en Ontario

En date du 1er octobre 2022, le salaire minimum de l’Ontario est de 15,50$ l’heure, soit une hausse de 50 cents par rapport au salaire minimum précédent. Il faut savoir qu’il s’agit de la deuxième hausse de la province de l’Ontario en 2022, la première ayant eu lieu le 1er janvier 2022, passant de 14,35$ à 15$ l’heure.

Changement majeur en Ontario. Depuis le 1er janvier 2022, le salaire minimum aux «serveurs de boissons alcoolisés», semblable au salaire au pourboire du Québec, a complètement été éliminé pour être remplacé par le salaire minimum courant.

Il existe trois autres salaires minimums

  • pour les étudiants (14,60$/h depuis le 1er octobre 2022)
  • pour les travailleurs à domicile (17,05$/h depuis le 1er octobre 2022)
  • pour les guides de chasse et pêche et pour les guides d’aventure (155,25$ pour travailler au moins 5 heures par jour ou 77,60$ pour en travailler moins de 5 heures)

Pour en savoir plus sur les salaires minimums en Ontario.

Une plaine verdoyante et au loin une chaine de montagne

Le salaire minimum dans les provinces de l’Ouest

En matière de salaire minimum, il existe des disparités importantes entre les provinces des prairies canadiennes. Dans cette région du Canada ce sont la Colombie-Britannique et l’Alberta qui offrent les meilleurs salaires minimums : 15,65$/h pour la Colombie-Britannique et 15$/h pour l’Alberta.

Depuis le 1er octobre 2022, la Saskatchewan est la province qui offre le pire salaire minimum (13$/h) pour tout l’ensemble du Canada.

Le salaire minimum en Colombie-Britannique

Depuis le 1er juin 2022, le salaire minimum de la Colombie-Britannique s’élève à 15,65$/h, soit 45 cents de plus que l’ancien salaire minimum de la province, lequel correspondait à 15,20$/h.

En cinq ans, le salaire minimum de la Colombie-Britannique a subi une forte hausse, passant de 11,35$/h à 15,65$/h.

Tout comme c’était le cas en Ontario, il existe en Colombie-Britannique un salaire minimum pour les serveurs et serveuses de boissons alcoolisées (liquor servers). Ce salaire minimum s’ajoute au pourboire que ces employés reçoivent dans le cadre de leur travail. Le salaire minimum des serveurs de boissons alcoolisées se situe à 15,65$/h depuis le 1er juin 2022.

En Colombie-Britannique, les animateurs et animatrices de camp d’été ont leur propre salaire minimum. Il s’agit d’un salaire journalier. Depuis le 1er juin 2022, le salaire journalier minimum des animateurs de camp d’été est de 125,06$.

Il existe d’autres salaires minimums, en Colombie-Britannique, spécifiquement pour les fournisseurs de soins à domicile, ainsi que pour les travailleurs affectés à la récolte. Pour de plus amples informations à propos de ces salaires minimums, veuillez visiter ce site du gouvernement de la Colombie-Britannique.

Le salaire minimum en Alberta

En Alberta, le salaire minimum se maintient à 15$ l’heure depuis son entrée en vigueur le 1er octobre 2018.

Cependant, en date du 26 juin 2019, le salaire minimum des étudiants de moins de 18 ans est passé de 15$ à 13$ l’heure. Il faut savoir que ce sont les 28 premières heures travaillées au courant d’une semaine qui peuvent être payées à 13$/h, mais que toutes les autres heures travaillées au-delà de ces 28 heures doivent être payées minimalement à 15$ l’heure.

Il existe deux autres salaires minimums en Alberta :

  • l’un pour les employés de maison, c’est-à-dire des employés qui vivent et travaillent au sein de la maison de leur employeur. Depuis le 1er octobre 2018, le salaire minimum des employés a été maintenu à 2848$ par mois.
  • l’un pour les vendeurs à commission, incluant les courtiers immobiliers. Le salaire minimum des vendeurs à commission a été fixé à 598$ par semaine le 1er octobre 2018 et n’a pas été augmenté depuis.

Pour en savoir plus sur les salaires minimums de l’Alberta.

Le salaire minimum en Saskatchewan

Actuellement, le salaire minimum de la Saskatchewan se situe à 13$ par heure, ce qui en fait le salaire le moins élevé de l’ensemble du Canada. Il faut savoir qu’auparavant le salaire minimum de la province s’élevait à seulement 11,81$/h.

Le gouvernement de la Saskatchewan a déjà planifié des augmentations du salaire minimum pour 2023 et 2024. Il est ainsi prévu que le salaire minimum augmente à 14$/h le 1er octobre 2023, puis à 15$/h à partir du 1er octobre 2024.

Il existe de nombreuses exceptions pour lesquelles le salaire minimum ne s’applique pas et qui ont leurs propres réglementation en matière de salaire. Voici quelques cas de figure :

  • les ouvriers agricoles
  • les fournisseurs de soins à domicile
  • les gardiennes d’enfants temporaires

Pour en savoir plus sur le salaire minimum de la Saskatchewan.

Le salaire minimum au Manitoba

En date du 1er octobre 2022, le salaire minimum du Manitoba a été bonifié de plus d’un dollar, passant de 11,95$ à 13,50$ par heure. Le gouvernement du Manitoba prévoit augmenter le salaire minimum à 14,15$/h à partir du 1er octobre 2023.

Il faut savoir qu’au Manitoba le salaire minimum ne s’applique pas aux employé(e)s domestiques qui travaillent moins de 12 heures par semaine, ni aux personnes qui travaillent dans le cadre d’un programme de formation provincial ou fédéral, ni aux personnes embauchées dans le cadre d’élections.

Au Manitoba, le secteur de la construction a ses propres règles en ce qui concerne le salaire minimum.

Pour en savoir plus sur les exceptions en matière de salaire minimum au Manitoba.

Un quai et deux petites embarcations de pêche. Au loin un phare blanc.

Le salaire minimum dans les provinces maritimes

Le salaire minimum au Nouveau-Brunswick

En date du 1er octobre 2022, le salaire minimum du Nouveau-Brunswick a été bonifié à 13,75$ l’heure, alors qu’il se situait auparavant à 12,75$/h.

Or, il existe quelques exceptions pour lesquelles le salaire minimum ce salaire minimum ne s’applique pas : certains emplois gouvernementaux de la construction, ainsi que certains employés des camps de jour.

Pour en savoir plus sur les exceptions du salaire minimum au Nouveau-Brunswick.

Le salaire minimum à L’Île-du-Prince-Édouard

Le 1er avril 2022, le salaire minimum de l’Île-du-Prince-Édouard a été augmenté de 70 cents, passant ainsi de 13$ à 13,70$ par heure.

Face à la forte inflation vécue par la province au cours de l’année 2022, il est fort probable que le salaire minimum soit augmenté d’ici la fin de l’année.

Pour en savoir plus sur le salaire minimum de l’Ile-du-Prince-Édouard.

Le salaire minimum à Terre-Neuve-et-Labrador

À Terre-Neuve-et-Labrador, le 1er octobre 2022 le salaire minimum est passé de 13,20$ à 13,70$ par heure, soit une hausse de 50 cents.

Le 1er avril 2023, il est prévu que le salaire minimum de Terre-Neuve-et-Labrador augmente de 80 cents, pour correspondre à 14,50$ de l’heure. Il faudra attendre le 1er octobre 2023 avant de voir le salaire minimum de la province atteindre 15$/h.

Pour en savoir plus sur le salaire minimum de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le salaire minimum en Nouvelle-Écosse

En date du 1er octobre 2022, le salaire minimum de la Nouvelle-Écosse a été haussé à 13,60$ l’heure, alors qu’il était de 13,35$/h auparavant.

Au cours des prochaines années, la Nouvelle-Écosse augmentera progressivement le salaire minimum de la province afin qu’il atteigne 15$ l’heure en avril 2024.

Voici les augmentations à venir :

  • 1er avril 2023 – 14,30$/h
  • 1er octobre 2023 – 14,65$/h
  • 1er avril 2024 – 15$/h

Pour en savoir davantage sur le salaire minimum de la Nouvelle-Écosse.

Paysage nordique. Une grande montagne enneigée et des sapins à côté d'un lac.

Le salaire minimum dans les territoires du Canada

Le salaire minimum au Nunavut

En date du 1er avril 2020, le salaire minimum du Nunavut a subi une hausse significative de 3$, le faisant ainsi passer de 13$ à 16$ l’heure.

Pour en savoir plus sur le salaire minimum du Nunavut.

Le salaire minimum au Yukon

Au Yukon, le salaire minimum s’élève à 15,70$ par heure depuis le 1er avril 2022. Il s’agit d’une augmentation de 50 cents par rapport au salaire minimum précédent, qui se situait à 15,20$/h.

À partir du 1er septembre 2023, le salaire minimum au Yukon sera revu à la hausse en tenant compte de l’indice des prix à la consommation (IPC) du territoire.

Pour en savoir plus sur le salaire minimum du Yukon.

Le salaire minimum aux Territoires du Nord-Ouest

Les Territoires du Nord-Ouest ont haussé significativement leur salaire minimum le 1er septembre 2021, lequel est passé de 13,46$ à 15,20$ par heure.

À partir du 1er septembre 2023, le salaire minimum aux Territoires du Nord-Ouest sera revu à la hausse en tenant compte des changements du salaire horaire moyen du territoire.

Pour en savoir davantage sur le salaire minimum des Territoires du Nord-Ouest.

Un portefeuille noir rempli d'argent canadien

Qu’est-ce que le salaire minimum fédéral?

Au Canada, depuis le 1er avril 2022, le salaire minimum fédéral se situe à 15,55$ l’heure. Il s’agit d’une augmentation de 0,55$ par rapport à ce qu’il était auparavant (15$/h), soit une hausse qui avoisine les 3,7%.

Saviez-vous que le salaire minimum fédéral est relativement nouveau au Canada? En effet, il ne fait partie du Code canadien du travail que depuis le 29 décembre 2021, date de son entrée en vigueur.

Il est prévu que le salaire minimum fédéral soit réajusté annuellement à la hausse, à chaque 1er avril, pour tenir compte de l’inflation, et ainsi maintenir le pouvoir d’achat des travailleurs et travailleuses à travers l’ensemble du Canada.

Il faut savoir que le salaire minimum fédéral s’applique à tous les employés, incluant les stagiaires, qui œuvrent dans des entreprises du secteur privé sous réglementation fédérale ou au sein de sociétés d’État fédérales. Cet article apporte plus de précisions quant aux domaines touchés par la réglementation fédérale.

Dans l’éventualité que le salaire minimum d’une province ou d’un territoire est plus élevé que le salaire minimum fédéral, c’est le taux du premier salaire qui doit primer. À titre d’exemple, au Yukon le salaire minimum d’un employé sous réglementation fédérale, en avril 2022, devrait être de 16$ plutôt que 15,55$ l’heure.

Pour plus d’information sur le salaire minimum fédéral du Canada, veuillez consulter ce site du Gouvernement du Canada sur les normes du travail fédérales.

Intervenant en soins spirituels : contours d’une profession en mutation

Visage triste d'un vieille homme blanc. On y voit quelques larmes.

Dans le système de soins de santé du Québec, l’intervenant en soins spirituels fait partie, depuis 2011 seulement, de la grande famille des professionnels de l’accompagnement en soins palliatifs. Le patient en fin de vie est envisagé comme un être humain dans sa globalité, ayant le droit fondamental de profiter et de goûter pleinement, et ce avec respect et dignité, aux derniers jours de son existence.

Précision importante : l’intervenant en soins spirituels peut également intervenir à tout moment dans le parcours de soins d’un patient, au moment de l’annonce d’une maladie, par exemple.

Bien que la profession d’intervenant en soins spirituels commence à être couverte par les médias (voir ces articles de La Presse et de La Tribune), il s’agit d’une profession encore assez méconnue du grand public dans sa forme actuelle, en plus d’être en proie à des stéréotypes et des préjugés négatifs. Non, il ne faut pas être prêtre ou religieux pour pouvoir exercer cette profession (un peu plus sur son historique ici).

Entretien avec Martin Paquette, intervenant en soins spirituels depuis près d’une dizaine d’années.

Le rôle de l’intervenant en soins spirituels en bref

L’intervenant en soins spirituels, explique Martin, aide les personnes en fin de vie ou celles atteintes d’une importante maladie à les mettre en relation avec leurs points de repère existentiels, lesquels ont tendance à être ébranlés à ce moment même de leur existence. Le rôle de l’intervenant en soins spirituels est alors d’aider la personne souffrante à se reconnecter à ses propres points de repère, à ce qui est sacré pour elle, afin qu’elle puisse se sentir vivante et animée de l’intérieur (cliquer ici pour sa définition de la spiritualité).

Selon cette perspective du soin, les gens ne sont pas seulement un corps, ils ont un esprit et il faut s’en occuper:

« Si la personne n’est plus là sur le plan de l’esprit, le rétablissement sera plus difficile. Ça prend des sources de sens, ça prend un but, ça prend un projet pour se lever de son lit d’hôpital et d’essayer de vivre avec la maladie. »

-Martin Paquette, intervenant en soins spirituels

Le parcours professionnel de Martin

Après quelques années en tant que conseiller d’orientation, Martin réalise que ce qui le fait le plus vibrer au travail, c’est d’accueillir les gens dans leurs difficultés et de les aider à mieux se connaître, à se découvrir profondément en tant qu’être humain.

Relation d’aide et connaissance de soi, il en mange, comme on dit. Tout le contraire de la dimension plus concrète ou technique de l’orientation et du développement de carrière (ex.: plan d’action, tests psychométriques, recherche d’information).

C’est dans une période de grande remise en question professionnelle que Martin apprend qu’il existe dans les hôpitaux des personnes dont la fonction est d’accompagner spirituellement les patients grandement malades, généralement en situation de fin de vie mais pas uniquement, tout en les aidant à trouver un sens à leur existence.

« L’orientation professionnelle et soins spirituels, on est pas si loin que ça. On est dans la question du sens, donner le sens à notre vie, trouver quelque chose qui nous branche », explique Martin en se remémorant son parcours professionnel.

Photo de Martin Paquette, intervenant en soins spirituels au Québec

Martin Paquette, intervenant en soins spirituels

Ce qui le surprend par-dessus tout, c’est la nature des traitements offerts par les intervenants en soins spirituels. Ceux-ci s’intéressent d’abord et surtout à la spiritualité, au sens large, de la personne qui souffre. « Nous, on prend en considération que la dimension spirituelle est inhérente dans chaque être humain, que tu sois athée ou non. C’est quelque chose à prendre soin », précise Martin.

Par conséquent, la dimension religieuse de la spiritualité devient optionnelle et l’intervenant en soins spirituel peut s’adapter, le cas échéant, aux besoins religieux des patient.e.s. Cet aspect de la profession l’interpelle particulièrement :

« La spiritualité était une dimension qui était aussi importante pour moi, pas nécessairement sur le plan religieux, mais sur un plan plus global que ça. »

Martin Paquette, intervenant en soins spirituels

Qu’est-ce que la spiritualité du point de vue des intervenants en soins spirituels

Mais comment définir la spiritualité? Martin m’explique que personne, sur le plan théorique, ne s’entend encore sur une même définition de la spiritualité. Il existerait ainsi autant de définitions qu’il y a d’auteurs. Or, de façon beaucoup plus générale, la spiritualité renvoie à nos points de repères dans la vie, en particulier à ce qui est sacré dans notre vie, ce qui nous anime intensément intérieurement.

Ce sacré, ou ces points de repères, continue Martin, diffèrent grandement d’une personne à l’autre. Pour certains, il peut s’agir d’aspects très « concrets » de la vie quotidienne, comme la famille, les enfants ou le travail. Pour d’autres, plus proches du religieux, la spiritualité peut correspondre à un besoin de transcendance de l’existence (Paradis, réincarnation), à travers des figures religieuses ou mystiques (Dieu, Buddha).

En résumé, pour Martin la spiritualité se rapporte à tous les éléments dans une vie qui nous connectent à quelque chose de plus grand que soi. Qu’est-ce qui m’élève dans la vie? Qu’est-ce qui m’aide à me transformer intérieurement comme personne? Qu’est-ce qui m’aide à sentir que je suis plus qu’un simple corps?

Au sein de l’hôpital, le rôle des intervenants en soins spirituels est justement d’aider la personne souffrante à se (re)connecter avec sa partie intérieure. Cet aspect de l’existence du malade serait parfois mis en veilleuse dans un contexte où le personnel soignant s’intéresse et s’occupe surtout du corps :

« Ça c'est super important quand tu es malade en fin de vie à l'hôpital. Pour bien des gens, ils sentent juste qu'ils sont un corps malade. Et tous les professionnels qui sont à ton chevet, c'est pour s'occuper de ton corps, surtout. On regarde le morceau qui ne va pas bien. Notre travail c'est d'aider la personne à réaliser qu'ils sont beaucoup plus que leur maladie, beaucoup plus que leurs blessures. On les aide à se reconnecter à une dimension plus globale, plus complète. »
-Martin Paquette, intervenant en soins spirituels

Dans une chambre d'hôpital, une patiente est couchée sur un lit et discute avec un médecin, assis juste à côté d'elle.

Le travail et les tâches des intervenants en soins spirituels

  1. Accompagner sans diriger
  2. Prendre le temps nécessaire
  3. Ne pas forcer la spiritualité
  4. Intervenir sur les croyances spirituelles qui causent de la souffrance
  5. Ratio de patients à rencontrer
  6. Intervenir auprès de la famille et des proches

1) Accompagner sans diriger

Au Québec, l’un des courants de pensée dans l’intervention en soins spirituels, à lequel adhère Martin, consiste à accompagner sans diriger les personnes en fin de vie, à « marcher avec ». La spiritualité est alors envisagée comme une fin en soi. L’accompagnement en soins spirituels est intimement lié au processus de deuil du patient.

Par conséquent, la fonction de l’intervenant en soins spirituels n’est pas d’utiliser la spiritualité, de prime abord, pour régler un problème de santé du patient.

Voici comment Martin décrit sa pratique et ce qui l’a tout de suite attiré au sein de cette profession.

« Il y avait tellement une simplicité dans l’intervention. C’est-à-dire tu vas au chevet du patient, tu t’assois avec lui. Tu ouvres un espace avec lui pour que la personne puisse se raconter. Il n’y a pas de plan précis. Tu ne cherches pas à l’amener à quelque part nécessairement. Tu fais juste travailler avec ce qui est là. Tu l’écoutes et tu l’aides à cheminer dans ce qu’il vit. Ça m’a tout de suite attiré, parce que c’est non directif, je n’ai pas à l’amener à quelque part. J’ai juste à marcher avec lui. »

-Martin Paquette, intervenant en soins spirituels

2) Prendre le temps nécessaire

Le temps est un aspect fondamental de l’intervention en soins spirituels.

À la manière des thérapies psychologiques, les bienfaits de l’accompagnement des intervenants en soins spirituels prennent généralement du temps avant de se faire sentir. Cela peut se faire sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Pour Martin, il s’agit d’une composante non négligeable – voire non négociable – dans l’intervention en soins spirituels:

« Moi ce que je défends, c’est la liberté du temps qu’on prend avec un patient. Il y en a avec qui on va prendre 15 minutes. Il y en a que ça va prendre une heure. C’est variable. Les besoins sont différents pour chacun. Il y en a qui ont besoin de parler plus que d’autres. »

-Martin Paquette, intervenant en soins spirituels

En soins spirituels, l’idée de « prendre le temps » c’est surtout dans l’objectif que le patient sente que son histoire est suffisamment importante pour qu’elle puisse être entendue. Le message c’est : « vous êtes important; ce que vous vivez c’est important ». Et ça apporte aussi une détente de raconter son histoire sans sentir qu’on doit se dépêcher.

« Aussi, les patients voient passer tellement de professionnels différents à leur chevet; ça va vite et ces derniers n’ont pas nécessairement le temps de vérifier de long en large comment va le patient sur le plan moral. Nous oui. »

Martin Paquette, intervenant en soins spirituels

L’intervenant en soins spirituels doit dans un premier lieu prendre le temps d’établir une relation de confiance avec le patient: se présenter, expliquer son rôle, apprendre connaître la personne souffrante dans sa globalité, au-delà de son corps et de sa maladie.

Ce n’est que petit à petit que l’intervenant peut bien cerner les besoins spirituels du patient. Ce n’est qu’à partir de ce moment que celle-ci se sentira à l’aise de s’ouvrir et d’échanger à propos de sa vie, de la mort et, directement ou indirectement, de spiritualité. De ce qui est sacré pour elle.

Enfin, Martin explique qu’on ne peut pas pousser les personnes en fin de vie à vivre plus rapidement leur processus de deuil : « On peut soulager la personne, mais on ne peut pas aller plus vite qu’où elle est rendue sans son processus ».

Il s’agit d’un processus qui se vit dans le temps et de manière subjective. Chaque personne a son propre rythme et ses propres révélations.

3) Ne pas forcer la spiritualité

Il est important de préciser que l’intervenant en soins spirituels respecte les croyances et les besoins des personnes en fin de vie qu’il rencontre au quotidien. Il n’est pas rare que certaines personnes expriment ne pas avoir besoin d’accompagnement spirituel, et ce pour différentes raisons (ex.: besoin déjà comblé, méfiance envers tout ce qui concerne la spiritualité ou la religion).

Ainsi, l’intervenant en soins spirituels se doit en tout temps de respecter les souhaits des patients et ne pas « forcer » un accompagnement spirituel qui n’est pas désiré.

4) Intervenir sur les croyances spirituelles qui causent de la souffrance

Dans le cadre de son travail, bien que son approche soit non directive (voir plus haut), Martin encadre ses interventions à l’aide d’une grille d’évaluation de l’état du patient. À titre d’exemple, on y évalue le coping spirituel.

Le coping spirituel

Le coping spirituel correspond aux ressources et stratégies spirituelles que la personne en situation de fin de vie possède pour faire face aux épreuves existentielles ou pour faciliter son processus de deuil et d’acceptation de sa maladie. Le rôle de l’intervenant en soins spirituels est d’aider le patient à identifier ces ressources et à l’accompagner dans le développement et la mise en pratique de celles-ci.

Le recadrage des croyances

Chez le patient, est-ce qu’il y a un problème sur le plan spirituel?

Voici un autre aspect à considérer dans l’intervention en soins spirituels. En effet, selon l’expérience de Martin, il y en a pour qui la spiritualité vient véritablement soutenir le processus d’acceptation de la maladie, mais d’autres pour qui la spiritualité peut au contraire nuire à ce processus et même générer une grande souffrance.

Martin donne l’exemple d’un patient qui croyait que son cancer était la décision de Dieu, qu’il s’agissait d’une forme de punition pour ses péchés.

L’intervenant en soins spirituels peut donc être amené à recadrer certaines croyances spirituelles ou religieuses, s’il juge que cela peut apaiser sa souffrance. Ce recadrage se fait toujours dans le respect de la personne et de ses croyances. Ce professionnel doit ainsi faire preuve de jugement, tout en prenant bien soin de ne pas imposer ses propres croyances spirituelles aux personnes qu’il accompagne.

Le recadrage des croyances spirituelles doit être réalisé de façon progressive, de sorte à ne pas bouleverser le système de croyances de la personne traitée.

La mobilisation de connaissances en théologie et en science des religions

La formation en soins spirituels inclut une large composante dédiée aux connaissances en théologie et en sciences des religions. Les intervenants en soins spirituels détiennent des savoirs sur les différents grands courants religieux, tout comme ils connaissent les différentes perspectives de celles-ci (ex.: catholiques vs protestants).

La théologie devient alors un puissant outil pour comprendre les croyances religieuses des patients en fin de vie. Les connaissances théologiques servent également à recadrer les croyances spirituelles à la source de souffrance. À titre d’exemple, ces connaissances permettent d’élargir la perspective « négative » qu’un croyant pourrait avoir du concept de Dieu: celui-ci possède également des attributs plus positifs, comme la compassion, l’altruisme, la miséricorde.

Les croyants peuvent également vivre d’importants dilemmes éthiques associés à leurs croyances religieuses, ce qui n’est pas sans susciter une profonde anxiété. Martin me donne l’exemple de ce questionnement d’un patient: « j’aimerais arrêter la dialyse, mais si j’arrête, est-ce que ce sera considéré comme un suicide dans ma religion? Est-ce que je vais aller en enfer? ».

Le rôle de l’intervenant en soins spirituels est alors d’accompagner le patient dans ses réflexions éthiques, d’où l’importance qu’il possède une assez bonne culture générale en théologie et en sciences des religions.

Les connaissances en théologie de l’intervenant en soins spirituels, ainsi que sa sensibilité toute particulière aux croyances spirituelles et religieuses, sont des atouts dans une équipe médicale. Au besoin, celui-ci peut éclairer l’équipe médicale quant aux raisons, sur le plan des croyances religieuses, qui amènent une personne à refuser un traitement ou à être transférée en soins palliatifs.

« Il y a des patients qui sont dans l’attente d’un miracle, d’une intervention divine. Ils sont en attente. Ils ne veulent pas aller en soins palliatifs parce que Dieu va les guérir. »

-Martin Paquette, intervenant en soins spirituels

5) Ratio de patients à rencontrer

Combien de patients l’intervenant en soins spirituels rencontre-t-il chaque jour? Il s’agit d’une question délicate, car chaque hôpital a ses propres règles et exigences en matière de soins spirituels.

Dans le cas spécifique de Martin, il rencontre en moyenne de six à sept patients au quotidien.

Selon Martin, le ratio d’un hôpital peut jouer directement sur la qualité des soins spirituels offerts aux personnes rencontrées. Lorsque le ratio est trop élevé, on doit nécessairement écourter des rencontres.

6) Intervenir auprès de la famille et des proches

Au moment du décès d’un patient, l’intervenant en soins spirituels devient en quelque sorte un point de repère pour la famille et les amis qui sont présents dans la chambre de la personne décédée.

Si certaines familles vivent bien avec la mort, d’autres, explique Martin, peuvent être plus intenses et vocables. Dans ces moments, le rôle de l’intervenant est d’être celui qui comprend ce qui se passe dans la pièce et qui va chercher les membres de la famille qui ont besoin d’être accompagnés.

« Il faut être capable d’avoir une lecture de ce qui se passe et de faire les bonnes interventions pour faire le plus de bien possible dans une situation qui est souffrante. »

-Martin Paquette, intervenant en soins spirituels

Et il y a des familles qui ont de la difficulté à s’imaginer laisser partir la personne aimée, ajoute Martin. Auprès de celles-ci, l’accompagnement en soins spirituels peut parfois s’étaler sur plusieurs semaines pour les aider à cheminer dans leur processus de deuil.

Bien entendu, l’intervenant ne force jamais la main aux membres de la famille qui veulent cheminer par eux-mêmes.

Cinq compétences clés de l’accompagnement en soins spirituels

  1. La maîtrise de compétences relationnelles
  2. La connaissance de principales pratiques religieuses et spirituelles
  3. La capacité à se questionner par rapport à sa propre spiritualité
  4. Être confortable avec la souffrance d’autrui et la mort
  5. La capacité à s’adapter à des situations et des contextes variés

1) La maîtrise de compétences relationnelles

Pour Martin, une intervention réussie en soins spirituels passe nécessairement par une bonne maîtrise des principales compétences relationnelles, telles que l’empathie, l’écoute active et la capacité à créer un lien de confiance.

Selon lui, les personnes vulnérables ont surtout besoin de se sentir écoutées, véritablement, sans jugement aucun. Ils ont besoin de se sentir en présence d’une personne qui ne représente aucune menace, une personne qui leur fait du bien de sa simple présence.

À ce propos, Martin reconnaît que ses études orientation professionnelle à l’Université de Sherbrooke, en particulier le counseling, fut complémentaire à sa formation en théologie. Il a pu y développer des compétences relationnelles qui rendent ses interventions en soins spirituels plus humaines et efficaces.

2) La connaissance de principales pratiques religieuses et spirituelles

Comme on l’a vu plus haut, l’intervenant en soins spirituels est aussi formé pour s’adapter aux besoins religieux des patients, comme la possibilité de leur donner un temps de prière, un temps de méditation. Martin affirme que la maîtrise en soins spirituels forme les futurs professionnels aux grandes traditions religieuses et spirituelles. Les connaissances en théologies y ont donc une grande place.

3) La capacité à se questionner par rapport à sa propre spiritualité

Pour pouvoir intervenir de manière le plus neutre possible, l’intervenant en soins spirituels doit avoir préalablement – et tout au long de sa pratique – fait un véritable travail d’introspection quant à sa propre spiritualité. Il a la responsabilité de se positionner par rapport aux grandes questions existentielles et spirituelles, ce qui nécessite une certaine sensibilité et curiosité relativement à celles-ci.

L’intervenant en soins spirituels est tenu d’être au clair avec ses biais spirituels, comme les préjugés et stéréotypes qui composent son système de croyances, afin que ces biais affectent le moins possible ses interventions auprès des patients en fin de vie:

« Guider, c’est arriver à se mettre entre parenthèses, lorsqu’on est avec un patient et ne pas imposer quoi que ce soit. C’est pour ça que c’est important d’être au clair avec sa propre spiritualité, pour ne pas projeter ses propres croyances sur les autres. »

-Martin Paquette, intervenant en soins spirituels

4) Être confortable avec la souffrance d’autrui et la mort

Pour pouvoir effectuer son travail avec plénitude, l’intervenant en soins spirituels arrive à demeurer zen en présence de la mort, de la maladie et de la souffrance d’autrui, tout comme il sait gérer le sentiment d’impuissance que peuvent entraîner les situations de fin vie.

Martin conseille aux personnes intéressées par les soins spirituels à se poser les questions suivantes avant d’entamer leur formation professionnelle:

  • Est-ce que je suis capable d’être en contact avec la mort sans que cela me perturbe trop sur le plan émotionnel?
  • Est-ce que je suis confortable avec des patients atteints de démence ou qui sont en perte d’autonomie et qui vivent des deuils sur ce plan?
  • Est-ce que je suis à l’aise d’intervenir auprès de personnes âgées?
  • Est-ce que je me sens capable de gérer une famille en train de pleurer autour d’un patient mourant?
  • Est-ce que je suis à l’aise d’être témoin de la maladie dans ce qu’elle peut comporter d’intense sur le plan visuel (ex.: grands brûlés)?

Pour vérifier et valider sa tolérance à la maladie et au contexte de la mort, Martin a décidé de faire du bénévolat dans un CHSLD, et ce dès le début de sa formation en soins spirituels.

De plus, pour en avoir le cœur net, Martin a tout de suite choisi d’effectuer son premier stage de maîtrise dans une unité de soins palliatifs (possibilité de faire jusqu’à quatre stages dans la formation). Voici comment il décrit ce premier « vrai » test:

« J’étais calme, à l’aise avec ce qui se passait. Ça évoquait pas quelque chose qui était intense. Le fait d’être assez bien avec ça, ça m’a permis de valider que je serais probablement capable d’exercer cette profession, probablement que je suis capable de garder mon calme, quand tout le monde est dans ses émotions. »

-Martin Paquette, intervenant en soins spirituels

5) La capacité à s’adapter à des situations et des contextes variés

Le fait d’avoir une bonne capacité d’adaptation est une plus-value à quiconque qui souhaite devenir intervenant en soins spirituels. Bien entendu, les patients et les situations de fin de vie varient considérablement et cela demande d’être capable d’accueillir et d’entrer en relation avec des personnalités qui peuvent être aux antipodes de la sienne. Il en va de même des familles rencontrées. L’intervenant en soins spirituels doit aussi s’attendre à faire face à des personnes qui se méfient de leur rôle ou de la spiritualité en général.

La capacité d’adaptation joue également un rôle déterminant lorsqu’il s’agit de travailler en collaboration avec les autres membres du personnel de la santé de son établissement de santé. Actuellement au Québec, travailler dans un hôpital rime nécessairement avec roulement important de personnel.

Selon l’expérience de Martin, le personnel soignant peut beaucoup changer d’une année à l’autre. Les liens avec les différentes équipes de soignants sont donc souvent à refaire. Selon lui, au moins deux années sont nécessaires pour bien se faire connaître par le personnel soignant d’un même établissement de santé. La patience est donc de mise.

Et étant donné que bien des membres du personnel de la santé méconnaissent encore le rôle et le champ de compétences des intervenants en soins spirituels (voire même leur existence), cela signifie qu’ils doivent constamment réexpliquer leur fonction afin qu’on puisse leur référer des patients ayant des besoins de nature spirituelle.

Une profession unique au monde : bref historique

J’ai été surpris d’apprendre que la profession d’intervenant en soins spirituels, dans sa forme actuelle, est relativement nouvelle au Québec, mais aussi unique dans le monde.

Avant 2011, la dimension spirituelle des soins de fin vie est considérée presque entièrement sous l’angle religieux catholique. On souhaite alors principalement répondre aux besoins religieux des catholiques québécois, et non à la spiritualité dans son sens plus large.

Historiquement, pour pouvoir intervenir sur le plan spirituel dans un établissement de santé québécois, il était nécessaire d’obtenir un mandat pastoral, lequel était fourni par un évêque catholique. On devenait alors officiellement un animateur de pastorale qui pouvait être embauché dans le système de santé. Cette profession était réservée aux prêtres ou aux laïcs associés à l’Église Catholique.

Au tournant du 21e siècle, avec la diversification graduelle de la population québécoise, autant sur le plan culturel que spirituel, les services de pastorale catholique deviennent de moins en moins adaptés aux besoins des patients en soins palliatifs. Une véritable réflexion sur la laïcisation des soins spirituels s’enclenche.

Il faudra attendre la réforme de 2011 pour que la profession d’animateur de pastorale soit remplacée par celle d’intervenant en soins spirituels. On souhaite offrir un soutien spirituel qui ne soit pas affilié à aucune influence religieuse.

Leur rôle consiste maintenant à répondre aux besoins spirituels des patients en fin de vie, peu importe leur affiliation religieuse ou leurs croyances spirituelles, incluant les agnostiques et les athées. Dans le reste du Canada et ailleurs dans le monde, Martin explique que la perspective des soins spirituels est beaucoup plus religieuse, comme c’était le cas au Québec auparavant.

Je tiens à remercier chaleureusement Martin Paquette d’avoir accepté de participer à cette entrevue.

4 conseils pour faciliter le retour au travail après un congé de maternité

Une mère accompagne son jeune enfant qui dessine. La mère est enthousiaste et rit. L'enfant semble concentré à faire son dessin.

Saviez-vous que c’est au Québec, sur l’ensemble des autres provinces et territoires du Canada, que les mères sont les plus nombreuses à prendre un congé de maternité?

Selon Statistique Canada, de 2012 à 2017, 96% (!) des mères québécoises ont pris un congé de maternité, et dans le reste du Canada, cette proportion se situe à 85%.

Et le congé de maternité de la grande majorité des mères canadiennes dure entre 27 à 52 semaines. Ne plus être au travail pendant plusieurs mois, voire une année et plus dans certains cas, cela a nécessairement un impact sur les appréhensions des mères quant à leur retour en emploi.

Retourner au boulot après un si long congé de maternité, ça vient nécessairement avec son lot de défis.

Cinq mères de l’Estrie, au Québec, ont bien voulu me partager leur expérience et leurs conseils pour aider les nouvelles mamans lors de leur retour au travail. Si certaines sont devenues mères pour la première fois, d’autres en sont maintenant à leur deuxième enfant… et à leur deuxième retour en emploi!

1- Planifier (si possible) un retour progressif en emploi

Pour adoucir le plus possible leur transition entre leur congé de maternité et leur retour en emploi, la majorité des mères avec qui je me suis entretenu ont toutes trouvé – ou espèrent trouver – une manière de ne pas s’investir au travail à temps complet.

Fini le travail du lundi au vendredi ou le fameux 9 à 5… le temps de bien se familiariser à cette nouvelle, et parfois vertigineuse, transition de vie.

«J'ai décidé de postuler à temps partiel pour me laisser plus de temps avec ma famille, mes enfants et mon mari. Être un peu moins au travail, au détriment financier. Mais je trouve que le temps passé avec eux ne s'achète pas. On va s'adapter à cette nouvelle réalité», raconte Coralie.

D’autres, comme Vanessa et Clémence, ont pu compter sur des employeurs qui leur offraient la flexibilité de travailler à temps partiel.

Se donner du temps pour apprendre à jongler avec ses différents rôles

Le retour progressif en emploi à 3-4 jours par semaine, m’explique Vanessa, qui peut compter sur une première expérience de retour au travail, lui permettra de mieux apprivoiser la conciliation entre ses différents rôles – mère, conjointe, travailleuse, amie.

La transition peut être particulièrement difficile lorsqu’on découvre, pour la première fois, le rôle de maman, précise-t-elle. Voici son expérience lors de son premier retour au travail :

«Le rôle de maman prenait toute la place à ce moment-là. Alors de ramener le rôle de la femme, ramener le rôle de la travailleuse, ramener le rôle de l’étudiante, tous ces rôles-là ont eu de la misère à se concilier les uns avec les autres.

C’est sûr que ça reste une appréhension pour le prochain retour de congé de maternité.

Toutefois, aujourd’hui je suis plus outillée pour y faire face, mais à cette époque-là, ça l’a été difficile pour moi de concilier tous ces rôles-là.

Le rôle de maman prenait énormément de place. Ça avait fait en sorte que les autres rôles se battaient pour prendre la place, parce qu’ils devaient avoir leur place, mais j’avais de la misère à leur accorder cette place-là.»

-Vanessa, mère de deux jeunes enfants
Le travail autonome comme alternative

Pour Karyne, la voie du travail autonome, que lui permet sa formation universitaire, est devenue un choix tout indiqué pour réaliser son projet d’être à la fois une professionnelle active qu’une maman engagée auprès de sa fille. Elle voulait éviter à tout prix de se retrouver dans un emploi contraignant, où son rythme de travail viendrait dicter celui de son enfant.

Pouvoir gérer son horaire et avoir la possibilité de travailler quotidiennement à la maison, voilà un rêve devenu réalité pour Karyne, qui a pu compter sur l’aide précieuse et la compréhension de son conjoint:

«Le défi a été de partir à mon compte. Je suis chanceuse, car le papa me soutient beaucoup dans ce projet-là. Au début, c’est sûr que faire sa clientèle et tout, il y avait une entente avec le papa pour que ce soit lui qui continue à subvenir financièrement aux besoins de la famille, le temps que j’aille une clientèle.»

Même si l’adaptation à son nouveau rôle est loin d’avoir été de tout repos, elle qui a passé plus d’une année avec son nourrisson, Karyne réalise aujourd’hui que cette transition lui a permis de renouer avec une partie d’elle-même qui avait été mise de côté lors de son congé de maternité :

«De me retrouver dans mon rôle de travailleuse autonome, j'ai trouvé ça difficile au début de laisser ma fille à la garderie. Je ressentais un peu de culpabilité, mais en même temps j'étais vraiment contente de me développer autrement. Je pense que j'avais besoin de me retrouver comme personne dans un autre rôle, à ce moment-là de ma vie.»
Retourner directement à temps plein, un chemin qui peut être éprouvant

Marlène, qui a fait le saut directement à temps plein, ne cache pas avoir eu à composer avec situation plus éprouvante que ce qu’elle avait anticipé :

«J'ai pas fait d'adaptations et je le regrette, en fait. J'ai repris tout de suite à temps complet, ce que j'aurais pas dû, je pense. Au début, j'étais extrêmement fatiguée et puis pas hyper concentrée au travail. Maintenant, la routine s'est mise en place, ça va mieux, mais ça a été beaucoup d'adaptation et beaucoup d'implication du papa aussi.»

Celle-ci raconte à quel point ce fut une épreuve pour elle d’apprendre à jongler avec son nouveau rôle de mère et celui d’employée, tout en y mettant son maximum pour chacun. La conciliation travail-famille vient avec un apprentissage fondamental : trop donner dans une de ces deux sphères amène presque inévitablement un défi dans l’autre sphère.

«C’est sûr que des fois ça m’arrive d’expliquer à mon coco que maman est fatiguée. Ou qu’au travail j’accepte qu’il y a des journées où je suis fatiguée. Je ne culpabilise pas du tout, dans le sens où mes priorités ont changé. Je donne mon 100% au travail, mais ma priorité reste ma famille», relate Marlène.

2- La communication et le travail d’équipe dans le couple

Le retour au travail rime nécessairement avec l’avènement d’une nouvelle routine familiale.

Les cinq femmes que j’ai interviewées s’accordent toutes sur l’importance de se parler franchement entre partenaires sur la manière d’organiser et de découper cette nouvelle routine : «Travailler en équipe, diviser les tâches, diviser qui fait quoi dans la maison pour pouvoir un peu mieux gérer tout ce qu’il y à faire», résume Vanessa, en m’expliquant la stratégie entreprise au sein de son couple.

Qui va porter et chercher qui, et quand. Qui s’occupe de la préparation des repas à tel ou tel moment de la semaine. Qui s’occupe des lavages, de tel autre aspect du ménage, etc.

Pour renouer avec soi-même et ses intérêts, Karyne suggère l’intégration «soirées-loisirs» dans l’horaire de la semaine, où chacun peut planifier ce qu’il souhaite faire: de l’escalade, des cours de yoga, voir des amis, etc.

Voilà autant d’autres aspects incontournables que les autres mamans interviewées me nomment quant à l’aménagement d’une nouvelle routine.

Selon elles, le secret est de donner plus de place à son ou sa partenaire, même si cela ne va pas toujours de soi et qu’on n’en a pas toujours envie :

«Pour ma part, des fois je veux tout gérer et être parfaite dans tous les domaines, mais c'est pas tout à fait possible. Papa sait super bien faire les choses aussi, donc il faut que je lui laisse de la place. Travailler plus en équipe. Il arrive parfois que je ne puisse pas sortir du travail. Ça me stressait beaucoup et c'est papa qui prend la relève. Mon fils sait que je suis là pour lui quand même.» -Marlène

Et au-delà des actes de service que peut procurer l’entourage, lesquels sont loin d’être non négligeables, le soutien moral et psychologique semble tout autant inestimable.

Sans les encouragements continus de son conjoint et de la confiance de celui-ci vis-à-vis de son projet, Karyne se demande aujourd’hui si elle aurait pu bâtir aussi efficacement son projet d’affaires.

3- Le soutien de l’employeur et des collègues

Les mères avec qui j’ai pu discuter n’ont pas toutes la chance de travailler dans des organisations qui veulent – ou qui peuvent, tout simplement – aménager un horaire de travail, ou une charge de travail, adapté à leur nouvelle réalité familiale.

Pourtant, cet aspect semble incontournable pour que le retour au travail puisse se réaliser avec succès.

À titre d’exemple, Vanessa a pu compter sur le soutien précieux de son milieu de travail. Pour elle, cela s’est traduit par un employeur conciliant, mais surtout par un environnement de travail inclusif et compréhensif qui lui a permis de se sentir appréciée et utile. Les collègues et l’employeur de Vanessa ne s’attendaient pas à ce qu’elle puisse être aussi productive qu’avant son congé de maternité.

S’intéresser à la maman qui se cache derrière la travailleuse

La réalité de Marlène, comme celle de bien des femmes au Québec, est à l’antipode de celle de Vanessa. Ce dont elle aurait eu le plus besoin lors de son retour au travail, c’est qu’on s’intéresse davantage à ses besoins de nouvelle maman, à tout le moins à l’adaptation à son retour au travail :

«Ce que j’aimerais avoir, et c’est dans un monde de licornes, je sais que ça ne se passera jamais. Je trouve que ce serait important d’avoir surtout du soutien de nos chefs d’équipe ou d’une travailleuse sociale. Juste un cinq minutes, pour quand on reprendre le travail, de jaser.

Ca m’aurait fait du bien d’avoir une tape sur l’épaule : eh comment tu te sens? Comment tu gères ça, la reprise du travail? Comment il va ton bébé? Comment tu te sens en tant que maman, en tant que travailleuse.

Toutes ces questions qui nous roulent dans la tête et finalement on rentre au travail avec beaucoup de stress au début. J’avais l’impression que je ne savais plus comment faire mon travail. Tout le stress de gérer le quotidien de la vie de famille.»

4- L’importance des milieux de garde

Même si le Québec détient l’un des meilleurs réseaux de garderies subventionnées de l’ensemble du Canada, depuis quelques années, la province fait face à une importante pénurie de places. Dépendamment des régions, il n’est pas rare de devoir attendre plusieurs mois, voire plus d’une année pour qu’enfin une place se libère dans une garderie, ce qui peut mettre une pression financière énorme sur les parents.

Dans la circonstance, la majorité des femmes rencontrées se sont dites soulagées d’avoir pu trouver un milieu de garde qui concordait avec leurs valeurs et où leur enfant pouvait s’y sentir bien. Karyne se dit d’ailleurs très reconnaissante du milieu de garde de sa fille, ce qui lui a permis de pouvoir réaliser son rêve de se lancer à son compte.

L’usure morale du manque de places en garderie

Or, ce n’est pas toujours rose. Certaines nouvelles mamans sont encore en attente d’une place en garderie, malgré la fin officielle de leur congé de maternité, ce qui retarde inévitablement leur retour au travail. C’est la situation dans laquelle se trouve Clémence, qui en a beaucoup sur le coeur :

«Je ne suis pas encore satisfaite de ma conciliation travail-famille-vie personnelle parce qu'on a pas de garderie encore et que je travaille. Donc ça rend tout compliqué. Je sens que jusqu'à date si je veux du temps pour moi, je m'épuise. C'est soit a) je fais moins d'activités personnelles et je ne suis pas épuisée ou b) j'en fais mais je suis épuisée. J'espère pouvoir trouver un équilibre là-dedans dès que notre enfant ira à la garderie.»

Pour sa part, Coralie a dû repousser son retour au travail, car ses recherches pour trouver un milieu de garde demeurent à ce jour infructueuses. Elle raconte à quel point cette recherche, qui lui semble interminable et impossible, l’empêche de profiter pleinement de son congé de maternité.

Ne sachant pas combien de temps elle pourra tenir financièrement, cette situation lui génère beaucoup d’angoisse. Par ailleurs, Coralie explique qu’au sein de son organisation de travail on lui fait ressentir que c’est de sa faute si elle n’a toujours pas de milieu de garde. Voilà qui n’aide en rien à apaiser le stress et le découragement qu’elle vit depuis plusieurs mois.

Trouver le bon milieu de garde

Autre cas de figure, le milieu de garde de leur poupon n’est pas tout à fait en adéquation avec leur horaire de travail et les obligations de leur organisation de travail.

Marlène estime que le milieu hospitalier où elle exerce sa profession d’infirmière aurait tout à gagner à y intégrer un service de garde pour les employé.e.s :

«Je suis infirmière aux soins intensifs. On a un métier qui ne concilie absolument pas travail et famille. On se bat pour ça. J'ai l'espoir qu'un jour on nous écoute par rapport à cela.

Non, je ne suis pas satisfaite de ma conciliation travail-famille parce que rien n'est fait au travail pour aider à ça, pour avoir des horaires ou des journées de congé qui puissent s'adapter à la vie de famille. Rien n'est fait.

Ce que j'aimerais c'est d'avoir une garderie dédiée à mon milieu de travail et dans lequel je suis prioritaire, pour m'enlever cette pression de trouver un milieu de garder adapté où mon coco est bien, où je ne me stress pas si je finis 5 minutes en retard.»

Anxiété et choix de carrière : causes, répercussions et solutions

Un homme assis sur un banc de parc regarde au loin, songeur. Devant lui il y a un grand arbre et un ciel bleu.

La fin des études secondaires est reconnue par de nombreux spécialistes de l’orientation professionnelle comme étant l’un des moments les plus importants et déterminants que l’individu aura à vivre en termes de cheminement professionnel.

Ainsi, le choix d’orientation, à l’adolescence, peut constituer à lui seul une source considérable d’anxiété. Ce qui n’est pas surprenant, étant donné ses multitudes répercussions dans tous les domaines de la vie, et souvent pour de nombreuses années à venir.

Audrey Dupuis, conseillère d’orientation et candidate au doctorat en éducation à l’Université de Sherbrooke, fait partie de ces chercheur.e.s universitaires qui s’intéressent spécifiquement à l’anxiété face au choix de carrière chez les jeunes. Dans le cadre de sa formation actuelle, elle a développé et mis en application un programme d’intervention de groupe visant à réduire l’anxiété face au choix d’orientation des élèves du secondaire. Il en est question plus en détail à la fin de cet article.

Dans cet article, Audrey nous explique ce qu’est l’anxiété face au choix de carrière, ses principales causes et répercussions, ainsi que des conseils pour la diminuer.

L'anxiété chez les jeunes Québécois
Saviez-vous qu'au Québec plus d'un jeune adulte de 15-29 ans sur trois (34,7%) éprouvait un niveau élevé de détresse psychologique en 2014-2015 et que ce taux était encore plus élevé (37,1%) chez les plus jeunes de 15 à 19 ans? C'est ce que nous indiquent les plus récentes données de l'Institut de la statistique du Québec (source). Et selon les mêmes données, près d'un jeune adulte québécois sur quatre (23,7%) vivrait du stress considérable au quotidien.

Qu’est-ce que l’anxiété face au choix de carrière?

L’anxiété face au choix de carrière constitue une anticipation négative de l’avenir spécifique au choix de formation ou au choix de carrière. Bien que surtout propice vers la fin des études secondaires, l’anxiété face au choix de carrière peut survenir à tous les âges de la vie, lorsqu’on est confronté à une importante décision en termes de formation (ex.: retour aux études) ou de carrière (accepter ou non une promotion, changer d’emploi, se réorienter).

Or, comme l’explique Audrey, l’anxiété face au choix de carrière peut débuter assez tôt dans le parcours scolaire des jeunes :

«Habituellement, là où l'anxiété est plus susceptible d'émerger, c'est vers la fin du 3e secondaire lorsque les élèves doivent faire leur choix de cours en mathématiques et en sciences de 4e secondaire. On va leur dire, peut-être pour la première fois de leur vie: “le choix que tu fais-là, il va avoir une influence sur ton futur. Trompe-toi pas.”»  -Audrey Dupuis, conseillère d'orientation et doctorante en éducation

Les principales causes de l’anxiété face à un choix d’orientation

L’anxiété face au choix de carrière ne découle pas d’une seule cause. Au contraire, on trouve une multitude de causes qui peuvent générer de l’anxiété face au choix de carrière:

  • Avoir une faible connaissance de soi
  • La peur de faire le «mauvais» choix de carrière
  • Avoir à faire des deuils professionnels
  • La pression des parents
  • La précarité financière
  • Des services d’orientation peu accessibles dans les écoles secondaires
Un jeune adulte marche dans une rue déserte. On le voit de dos et il porte un sac à dos gris. Au loin, il y a des champs et des arbres.

1. Avoir une faible connaissance de soi

De manière générale, les élèves du secondaire ont l’impression de ne pas se connaître suffisamment pour faire un choix de carrière qui leur correspond, ce qui ne ferait qu’accentuer leur angoisse face à ce choix. «La plupart des adolescents que l’on rencontre nous le disent: “Il me semble que je suis encore trop jeune pour faire un choix de carrière.”», me raconte la conseillère d’orientation Audrey Dupuis.

Toutefois, selon Audrey, les élèves du secondaire se connaissent bien plus qu’ils ne le croient. C’est simplement qu’ils ont de la difficulté à mettre des mots sur qui ils sont, ce qu’ils aiment et ce qu’ils valorisent.

«Souvent, ce n'est pas nécessairement que les élèves ne se connaissent pas, c'est surtout qu'ils ne connaissent pas encore les mots pour se décrire. Ils savent un peu qui ils sont, mais ils ont encore de la difficulté à nommer leurs intérêts ou leurs valeurs.» -Audrey Dupuis, conseillère d'orientation et doctorante en éducation

Les activités de connaissance de soi sont alors au cœur de l’intervention en orientation pour aider les jeunes anxieux à mieux connaître leurs intérêts, leurs valeurs et leur personnalité. Selon l’expérience d’Audrey Dupuis, ces activités permettent souvent aux jeunes de faire des prises de conscience importantes sur qui ils sont. Parfois, cette simple clarification permet de résoudre l’indécision entre plusieurs choix d’orientation:

«Il y a une élève qui hésitait beaucoup entre le métier d'actrice et le domaine de la relation d'aide. Puis après avoir fait un atelier sur les valeurs, pour elle les valeurs qui ressortaient le plus, c'était la famille, aider les autres, prendre soin. À ce moment, pour cette jeune, ça a fait un déclic: “Eille! Mes valeurs c'est ça. Je vais aller en relation d'aide.”» -Audrey Dupuis, conseillère d'orientation et doctorante en éducation

Enfin, face à des jeunes qui considèrent ne pas suffisamment se connaître pour réaliser un choix de carrière, il peut être nécessaire de leur expliquer qu’il est tout à fait normal de ne pas se connaître dans son entièreté à 16 ou 17 ans. Que la connaissance de soi continue d’évoluer tout au long de l’entrée dans la vie adulte, et même au-delà.

De plus, un choix de carrière adapté à soi aujourd’hui a des chances de ne plus nous correspondent dans 10 ans en raison dépendamment de nos expériences de vie. Ça peut sembler être une évidence pour certains, mais ça ne l’est pas pour plusieurs jeunes. Il faut donc prendre le temps de d’aborder cette croyance avec eux.

2. La peur de faire le mauvais choix de carrière

La crainte de faire un «mauvais» choix de carrière, est, selon l’expérience d’Audrey Dupuis, la cause la plus commune associée à l’anxiété face au choix de formation chez les élèves du secondaire. La peur de se tromper en cache une autre, soit la peur d’avoir à changer de parcours scolaire en cours de route.

La recherche de la profession idéale

Il y a cette croyance que le premier choix de carrière doit être parfait et que tout changement à venir équivaut carrément à «recommencer à zéro», ce qui équivaut, selon le point de vue de plusieurs élèves, à une «perte de temps». Et il y aurait toujours cette idée qui circule qu’il existe UNE profession idéale (comme il existe UNE âme sœur) et qu’il faut à tout prix la trouver pour se sentir heureux et épanoui.

La recherche de la perfection vient toujours avec un prix, même en orientation professionnelle soit celui la de se tromper. Ce serait particulièrement le cas chez les élèves hautement performants et habitués à la réussite, qui veulent aussi que leur choix de carrière soit le signe de l’excellence. Le rôle du professionnel de l’orientation est alors de décortiquer et de déconstruire cette croyance avec l’élève.

Une faible estime de soi

Dans d’autres cas, il s’agit plutôt de la peur de s’engager dans une voie professionnelle pour laquelle on ne dispose pas des réelles compétences pour exercer son métier ou sa profession. Ici, l’estime de soi est au cœur de l’anxiété générée par le choix de carrière: «est-ce que je serai vraiment capable d’atteindre les objectifs que je vais me fixer?».

Une jeune femme regarde le plan d'une ville. Elle est assise sur le capot de sa voiture grise. On ne voit pas son visage, car il est caché par la carte. Le ciel est bleu et on y voit quelques gros nuages blancs.

3. Avoir à faire des deuils professionnels

Au fur et à mesure de leur parcours scolaire, les élèves prennent progressivement connaissance, et parfois avec surprise et consternation, des portes professionnelles qui se ferment réalistement à eux. Les deuils professionnels, selon Audrey Dupuis, sont plus courants qu’on ne le croit et ils doivent être considérés lorsqu’on s’intéresse à l’anxiété face au choix de carrière chez les jeunes.

À titre d’exemples, les faibles résultats scolaires peuvent empêcher, à court terme du moins, l’accès à certains programmes collégiaux ou universitaires. Même situation chez les élèves en situation de handicap qui découvrent qu’ils ne pourront «jamais» exercer certains emplois.

Bref, certains élèves ont à vivre de véritables deuils professionnels et réalisent alors que LA profession tant envisagée, celle qui semblait être en parfaite adéquation avec soi, doit finalement être oubliée.

4. La pression des parents

Le choix d’orientation peut également être une grande source d’angoisse lorsque les parents exercent une pression continue, parfois depuis un très jeune âge, quant à l’avenir professionnel de leur enfant.

«J'ai une élève dont les frères et sœurs plus âgés ont tous vécu un changement important dans leur parcours scolaire. Elle sentait beaucoup de pression de la part de ses parents : “Ok là, toi tu te tromperas pas comme les autres.”» -Audrey Dupuis, conseillère d'orientation et doctorante en éducation

Attentes parentales et rêves de jeunesse inachevés

Médecin, avocat(e), ingénieur(e), les attentes des parents en matière d’orientation professionnelle peuvent être particulièrement élevées, surtout chez ceux qui souhaitent que leur enfant se rende aussi loin qu’eux. Voire encore plus loin qu’ils ne l’ont jamais été, professionnellement parlant.

Et cette pression dure parfois jusqu’aux études collégiales et universitaires, pouvant même prendre la forme d’une emprise financière : «Si tu changes de programme, je ne paierai plus tes études.»

Par le biais de leurs enfants, certains parents souhaitent, consciemment ou non, atteindre leurs propres rêves de jeunesse. «Moi, j’ai pas eu la chance d’aller à l’université, donc toi tu vas y aller», me donne en exemple Audrey. Mais est-ce que ce choix d’orientation correspond vraiment à l’élève? C’est bien là toute une autre source d’angoisse : cette peur de faire un choix qui ne me correspond peut-être pas, simplement pour plaire à mes parents.

Porter sur soi le rêve et l’ambition professionnelle de ses parents, voilà tout un poids à porter sur ses épaules, surtout à un si jeune âge.

5. La précarité financière

Pour les jeunes qui ont assez peu de soutien financier de leurs parents, l’orientation de carrière prend une tout autre signification, soit la crainte de s’engager dans une voie parsemée de difficultés financières. «Est-ce que j’arriverai à payer mes études universitaires et tout ce que ça comprend?» Pour ces jeunes, l’endettement constitue un autre aspect du choix de carrière qui en est la source d’anxiété.

Pour en savoir plus, lire notre article sur l‘endettement étudiant au Canada et au Québec.

6. Des services d’orientation professionnelle peu accessibles

Un manque de conseillers et de conseillères d’orientation professionnelle dans les écoles secondaires

En ce moment, au Québec, l’orientation en milieu scolaire est caractérisée par des inégalités, d’une école à l’autre, dans l’accès à un conseiller d’orientation.

En raison des coupes budgétaires en éducation des années précédentes, ce n’est généralement pas tous les élèves d’une école secondaire qui ont la possibilité de rencontrer un conseiller d’orientation et d’être accompagnés dans leur choix de carrière.

Il ne serait ainsi pas rare qu’un même conseiller d’orientation doive couvrir plusieurs écoles à la fois dans une même année scolaire. Dans d’autres cas, ils sont tout simplement surchargés et doivent limiter grandement leurs interventions.

«Les conseillers et conseillères d'orientation sont parfois si surchargés qu'ils se limitent à rencontrer les élèves de 5e secondaire. Or, les plus jeunes peuvent aussi vivre de l'anxiété face à leur choix de carrière. Ils n'auront pas cette opportunité-là. Et même les élèves de 5e secondaire, ils peuvent rarement bénéficier d'un long processus d'orientation. En général, ça se limite à une ou quelques rencontres. Pour des élèves anxieux, c'est insuffisant.» -Audrey Dupuis, c.o. et doctorante en éducation
Une thérapeute parle à son client. La thérapeute est assise sur une chaise. Elle est caucasienne et porte un chandail gris et des pantalons noirs. Le client est un homme afro-américain ayant de longs cheveux. Il porte un chandail brun et des pantalons noirs. Il est assis sur un sofa. Ils sont assis sur une chaise, face à face, dans un bureau blanc. Il y a une grande plante verte et une fenêtre qui donne accès à un bloc appartement.

Une méconnaissance du rôle des professionnels de l’orientation professionnelle

Le rôle des conseillers et conseillères d’orientation, explique Audrey Dupuis, serait souvent méconnu par les directions d’écoles secondaires. Il existerait d’ailleurs une méconnaissance de l’étendue des interventions que les professionnels de l’orientation peuvent accomplir auprès des jeunes et de la pertinence de leurs interventions sur la réussite scolaire des élèves.

Dans ces conditions, à budget limité, plusieurs écoles préfèrent investir dans d’autres types de professionnels, comme des psychoéducateurs et psychoéducatrices, des psychologues ou des techniciens et techniciennes en éducation spécialisée (TES).

De plus, en raison de cette méconnaissance, il n’est pas rare qu’une bonne portion de la fonction scolaire des conseillers et conseillères d’orientation soit limitée à l’exécution de tâches administratives (ex.: fiches d’inscription au collégial).

Cela a nécessairement une incidence directe sur le temps d’intervention qu’ils peuvent investir auprès des élèves qui vivent de l’anxiété face à leur choix de carrière. Ou encore du temps qui pourrait être investi plus tôt dans la formation, ce qui permettrait aux élèves d’en arriver à un choix d’orientation plus solide une fois arrivés en 5e secondaire.

Un manque d’espace de partage autour du choix de carrière

De plus, les adolescent.e.s ont rarement accès à des espaces spécifiquement mis en place dans l’école pour discuter, entre eux, de leur choix de carrière et des émotions que ça peut leur faire vivre.

Audrey explique que ce type d’espaces pourrait permettre de conscientiser les adolescents à toute la normalité autour des émotions vécues face au choix de carrière. Et ainsi les démystifier. Possibilité d’en parler, de les vivre, de s’en libérer.

Il n’existe plus de cours d’éducation au choix de carrière

Au Québec, depuis une dizaine d’années, il n’existe plus de cours centrés exclusivement à l’orientation professionnelle communément appelés cours d’éducation au choix de carrière.

Ces cours ont été remplacés par ce qu’on appelle dans le jargon scolaire les «contenus en orientation scolaire et professionnelle» (COSP) (pour en savoir plus). Les COSP sont obligatoires, mais ne prennent pas la forme d’un cours.

Dans toute une année scolaire, les enseignant.e.s – et non les professionnels de l’orientation, comme on pourrait s’y attendre – ont la responsabilité d’enseigner de 5 à 10 heures de contenus en orientation scolaire et professionnelle. Audrey Dupuis explique qu’il s’agit de contenus très pertinents pour contribuer à réduire l’anxiété face au choix de carrière, mais que ces contenus sont souvent implantés de manière très inégale d’une école à l’autre.

En bref, les écoles secondaires offrent aujourd’hui une base bien mince de services en orientation.

Les effets néfastes de l’anxiété face au choix de carrière

1. Éviter et repousser la prise de décision de carrière

L’évitement est caractéristique des personnes souffrant d’anxiété. De la même manière, les personnes qui sont angoissées face à leur choix de carrière ont tendance, pour diminuer justement l’anxiété ressentie, à éviter de penser au choix qui doit éventuellement être fait.

Les élèves anxieux face à leur choix de carrière repoussent souvent cette prise de décision le plus loin possible dans le temps. De la même manière, ils vont éviter de poser des comportements qui pourraient les aider à y voir plus clair, tels qu’une rencontre avec une ou un conseiller d’orientation ou la recherche d’information sur les formations.

«“Je suis allé voir un conseiller d'orientation, il m'a donné des exercices à faire, mais je ne les ai pas faits.” Qu'est-ce qui fait qu'il ne les a pas fait? Juste se mettre en action, tout seul, les jeunes anxieux vont avoir tendance à éviter de le faire, parce que ça peut augmenter l'anxiété qu'ils vont ressentir.»

2. Faire un choix d’orientation professionnelle sur un coup de tête

À l’autre extrême, la réponse à l’anxiété face au choix de carrière est tout simplement de s’en libérer en faisant un choix sans trop y réfléchir, voire au hasard, simplement pour ne pas vivre les émotions négatives associées à l’anxiété.

3. Absentéisme et faibles résultats scolaires

Dans certains cas, l’anxiété face au choix de carrière se traduit directement sur l’expérience scolaire des élèves. L’école en soi devient une expérience angoissante par ce qu’elle représente en termes de décisions de carrière.

Par conséquent, des élèves anxieux peuvent en venir à se désintéresser de leurs cours, à s’absenter plus régulièrement et à être de moins en moins investis dans leurs études. Dans le pire des cas, c’est carrément l’interruption des études qui est envisagée.

Or, explique Audrey Dupuis, ces effets néfastes sur l’expérience scolaire des jeunes ne feraient qu’exacerber à leur tour l’angoisse face au choix d’orientation.

En effet, étant donné la structure même de notre système d’éducation, la baisse en continu des résultats scolaires limite malheureusement l’accès à certains programmes collégiaux, universitaires et de la formation professionnelle.

Cette conséquence peut être inattendue et amplifier l’anxiété déjà présente.

Une jeune femme feuillette un livre dans une librairie. Elle porte un chandail gris et des jeans. Elle se tient debout devant de grandes bibliothèques blanches, remplies de livres.

Comment réduire l’anxiété face au choix de carrière?

La conseillère d’orientation Audrey Dupuis propose quelques pistes d’action pour aider les jeunes à mieux vivre leur processus de décision de carrière et ainsi diminuer, on l’espère, l’anxiété face au choix de carrière:

  • Présenter des modèles de professionnels qui n’ont pas un parcours linéaire ou qui se sont réorientés en cours de route;
  • Participer à des activités d’exploration de soi en groupe pour apprendre à mettre des mots sur sa propre personne (intérêts, valeurs, personnalité)
  • Tenir un journal de bord à propos de son processus de choix de carrière: Qu’est-ce qui fait que cette profession t’intéresse en ce moment? Qu’est-ce qui fait que tu as finalement changé d’idée? Qu’est-ce que tu as appris de toi-même?
  • Déconstruire les grandes étapes du processus de prise de décision. Préparer un plan d’action concret sur les prochaines étapes à réaliser. Le plan d’action permet aux personnes anxieuses de se sentir plus en contrôle à propos de leur avenir.
  • Parents: être à l’écoute des questionnements de votre enfant, lui laisser de l’espace pour qu’il puisse s’exprimer sans qu’il ne se sente d’emblée jugé par votre opinion;
  • Parents: accompagner votre jeune dans leur démarche d’orientation, comme la recherche d’information. Établir des moments d’accompagnement au courant de l’année.

Un grand merci à Audrey Dupuis, qui a bien voulu m’offrir de son temps pour que je puisse vous écrire cet article. Vous trouverez ici de l’information sur le Programme HORS-PISTE produit par le Centre RBC d’expertise universitaire en santé mentale, et dont Audrey Dupuis fait partie, à titre de doctorante en éducation.

La dyspraxie au travail : un témoignage inspirant

Une femme assise au sol, une balle bleue dans la main, joue avec une fillette

Gabrielle est atteinte de dyspraxie motrice, aussi surnommée trouble développemental de la coordination (TDC) ou trouble d’acquisition de la coordination (TAC). Cette jeune trentenaire, qui cumule plus d’une dizaine d’années d’expérience en animation et en soin auprès des enfants, travaille aujourd’hui en tant qu’éducatrice dans une école primaire de Sherbrooke.

Depuis peu, Gabrielle a effectué un retour aux études, à temps partiel, dans un programme d’études (AEP) en service de garde en milieu scolaire (plus d’info ici). Cela lui permettra d’avoir plus d’outils pour intervenir auprès des enfants, ainsi que davantage d’opportunités de postes.

Gabrielle a bien voulu me parler de son parcours, de son handicap et de son expérience sur le marché de l’emploi. Par son témoignage, Gabrielle souhaite devenir un modèle inspirant pour les jeunes dyspraxiques d’aujourd’hui. Selon elle, «il y a trop de parents qui se font dire : “ton enfant arrivera à rien.”»

«J’ai eu tellement de témoignages positifs de gens pour qui ça a aidé que je raconte mon parcours, que maintenant ça me fait plaisir de le faire» s’exclame Gabrielle avec enthousiasme.

Ce texte se veut une occasion de découvrir la dyspraxie motrice et les manières de vivre, au travail notamment, avec ce handicap.

Mais avant tout, qu’est-ce que la dyspraxie motrice?

La dyspraxie est un trouble de la motricité

Le préfixe «dys-» exprime l’idée de difficulté, de trouble, de quelque chose qui fonctionne mal, tandis que «praxie» renvoie à un geste appris ou à une séquence de comportements moteurs. La dyspraxie motrice, à ne pas confondre avec la dyspraxie verbale, se définit donc comme une difficulté cognitive à coordonner les mouvements du corps.

La dyspraxie n’est pas une maladie. Il s’agit plutôt d’une atteinte neurologique permanente, généralement présente dès la naissance. Les dyspraxiques sont «neuro-atypiques», c’est-à-dire que leur cerveau fonctionne tout simplement différemment la moyenne des gens (les «neurotypiques»). Aucune médication ne peut traiter la dyspraxie.

«Le lien entre le cerveau et le corps se fait tout croche. Le cerveau sait très bien ce qu’il veut faire, mais c’est dans l’envoi du message que ça se perd», résume Gabrielle.

Plus précisément, le trouble développemental de la coordination (TDC), soit la dyspraxie motrice, c’est :

«un trouble développemental qui affecte le contrôle, la coordination et la planification d’un geste moteur. L’enfant qui en souffre se voit donc incapable de réaliser une séquence de gestes de façon harmonieuse et efficace.»

-Définition du Centre d’évaluation neuropsychologique et d’orientation pédagogique
Un garçon verse du sable sur sa main gauche à l'aide de sa main droite.

Avoir l’impression de lutter contre soi-même

Chaque fois qu’un geste doit être effectué, comme attacher des lacets, se brosser les dents, manier un crayon, monter des escaliers, c’est comme si ce geste était tout à fait nouveau et qu’il devait être réappris. Il n’est jamais spontané.

Certains dyspraxiques ont surtout de la difficulté à réaliser un geste ou un mouvement avec des objets (utiliser des ustensiles, écrire, dessiner), d’autres rencontrent davantage de problèmes à mimer une action (reproduire des pas de danse), à faire des signes de la main (dire bonjour) ou à organiser et planifier leur horaire du temps.

Les personnes dyspraxiques confondent bien souvent l’avant avec l’arrière, la gauche avec la droite, ce qui amène souvent leurs gestes à être saccadés. Conséquemment, toute action demande effort et concentration. Les personnes dyspraxiques se fatiguent généralement plus rapidement que la moyenne des gens.

Il n’est donc pas rare que les enfants dyspraxiques soient qualifiés par leur entourage, ainsi qu’à l’école, d’enfants maladroits. L’exemple de Gabrielle parle de lui-même :

«Jusqu'en 2e année du primaire, on ne savait pas ce que j'avais. Une de mes profs notait des problèmes de coordination oeil-main. C'était assez vague. Par exemple, quand je courais, il arrivait souvent que mes jambes se croisent et que je tombe.

En première année, ça a été un calvaire. La prof me refaisait sans cesse refaire mes lignes parce que c'était jamais bien écrit à son goût. J'avais beau m'appliquer, c'était jamais assez beau pour elle. Une fois, je suis sorti de la classe, en colère, et j'ai crié : “moi, quand je vais être plus grande, je vais être une prof vraiment gentille.”»
-Gabrielle

Les routines du quotidien constituent elles aussi des obstacles que doivent surmonter les personnes atteintes de dyspraxie:

«Une routine, si je l’apprends dans un contexte, ça fonctionne. Déplace la même routine dans un autre contexte, il faut que je réapprenne. L’exemple que je donne le plus souvent c’est celle de la poignée de porte, que j’ai vraiment vécue pour vrai! Par exemple, tu arrives devant une porte et pour l’ouvrir tu dois tourner la poignée à droite. Parfait, je suis capable d’ouvrir cette porte. Mais là j’arrive devant une autre porte. Je vais me réessayer de la même manière que je connais. À ce moment, il va vraiment falloir que je m’arrête quelques instants pour me dire : “Ah ça ne fonctionne pas. Mmmm attends! Comment est-ce que je pourrais faire pour ouvrir la porte?” Il faut que j’analyse, que je me replace, que je resitue, que je réessaie autre chose.»

Le handicap, source d’intimidation

On s’en doute bien, les enfants dyspraxiques, en raison de leurs différences, sont plus susceptibles d’être victimes d’intimidation à l’école. C’est ce qu’a d’ailleurs vécu Gabrielle au courant de sa scolarité primaire, allant jusqu’à lui provoquer un état de stress post-traumatique lorsqu’elle était en 6e année. Pour remédier à la situation, on a dû prendre les grands moyens et la changer d’école.

D’une manière surprenante, cette expérience néfaste et traumatisante insuffle alors en Gabrielle le désir d’aider les élèves qui vivent de l’isolement.

Fraîchement arrivée dans sa nouvelle école, celle-ci prend l’initiative de développer et d’animer un projet pour que les élèves ayant des difficultés d’intégration puissent, à travers les jeux, développer des liens d’amitié entre eux. Victime de son succès, Gabrielle a appris, plusieurs années plus tard, que son projet fut renouvelé au courant des années suivantes.

Une femme habillé d'un pull orange et de jeans regarde l'horizon. Derrière elle, il y a la mer et un ciel bleu et parsemé de nuages.

Diagnostic : des pronostics souvent négatifs dès l’enfance

C’est au primaire, à l’âge de 8 ans, que Gabrielle fut diagnostiquée comme étant dyspraxique. Une sorte de coup de dés, puisque la dyspraxie était encore assez méconnue au Québec au courant des années 1990. En effet, c’est le mari de son enseignante de 2e année, alors directeur d’école, qui évoqua la possibilité que Gabrielle soit atteinte de dyspraxie. En plein dans le mille!

Gabrielle aurait été parmi les premières personnes de l’Estrie à avoir été diagnostiquée de la dyspraxie. On lui a vite fait savoir, dès son diagnostic, qu’il ne fallait pas trop s’attendre à un grand avenir scolaire et professionnel.

«Les médecins ont dit à mes parents : “votre fille, si elle se rend en 2e secondaire, ce sera beau.” Ma mère a répondu : “ma fille elle va se rendre où elle va se rendre.”»

Contre toute attente, Gabrielle réussit à faire mentir les pronostics. Bien qu’elle ait doublé sa 5e année du primaire, le reste de son parcours scolaire se déroule bien et elle obtient son diplôme d’études secondaires.

Le soutien moral de ses parents fut déterminant dans son parcours scolaire. Ils ont toujours cru en son potentiel et à la possibilité qu’elle puisse vivre une vie «normale», en harmonie avec sa dyspraxie. Cette grande réussite scolaire doit aussi son succès aux nombreuses années d’intervention «rééducatives» et à la mise en place de mesures palliatives.

Rééducation et stratégies palliatives

Les particularités de la dyspraxie diffèrent d’un individu à l’autre. Les manifestations de la dyspraxie motrice à l’âge adulte dépendent en grande partie du travail de «rééducation» réalisé dans l’enfance et l’adolescence.

Suivie toute son enfance par le centre de réadaptation de l’Estrie, Gabrielle a pu mieux connaître et apprivoiser son handicap. Elle y a fait des apprentissages déterminants dans la réalisation de tâches du quotidien, lesquelles peuvent nous sembler banales, mais qui donnent du fil à retordre aux personnes dyspraxiques.

«En ergothérapie, j’ai appris les grandes étapes pour s’habiller. J’ai aussi appris à verser du jus sans faire des dégâts partout», raconte Gabrielle en riant.

Lors de ses études secondaires, étant donné la nature de son handicap, Gabrielle a pu bénéficier de mesures d’accommodement (ex.: utilisation d’un ordinateur en classe, horaire allégé) et du soutien continue d’une technicienne en éducation spécialisée (TES), laquelle pouvait par exemple l’aider lors de la prise de notes.

«Je faisais mes examens classe à part, car le fait de pouvoir lire mes questions à voix haute, ça m’aidait énormément.»

Verbaliser l’environnement et les séquences

Pour «mieux» fonctionner au quotidien, les enfants dyspraxiques sont généralement accompagnés dans l’apprentissage de stratégies de compensation, telles que la verbalisation et la séquentialisation. C’est ce qu’a appris à accomplir Gabrielle et qu’elle continue à faire encore aujourd’hui : «Pour refaire les liens dans mon cerveau, il faut que je parle. Nommer l’action, nommer ce que je fais, ça refait les liens dans ma tête.»

Gabrielle a appris à verbaliser et à décomposer son environnement visuel, les contextes et les actions qui doivent être réalisées, étape par étape. Cette stratégie de compensation permettrait, avec le temps, de développer une meilleure analyse visuelle ainsi que davantage d’aisance et de précision dans l’exécution des gestes.

Assis à un pupitre en classe, un garçon à la peau foncée effectue un exercice dans un cahier. Il porte des lunettes et un chandail vert. On voit plusieurs autres enfants dans la pièce s'appliquer à réaliser leur exercice.

Comment concilier la dyspraxie et le travail?

L’importance des routines

Les organismes spécialisés dans l’accompagnement d’adultes dyspraxiques recommandent qu’ils s’orientent vers des métiers où il est possible d’instaurer une certaine routine dans une journée de travail. Il s’agit d’un point central dans le développement professionnel de Gabrielle.

«Je dois apprendre les choses dans une routine. Une fois que la routine est acquise ça va vraiment bien, mais il faut l'acquérir. Aussi, j'ai une certaine rigidité au niveau des changements. Ça prend du temps et il faut désadapter.

Si je pense que c'est ça qu'on s'en va faire, c'est ça qu'on va faire dans ma tête. Changer de plan, je suis capable. Il faut juste que je me repositionne 30 secondes dans mes perceptions. Au début, ça me prenait du temps et de l'adaptation, mais maintenant je le fais tellement souvent que c'est intégré dans ma routine. C'est naturel.» -Gabrielle

L’ouverture de l’employeur

Sur le marché du travail, il importe que l’employeur soit bien informé des symptômes de la dyspraxie, afin qu’il puisse travailler de concert avec l’employé.e pour adapter son poste et mettre en place un système de communication au sein de l’équipe qui tient compte des particularités de la dyspraxie. Il est par exemple conseillé de remettre l’ordre du jour d’une rencontre au moins une heure à l’avance, pour aider les personnes atteintes de dyspraxie à mieux planifier et organiser mentalement à ce qui s’en vient.

Ainsi, l’une des clefs pour aider les adultes atteints de dyspraxie à se trouver un emploi et à s’y maintenir se trouve à être la connaissance de son handicap. La capacité à bien expliquer les particularités de son handicap, que ce soit à l’employeur ou aux collègues de travail, est essentielle à l’intégration professionnelle.

L’employeur actuel de Gabrielle démontre une grande ouverture à ce propos, ce qui a facilité son intégration:

«En ce moment, je suis vraiment à la bonne place. Ma responsable elle connaît mon handicap et elle me connaît bien. Lorsqu'elle a quelque chose à me dire, elle le fait avec beaucoup de bienveillance et elle m'accompagne là-dedans. À un moment donné, c'était de me dire “Oui je comprends que toi de faire une structure ça te sécurise, mais à un moment donné, les enfants ont aussi besoin d'autres choses.”» -Gabrielle

En pleine entrevue d’embauche, la directrice de l’école n’y est pas allée de main morte et lui a carrément dit : «Tu pourrais légalement ne pas travailler. Tu aurais toutes les raisons du monde de ne pas le faire. Mais tu choisis de le faire et de donner ce que tu peux à la société. Ça moi je vais encourager ça.» Ce fut la naissance d’un solide lien de confiance qui perdure encore à ce jour.

Le travail à temps partiel et les demi-journées

Vous vous souvenez de ce que je vous expliquais plus haut à propos du niveau constant d’effort et de concentration requis par les dyspraxiques pour réaliser des tâches et des routines du quotidien? Eh bien, à cause de cela les personnes atteintes de dyspraxie se fatiguent incroyablement rapidement.

En conséquence, pour la majorité des adultes dyspraxiques en état de travailler, c’est le travail à temps partiel qui est recommandé, du moins pour un certain temps avant de passer à du temps plein. Et plutôt que de faire des journées complètes, il est préférable de commencer par des demi-journées.

«J'ai souvent eu le commentaire “pourquoi tu ne travaillerais pas à temps plein?” Pour moi, c'est pas vrai que je vais scrapper ma santé. Je veux vivre comme tout le monde. Je veux avoir des passions et avoir de l'énergie pour les vivre.» -Gabrielle
Une professionnelle habillée en bleue prend des notes. Devant elle, on voit une femme en train de parler. Elle est assise sur un sofa.

Le rôle des organismes d’employabilité

Au cours de son parcours professionnel, Gabrielle a eu l’occasion de recevoir le soutien d’un organisme d’employabilité spécialisé dans l’accompagnement des personnes en situation de handicap. À l’époque, cet organisme était connu sous le nom de Trav-Action, à Sherbrooke.

Grâce à cet organisme, Gabrielle a pu trouver un emploi en tant qu’aide-éducatrice dans un CPE. Et grâce à Trav-Action, elle a appris à mieux se présenter lors des entrevues d’embauche. Elle y a également appris l’existence et le fonctionnement de subventions salariales pour l’embauche de personnes en situation de handicap. Et lorsqu’elle était dans un poste d’éducatrice dans une garderie, l’organisme l’a aussi accompagné dans la résolution de problèmes en milieu de travail.

Effectivement, le parcours professionnel de Gabrielle n’a pas toujours été rose. Il lui est déjà arrivé de vivre de la discrimination à l’embauche, en raison de son handicap. Ou de travailler avec des employeurs qui ne considéraient pas suffisamment les limites de la dyspraxie dans la délimitation de son poste. Dans un emploi où elle se sentait écrasée par les responsabilités, Gabrielle raconte sa souffrance :

«Je ne me suis plus reconnu dans cet emploi-là. Je n'étais plus ce que j'étais. J'avais beaucoup trop de pression. Le stress, à ce moment-là, je ne le gérais pas bien. J'avais trop de pression que j'étais tellement pas bien que je perdais patience avec les enfants. J'ai jamais été comme ça. Je ne me reconnaissais plus.» -Gabrielle

Cette expérience de travail fut si négative pour Gabrielle qu’elle en vint à remettre en question sa capacité à travailler avec les enfants.

Pourtant, son parcours professionnel est rempli de «petites victoires», de propos de parents qui reconnaissent sa compétence et l’impact qu’elle peut avoir auprès de leurs enfants. Ce témoignage d’un parent est éloquent :

«“Ma fille, tu as vraiment créé un lien avec elle. Tu es vraiment à ta place avec les enfants. Tu as créé un lien avec ma fille, ma fille te fait confiance. C’est vraiment important ce que tu as créé avec elle.” Ça, ça vaut l’or. Je l’ai même écrit sur mon frigo pour m’en souvenir. Toutes les fois que je vais douter de moi, je vais relire ça.»

Heureusement, grâce au soutien de son employeur actuel, Gabrielle a pu graduellement reprendre confiance en elle. Très heureuse dans son poste d’éducatrice, dans cinq ans, Gabrielle se voit exactement à la même place qu’aujourd’hui, même emploi, même école. Elle est fière de son rôle dans la communauté :

«On est invisibles. On fait des affaires qui sont par en dessous. On fait des choses qui sont très importantes et utiles, mais qui ne sont pas flash. On fait un travail de souris. Le reste ne pourrait pas se faire sans nous. Par exemple, je permets aux parents de travailler. Si je ne suis pas là le soir pour le service de gardes.» -Gabrielle

J’espère que cet article de blogue vous a plu et qu’il vous a permis d’en apprendre davantage sur la dyspraxie. Au cours des prochains mois, j’ajouterai une section complémentaire portant sur des ressources professionnelles et scientifiques à lire pour en savoir encore plus sur la dyspraxie.

Un gros merci à Gabrielle, qui a été plus que généreuse dans l’entrevue qu’elle m’a accordée. N’hésitez pas à lui écrire un mot en commentaire!

Immigrer et travailler à Montréal : dois-je parler anglais?

Plusieurs gratte-ciel de la ville de Montréal la nuit

Au cours des dernières années, les enjeux soulevés par la survie de la langue française au Québec ont fait couler beaucoup d’encre. Quiconque habite ici depuis quelque temps pourra vous le confirmer : on entend sans cesse parler de l’anglicisation de Montréal et de son marché du travail. Au Québec, la langue française revêt un aspect à la fois identitaire, culturel et politique.

La place de l’anglais à Montréal

Selon une étude de l’Office québécois de la langue française parue en 2021 (lien), sur l’Île de Montréal, environ 65% des travailleurs et travailleuses utilisent régulièrement l’anglais au travail, cette proportion est de 51% dans la couronne de Montréal et de 38% dans le reste du Québec.

Ainsi, à Montréal la pression pour parler anglais au travail est assez forte, comme l’a récemment exposé un article de Radio-Canada (lien). Les entreprises sont nombreuses à avoir comme critère d’embauche la maîtrise de l’anglais oral et écrit.

Mais d’autre part, l’usage du français est prôné fortement par le gouvernement du Québec, notamment par l’application de la Charte de la langue française (voir plus loin dans le texte) et une frange de la population.

Les personnes immigrantes qui arrivent à Montréal pour y décrocher un emploi se retrouvent bien souvent entre l’arbre et l’écorce. Dois-je apprendre le français ou l’anglais? Dois-je maîtriser les deux langues? Quelle langue devrais-je maîtriser si je souhaite «réussir» mon intégration et/ou ma carrière?

Deux hommes et deux femmes discutent ensemble à table

Le dilemme de la langue à Montréal

J’ai discuté de cette question de la langue au Québec avec Carlos J. Gomez, un immigrant colombien devenu éventuellement citoyen canadien, qui a consolidé une carrière de plusieurs années en marketing à Montréal.

Avant d’immigrer au Canada pour y réaliser des études universitaires en français, Carlos possédait certaines bases en français et il maîtrisait parfaitement l’anglais. Il a vécu à Sherbrooke le temps de finaliser ses études, où il dit avoir travaillé fort pour parfaire sa connaissance du français.

À ce moment de son parcours d’immigration, Carlos avait la perception que tout se passait en français au Québec. Tout était en français autour de lui : la langue parlée par la population, les communications officielles, les affiches publiques et les noms d’entreprise, la radio et les chaînes de télévision (Radio-Canada, TVA, Télé-Québec, etc.).

Mais tout a basculé à son arrivée à Montréal pour y travailler...

Un dépaysement linguistique total : le franglais

Une fois à Montréal, Carlos s’est vite rendu compte que l’anglais côtoyait régulièrement le français, voire que les deux langues se mélangeaient dans une même conversation. C’était la première fois de sa vie qu’il rencontrait ce phénomène linguistique dans une grande métropole, lui qui a d’ailleurs beaucoup voyagé au cours de sa vie.

«Quand tu arrives à Montréal, c'est tellement bizarre ce bilinguisme d'une personne qui te parle en français et en anglais dans une même phrase. Et tu te dis : comment je vais faire pour m'adapter à ça? Pour moi, l'anglais c'est l'anglais, le français c'est le français. Comment vais-je faire pour mélanger les deux langues, pour parler le franglais montréalais? Je viens d'un pays où on parle une langue à la fois, on les mélange pas.»
-Carlos J. Gomez, spécialiste en marketing

Carlos décroche finalement son premier emploi dans une entreprise internationale où tout se faisait presque qu’exclusivement en anglais. Le choc linguistique est total.

L’anglais au travail, le choc de la réalité

Au Québec, toutes les communications officielles avec le gouvernement, ainsi que tout le processus d’immigration, ça se passe généralement en français. Carlos me dit avoir eu l’impression qu’on lui avait promis implicitement que tout se passe en français au Québec.

On ne l’avait jamais préparé à une telle présence de l’anglais sur le marché du travail. « C’est là que tu te dis : c’est une chose ce que le gouvernement te dit et c’est vraiment autre chose ce que tu trouves sur le marché du travail », finit-il par me confier. Il aurait aimé qu’on lui parle bien plus tôt dans son parcours d’immigration de cette réalité anglophone du marché du travail québécois.

«Dans les meetings, parfois c’est tout mélangé entre le français et l’anglais. Tu parles en français et on te répond en anglais. C’est un autre choc. Jamais on te parle de ça dans le processus d’immigration.» -Carlos J. Gomez, spécialiste en marketing

Il se sent aussi trahi par cette promesse implicite. Un peu amer aussi d’avoir eu à mettre autant de temps et d’énergie à apprendre une troisième langue, le français.

«Je me suis forcé à apprendre le français, à faire ma maîtrise en français, j'ai «souffert» une année. Finalement je commence à travailler et tout est en anglais. Le français c'était le minimum. Je le parlais surtout avec quelques collègues et avec des clients francophones. Ce fut tout un choc pour moi de voir l'influence de l'anglais sur le marché du travail.»
-Carlos J. Gomez, spécialiste en marketing
Un homme en complet réalise une conférence devant un public

Le français, une langue de second usage en emploi?

Au cours des différents emplois qu’il a occupés à Montréal, Carlos se dit étonné d’avoir côtoyé des collègues d’origine montréalaise, c’est-à-dire des personnes nées dans cette ville et y ayant grandi, qui ne connaissaient aucunement le français. Carlos raconte cette anecdote qui l’a marqué : «j’avais un collègue fier d’avoir fait sa présentation en français, pourtant il est né et a habité à Montréal toute sa vie. Tu es né ici, tu devrais être capable de parler français plus naturellement.»

Le français est-il finalement une langue de second usage, a-t-il commencé à se demander, en quelque sorte inférieure à l’anglais dans le monde du travail et des affaires? C’est ce qu’il réalise aujourd’hui. Et selon son expérience, ce serait ce que pensent aussi d’autres immigrants.

«J'ai rencontré d'autres immigrants qui parlaient très bien anglais et qui ne voulaient pas sortir de leur zone de confort. Ils regardaient le français comme une étape extra qu'il faut faire pour satisfaire le gouvernement, mais pas comme un atout sur le marché du travail.»
-Carlos J. Gomez, spécialiste en marketing

Sans trop s’en rendre compte, Carlos est lui-même entré dans sa zone de confort, en favorisant l’anglais au quotidien au travail, une langue qu’il maîtrise davantage que le français. Il trouve cette situation déplorable, car ce sont ses compétences en français qui ont le plus souffert de cette situation.

Carlos affirme malgré tout que sa connaissance du français lui a permis de bien progresser dans sa carrière, puisqu’il devenait une ressource indispensable pour ses employeurs, qui ne pouvaient pas toujours compter sur des employés pouvant maîtriser à la fois l’anglais et le français.

Même si le portrait semble peu reluisant pour le français en milieu de travail à Montréal, il est important de rappeler qu’il s’agit de l’expérience d’une seule personne et que cela ne constitue pas l’ensemble des emplois de Montréal. Dépendamment des domaines d’emploi, mais aussi du niveau de scolarité requis, l’usage de l’anglais est plus ou moins important.

Lorsque j’ai demandé à Carlos s’il connaissait ses droits au travail concernant l’usage du français, j’ai été surpris d’apprendre qu’il n’en avait jamais entendu parler. Ce qui est encore plus étonnant, c’est qu’il ne connaissait aucune réglementation en général sur les droits et devoirs des travailleurs au Québec, ni au Canada. «Quand vous émigrez au Canada, personne ne vous le dit», déplore-t-il.

Pour mieux vous informer sur le sujet, j’ai donc décidé de vous présenter les droits qu’accorde la Charte de la langue française sur le marché du travail québécois.

Dans le futur, j’écrirai d’autres articles sur les droits des travailleurs et travailleuses au Québec et au Canada.

Le droit de travailler en français au Québec

La Charte de la langue française (loi 101), adoptée au Québec le 26 août 1977, garantit, entre autres choses, le droit aux travailleurs et travailleuses qui travaillent dans une entreprise établie au Québec d’y exercer leurs activités en français au Québec. Pour les amoureux du droit, voici la Charte en question.

Qu’est-ce que ça signifie concrètement le droit de travailler en français?

Les entreprises établies au Québec doivent par exemple permettre l’usage du français en milieu de travail et communiquer en français avec leurs employés. Voici quelques exemples concrets tirés du site du Conseil supérieur de la langue française du Québec :

  • Informer, service clientèle, accueil, téléphone, personne, documents qui accompagnent les produits
  • S’assurer que les membres du personnel et les cadres connaissent le français et puissent échanger en français au travail;
  • L’affichage interne doit inclure le français de façon au moins équivalente à celle d’une autre langue utilisée au travail, comme l’anglais. Il s’agit autant des affiches, des avis sur les babillards, des écriteaux. etc.;
  • Les échanges entre collègues devraient pouvoir se faire en français, tout comme les directives officielles de l’entreprise (avis, notes de service, bulletins d’entreprise, courriels) devraient inclure le français;
  • Les documents de travail et le matériel informatique utilisés régulièrement doivent être en français;
  • informer, service clientèle, accueil, téléphone, personne, documents qui accompagnent les produits.
Deux femmes et un homme boivent du jus lors d'un 5 à 7

Processus de francisation obligatoire pour les entreprises

Il faut aussi savoir que les entreprises de 50 employés ou plus sont assujetties à un encadrement plus rigoureux de la Charte de la langue française.

«Afin d'assurer la généralisation du français dans tous les milieux de travail, la Charte de la langue française a prévu des mesures particulières pour les entreprises qui emploient 50 personnes ou plus au Québec. Celles-ci doivent s'engager dans une démarche visant à assurer qu'elles se conforment à la loi et que l'usage du français y est généralisé.»
-Tiré du site du Conseil supérieur de la langue française du Québec (lien)

Ces entreprises doivent se soumettre à un processus de francisation obligatoire. En outre, les entreprises de 100 employés ou plus doivent constituer un comité de francisation dont le rôle est d’analyser la situation linguistique du milieu de travail.

Voici une synthèse de la démarche de francisation à suivre. Toutes les étapes détaillées se trouvent ici (lien) :

  • Inscription à l’Office québécois de la langue française;
  • Analyse de la situation linguistique par l’entreprise;
  • Préparation d’un programme de francisation détaillé à soumettre à l’Office;
  • Approbation du programme de francisation;
  • Mise en oeuvre du programme de francisation et rédaction annuelle d’un rapport sur l’avancement de la francisation au sein de l’entreprise;
  • Remise d’un certificat de francisation lorsque l’Office estime que l’entreprise se conforme aux objectifs de la Charte de la langue française;
  • Permanence de la francisation.

Quelles entreprises ne sont pas soumises à la Charte de la langue française?

À l’heure actuelle, les entreprises de compétence fédérale qui réalisent leurs activités au Québec ne doivent pas se plier aux exigences de la langue de travail de la Charte de la langue française. Cependant, ils doivent respecter d’autres aspects de la Charte, tels que l’obligation de produire en français leurs factures, leurs publicités (destinés à un public québécois) et leur site Internet.

Entreprises de compétences fédérales et normes du travail

Il faut savoir qu’au Canada, il existe des compétences de juridiction fédérale et d’autres de juridiction provinciale. Les entreprises et institutions sous réglementation fédérale sont réglementées par le Code canadien du travail plutôt que par les normes de travail provinciales.

C’est pourquoi le salaire minimum n’est pas le même entre une entreprise sous juridiction fédérale (15$/h, le 10 février 2022) et une entreprise sous juridiction provinciale (13,50$/h, le 10 février 2022), même si les deux entreprises se trouvent au Québec.

Voici les secteurs d’activité qui sont de juridiction fédérale. Pour une liste détaillée, voir le site officiel du gouvernement du Canada (lien) :

  • Banques;
  • Communications (radiodiffusion, télédiffusion, réseaux de téléphone, d’Internet, etc.)
  • Services postaux et messagerie;
  • Transport interprovincial et international (routier, aérien, aéronautique, ferroviaire, maritime et par pipeline;
  • Ministères et organismes fédéraux;
  • Le Parlement;
  • Administration d’un conseil de bande indienne;
  • Élévateurs à grains, meuneries et minoteries;
  • L’extraction et la transformation de l’uranium;
  • L’industrie d’énergie nucléaire.

Mieux s’orienter grâce à l’art-thérapie

Un pinceau et une palette de couleurs

Ces dernières années, l’art-thérapie gagne en popularité. Ainsi, les musées sont de plus en plus nombreux à offrir des ateliers d’art-thérapie. On n’a qu’à penser au Musée des beaux-arts de Montréal, qui offre divers programmes d’art-thérapie pour briser l’isolement des jeunes et des moins jeunes et développer chez eux un sentiment d’appartenance à leur communauté. On y aborde des sujets sensibles comme le suicide, les troubles alimentaires, la migration existentielle, les troubles langagiers. L’art-thérapie aurait donc des effets thérapeutiques. Il n’est donc pas surprenant que l’art soit parfois utilisé chez des professionnels de la santé, comme les psychologues et les ergothérapeutes.

Bien qu’encore marginale, la profession d’art-thérapeute existe bel et bien! L’Association des art-thérapeutes du Québec (AATQ) milite depuis près d’une dizaine d’années, sans succès pour le moment, pour que les art-thérapeutes soient reconnus à titre de psychothérapeutes (source). Les seules universités québécoises offrant une maîtrise en art-thérapie (Concordia et Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)) songent à modifier leurs programmes pour qu’ils puissent éventuellement répondre aux exigences de l’Ordre des psychologues du Québec pour l’obtention du permis de psychothérapeute.

Qu’est-ce que l’art-thérapie?

«L'art-thérapie se définit comme une démarche d'accompagnement psychologique d'une personne ou d'un groupe en difficulté, centrée sur l'expression de soi, de ses pensées, de ses émotions et ses conflits dans un processus de création d'images. La spécificité de l'art-thérapie s'exprime dans l'utilisation des médias plastiques visant la compréhension et la résolution de problèmes, le soulagement de l'angoisse et de la souffrance psychologique et physique ou simplement l'évolution et le mieux-être psychologique de la personne ou du groupe.»
- UQAT (source)
Une femme sourit et prend un pinceau

Entrevue avec une conseillère d’orientation passionnée par l’art-thérapie

Pour en connaître davantage sur l’art-thérapie, je me suis entretenu avec Marie-Ève Morin, une conseillère d’orientation qui s’intéresse de près à ce domaine d’expertise depuis quelques années déjà. Elle cumule près de 10 ans d’expérience en employabilité et en orientation professionnelle.

Une femme sourit

Marie-Ève s’est spécialisée au fil des années auprès des jeunes adultes éloignés du marché de l’emploi. Elle a notamment animé les ateliers «Je vaux de l’art» – ateliers qu’elle a développés – au CJE de Sherbrooke.

Détentrice du microprogramme de 2e cycle en art-thérapie de l’UQAT, Marie-Ève entreprend actuellement un certificat universitaire en art visuel pour pouvoir être admise à la maîtrise en art-thérapie. Elle souhaite devenir art-thérapeute tout en demeurant conseillère d’orientation. Elle souhaite ainsi parfaire ses compétences et ainsi intégrer ce domaine d’expertise dans sa pratique professionnelle.

Pourquoi vouloir se former en art-thérapie?

D’entrée de jeu, Marie-Ève m’explique que l’art a toujours fait partie de sa vie, qu’il s’agit pour elle d’une façon de vivre et d’extérioriser ce qu’elle vit intérieurement. Plus jeune lors de son premier choix de carrière, bien avant d’apprendre l’existence de l’art-thérapie, elle a longuement hésité entre une profession en art et une profession en relation d’aide.

«À cette époque-là, j'ai en quelque sorte repoussé l'idée de m'orienter dans une profession artistique. J'ai choisi la profession en relation d'aide parce que c'était vraiment au coeur de ce que je voulais faire. Aider les autres, ça primait sur le côté art-visuel. Je n'avais pas encore concilié les deux aspects.»
-Marie-Ève Morin, conseillère d'orientation

C’est au cours de sa formation en orientation professionnelle que Marie-Ève découvre la profession d’art-thérapeute. Elle se dit alors que cette profession lui collerait à la peau. Elle décide malgré tout de terminer sa formation en orientation avant de se lancer dans une formation en art-thérapie.

Cinq pinceaux devant une toile mauve, rose et jaune

Les avantages de l’art-thérapie en orientation professionnelle auprès des jeunes adultes

Au cours de ses années à intervenir auprès de jeunes adultes éloignés du marché du travail – des jeunes souvent aux prises avec une faible estime de soi, des troubles de santé mentale ou vivant des conditions de vie très difficiles – Marie-Ève souhaite trouver une manière d’aider ces jeunes à explorer et nommer leurs expériences, leurs besoins et ce qu’ils vivent émotionnellement.

Entrer en contact avec soi et en partager l’essence à une personne en situation d’autorité, voilà qui peut être assez exigeant et déstabilisant pour des jeunes souvent en marge du système ou méfiants envers celui-ci. Selon Marie-Ève, l’utilisation de l’art devient alors un médium pertinent pour faire tomber ces barrières et ainsi faciliter l’exploration et l’expression de soi des jeunes adultes.

La spontanéité de l’art permet de révéler des parties de soi, parfois cachées, inconscientes, et d’y extirper des symboles très forts enfouis en soi.

«J'intervenais auprès d'une jeune adulte et je n'arrivais pas à avoir accès à son vécu. Je lui ai donc demandé de piger une figurine et elle a choisi une araignée. C'est à partir de ce moment qu'elle a pu me nommer qu'elle se sentait comme si elle était prise dans une toile d'araignée.»
-Marie-Ève, conseillère d'orientation

L’art permet ainsi aux jeunes adultes d’entrer en relation avec un intermédiaire visuel et symbolique qui part et parle directement de soi. Le monde intérieur se révèle, prend forme et devient donc «plus concret». C’est pour cette raison que les figurines, notamment par l’exercice du «jeu de sable», sont souvent utilisées en art-thérapie. Marie-Ève explique que l’utilisation des figurines lors de groupes d’intervention permet aussi aux jeunes adultes à apprendre à mieux se connaître et à tisser, voire même réparer, des liens entre eux.

Dans la pratique de l’orientation professionnelle, explique Marie-Ève, l’intervention porte surtout sur la cognition : faire des listes d’intérêts, de valeurs et d’aptitudes; trouver, lire et classer de l’information; réaliser des tests psychométriques; parler de soi à travers la réflexion… L’art devient alors un autre moyen, plus instinctif que rationnel, pour aider les jeunes à mieux se connaître et à faire un choix de carrière plus proche de qui ils sont.

Une femme porte un chapeau et peint une murale à l'aide d'un pinceau

Quels sont les risques de l’art-thérapie?

Même si à première vue l’usage de l’art semble anodin en intervention, ce n’est pourtant pas des interventions à prendre à la légère, explique Marie-Ève. D’ailleurs, si elle utilise l’art en intervention, elle ne mobilise aucunement l’art-thérapie pour le moment. Elle attend d’avoir terminé sa formation en art-thérapie avant d’appliquer des interventions qui découlent directement de ce domaine d’expertise.

Par ailleurs, avant d’appliquer une nouvelle intervention mobilisant l’art dans sa pratique professionnelle, Marie-Ève demande chaque fois conseil aux professeurs et chargés de cours qui lui enseignent l’art-thérapie à l’UQAT.

Mais pourquoi une si grande prudence?

Étant donné que l’art-thérapie permet de révéler certaines parts de l’inconscient, c’est un peu comme marcher sur un champ de mines, surtout lorsqu’on intervient auprès de personnes susceptibles d’avoir subi des traumatismes dans l’enfance.

L’importance des matériaux utilisés

L’art-thérapeute formé et compétent connaît l’influence que peuvent avoir les divers matériaux artistiques sur l’état psychologique et émotionnel des personnes aidées. Il s’agit d’une spécificité de la formation en art-thérapie. En fonction de la vulnérabilité de la personne et des objectifs poursuivis, il serait très important de faire un choix réfléchi quant aux types de matériaux utilisés.

À titre d’exemple, un médium «fluide», comme l’argile, comparativement à un médium «sec», comme le crayon pastel, peut prédisposer davantage la personne aidée à une connexion plus intense avec son monde émotionnel et pourrait donc être moins approprié auprès de certaines personnes. Ainsi, le médium choisi par l’art-thérapeute est loin d’être anodin.

Autre exemple; le simple fait de fournir une petite ou une grande feuille oriente déjà ce que risque de ressentir émotionnellement la personne aidée. Plus la feuille est petite, plus le cadre de l’activité thérapeutique est sécurisant et sécuritaire. Ainsi, les risques de débordements émotionnels sont davantage restreints. L’ajout d’un ruban adhésif tout autour de la feuille serait un autre moyen pour sécuriser encore plus l’expérience thérapeutique.

Je tiens à remercier Marie-Ève Morin de m’avoir offert du temps pour réaliser cette entrevue.

Pour en savoir plus :

5 conseils pour bien commencer sa chaîne Youtube [en 2022]

Le logo de Youtube derrière une vitre remplie de gouttes d'eau

Entrevue avec Geneviève, la Youtubeuse maprofdefrançais

L’engouement pour devenir Youtuber ou «influenceur» a explosé depuis l’arrivée de la pandémie en 2020. Un grand nombre de personnes ont tenté le tout pour le tout et se sont réorientées vers les médias sociaux (Youtube, Twitch, TikTok). D’autres sont devenus des stars dans leur domaine d’expertise. Au Québec, il n’y a qu’à penser au «Doc de TikTok», alias @Wal_Trudeau, un résident en médecine qui a gagné en notoriété grâce à ses vidéos éducatifs sur la vaccination (voir son entrevue à Tout le monde en parle).

Ainsi, plusieurs de ceux et celles qui étaient déjà sur Youtube ont vu leur audience gonfler, leur permettant d’obtenir un revenu confortable. Gurky, qui se spécialise dans la dégustation de nourriture, fait partie de ces Québécois.e.s qui ont vu leur popularité atteindre des sommets.

Pour y voir plus clair, je me suis entretenu avec Geneviève, la youtubeuse derrière la chaîne maprofdefrançais, qui se spécialise dans l’enseignement du français québécois. Voici ses 5 conseils pour bien commencer sa chaîne Youtube.

Conseil #1 : ayez un projet précis

Ne vous lancez pas sans avoir une idée précise du projet de chaîne que vous aimeriez commencer. Au départ, tenez-vous-en à une seule niche (ou un sujet) et à un public cible suffisamment spécifique. En effet, l’éparpillement d’un sujet à l’autre diminue les chances que le public s’abonne à la chaîne, car le contenu n’y est pas suffisamment prévisible.

Ceci étant dit, n’attendez surtout pas d’être parfait avant de vous lancer votre première vidéo. Cela peut prendre une dizaine de vidéos avant de trouver son style, sa voix et le ton que l’on souhaite finalement utiliser. Bref, l’important c’est d’être au clair avec sa niche et son public cible.

Conseil #2 : soyez constant et prévisible

Soyez constant dans vos publications. Si vous décidez de publier une fois par semaine, déterminez une journée et une heure, puis publiez au même moment chaque semaine. L’algorithme Youtube finira par connaître votre horaire de publication. L’algorithme Youtube raffole de la constance. Plus vous l’êtes, plus les chances que celui-ci recommande vos vidéos augmentent.

Petit conseil d’ami : soyez réaliste dans l’établissement de votre horaire de publication.

En effet, il est préférable de publier moins fréquemment au départ, quitte à augmenter la fréquence un peu plus tard. De cette manière, vous vous assurez d’avoir le temps nécessaire pour bien apprendre les ficelles du métier, sans trop vous mettre de pression.

Au final, c’est la qualité des vidéos qui compte et non la quantité.

Conseil #3 : optimisez votre SEO

Dans l’univers Youtube, vous allez rapidement rencontrer l’acronyme «SEO», qui signifie Search Engine Optimization. En français, on peut le traduire par «Optimisation pour les moteurs de recherche».

Le SEO, c’est une sorte de langage que comprennent les algorithmes. Ce langage leur permet de classifier le contenu d’une vidéo (son titre, sa description, ses tags, l’image de la miniature, etc.) en l’associant à divers mots-clés précis et pertinents lors d’une recherche.

Le SEO permet également à l’algorithme Youtube de promouvoir votre vidéo aux publics cibles qui s’intéressent au type de contenu qui se trouve dans celle-ci. Plus l’ensemble de l’information décrivant une vidéo est cohérente, plus l’algorithme lui associera une cote positive.

Bien parler le langage du SEO, c’est tout un art. Et cela demande du temps et de l’implication. Ce n’est pas pour rien qu’il existe une tonne d’entreprises et de professionnels spécialisés dans cette niche.

Pour bien comprendre la base du SEO de Youtube, Geneviève recommande TubeBuddy, qui s’installe directement dans votre navigateur web. C’est encore aujourd’hui le logiciel qu’elle utilise pour optimiser le SEO de ses vidéos.

TubeBuddy analyse l’ensemble des propriétés des vidéos (titre, description, mots-clés, etc.) et, pour chaque vidéo, il fournit un score d’optimisation sur 100. Il indique à l’utilisateur ce qui est bien optimisé et ce qui devrait l’être davantage, tout en fournissant des conseils pour y arriver.

Bien que l’accès aux fonctionnalités les plus intéressantes de TubeBuddy nécessite un abonnement mensuel payant, TubeBuddy offre heureusement la possibilité de le tester gratuitement pendant une période deux semaines. Pour bien comprendre la base du SEO de Youtube, Geneviève recommande de profiter de ces deux semaines gratuites, même si vous ne prévoyez pas prendre un abonnement payant. Selon elle, cette période de deux semaines est suffisante pour comprendre les grands traits du fonctionnement du SEO de Youtube.

C’est par ici pour installer TubeBuddy.

Conseil #4 : peaufinez votre image de marque

L’audience doit pouvoir, en un balayement des yeux, identifier la miniature d’une de vos vidéos à votre chaîne. Il y en a des centaines qui défilent devant nos yeux lorsqu’on navigue le moindrement sur Youtube. Il est donc important de définir rapidement l’image de marque de votre chaîne.

L’image de marque, avec le temps, crée un lien de confiance et de proximité avec l’audience. Ce n’est qu’une fois ce lien bien ficelé que l’audience en vient à se fidéliser à votre chaîne.

Pour créer une image de marque qui se tient, il est recommandé d’utiliser les mêmes couleurs, les mêmes polices de caractères et le même design, que ce soit d’une miniature à l’autre ou dans l’animation d’ouverture de vos vidéos.

Pour vous aider à bâtir votre image de marque et à concevoir vos miniatures, Geneviève conseille à ceux et celles qui ne s’y connaissent pas en logiciel de design graphique (Illustrator, Photoshop, etc.) d’opter pour le logiciel en ligne Canva. C’est l’outil qu’elle utilise depuis le début de sa chaîne (et que Dromadaire Mauve utilise aussi).

La version gratuite de Canva permet de produire de belles miniatures sans trop de connaissances techniques. De plus, Canva offre un vaste éventail de modèles de miniatures, ainsi qu’une quantité impressionnante d’images, d’animations et de photos libres de droit.

La version payante, par abonnement mensuel, donne accès à encore plus de modèles, d’images, de vidéos, etc. Mais l’atout principal de la version payante, selon Geneviève, est son outil de gestion de marque, qui permet d’ajouter un logo, la palette de couleurs et les polices de caractères de la marque. Une fois ces informations configurées, les miniatures se moulent automatiquement à l’image de marque déterminée. Bref, ça simplifie encore plus la conception de miniature et cela assure une belle continuité de l’image de marque d’une vidéo à l’autre.

Conseil #5 : n’attendez pas d’être équipé comme un professionnel

Selon Geneviève de maprofdefrançais, quand on débute sa chaîne Youtube ça ne vaut pas la peine d’investir de grosses sommes d’argent dans du matériel professionnel. Ça peut être long avant de vous bâtir une audience qui commencera à rapporter. De plus, il se pourrait que vous vous rendiez compte que ça ne vous plaît finalement pas comme métier.

Attendez une bonne année avant d’investir dans du matériel (caméra, micro, éclairage) plus haut de gamme. Apprenez d’abord toutes les bases de la conception de vidéos sur Youtube.

Prenons l’exemple de maprofdefrançais

La caméra et les logiciels d’édition et de montage vidéo

Pendant près d’une année, les vidéos étaient réalisées avec une webcaméra bon marché, qui vaut un peu plus de 30$. Il s’agit de la Logitec Haute définition C270. L’image n’était aussi nette qu’une caméra haut de gamme, mais dans le cas la chaîne de Geneviève, le son est beaucoup plus important que l’image. Sa chaîne est d’abord et avant tout centrée sur l’apprentissage du français et la linguistique. Le message est beaucoup plus central que la messagère. Aujourd’hui, Geneviève utilise une caméra Sony ZV-1 pour la réalisation de ses vidéos.

Pour l’enregistrement de ses vidéos, Geneviève a longtemps utilisé le logiciel Bandicam pour sa simplicité d’utilisation et parce qu’il fonctionnait très bien avec sa webcaméra. Il se détaille aux alentours de 50$

Et pour réaliser ses montages vidéos, Geneviève utilise depuis le tout début de son aventure le logiciel Filmora9. Ce logiciel de montage vidéo se détaille à un peu moins de 100$. Filmora9 est un logiciel facile d’utilisation pour ceux et celles qui n’ont aucune connaissance en montage vidéo. Geneviève apprécie particulièrement le vaste éventail d’effets de transition qu’offre Filmora9.

Le microphone

Tout comme la webcaméra, le microphone que Geneviève utilise encore à ce jour, un Fifine K668 USB, n’est pas très dispendieux (environ 40$). Parce qu’il est USB, il est très facile d’utilisation «plug and play». Et malgré son faible prix, elle reçoit encore de bons commentaires de l’audience et de ses invités sur la qualité sonore de son micro.

Or, l’inconvénient majeur d’un microphone USB, c’est qu’il n’est ni compatible avec un téléphone intelligent, ni avec une caméra vidéo. Le prochain achat de Geneviève sera donc un micro compatible avec sa nouvelle caméra Sony ZV-1.

L’éclairage

En ce qui concerne l’éclairage, Geneviève dit s’être très bien débrouillée dans les débuts de sa chaîne avec une petite lampe de bureau LED à 200 lumens. Aujourd’hui, elle travaille plutôt avec lampe circulaire (« O-Ring ») spécialement conçue pour les médias sociaux et qui offre la possibilité de régler l’intensité et la couleur de l’éclairage. Voir cet exemple de la marque Neewer, une marque populaire pour ce type de produit.


Pour conclure, j’espère que ces 5 conseils pour bien démarrer votre chaîne Youtube vous ont été utiles. N’hésitez pas à écrire en commentaires si vous prévoyez débuter une chaîne Youtube. Et pourquoi pas nous partager le nom votre chaîne Youtube?

Vous avez des questions à poser à Geneviève? Écrivez votre question dans la section commentaire.

Pour terminer, je tiens à remercier chaleureusement Geneviève pour son temps et pour ses précieux conseils. Un article sur son parcours professionnel – assez intéressant merci! – est prévu dans les mois qui viennent. Restez à l’affût!

Accompagner les femmes à faire leur place dans les métiers non traditionnels

Les mains d'une femme qui coupe du métal à l'aide d'une scie électrique

Avec le nombre record de femmes devenues élues au poste de maire au Québec il y a quelques semaines, un poste traditionnellement occupé par des hommes, j’ai décidé de me mettre à jour sur la place des femmes dans les métiers non traditionnels au Québec. Pour ce faire, quoi de mieux que de m’entretenir avec Leïla Rivard, conseillère d’orientation au Centre d’intégration au marché de l’emploi (le CIME), dont la mission est l’amélioration de la situation économique des femmes.

Cet organisme à but non lucratif, situé en Estrie, offre des services d’employabilité et des services d’orientation professionnelle spécifiquement pour les femmes, ainsi que des services aux entreprises pour mieux adapter leur milieu de travail à celles-ci. Tout un volet des services du CIME est dédié à leur rendre plus accessible les métiers non traditionnels masculins.

En 2019, sur plus de 500 groupes professionnels, la région de l’Estrie comptait 251 métiers non traditionnels pour les femmes. Ce nombre serait sensiblement semblable pour l’ensemble du Québec.

Mais c’est quoi un métier non traditionnel?

Dès qu’un métier est composé de moins de 33% d’hommes ou de femmes, il est considéré comme non traditionnel. Il existe donc des métiers non traditionnels pour les femmes… mais aussi pour les hommes!

La distinction entre les deux?

Les métiers non traditionnels masculins, c’est-à-dire occupés majoritairement par des hommes, sont, de manière générale, mieux rémunérés que les métiers non traditionnels féminins et ils bénéficient généralement de meilleures conditions de travail (plus souvent à temps plein, plus d’avantages sociaux, plus de congés payés, assurances collectives, fonds de retraite, etc.). Voici quelques exemples tirés des statistiques officielles québécoises.

À diplôme équivalent, différences salariales marquées

Diplômes d’études professionnelles. Prenons le DEP en coiffure (typiquement féminin) et le DEP en mécanique automobile (typiquement masculin). En 2015, la moyenne salariale des coiffeuses/coiffeurs était de 18 000$/année… et de 42 000$/année pour les mécaniciens et mécaniciennes de véhicules motorisés.

Diplômes d’études collégiales. Le programme Techniques de bureautique permet de devenir adjoint.e administratif, une profession majoritairement exercée par des femmes et dont le salaire moyen était de 47 000$/année en 2015. À titre de comparaison, le programme Techniques de l’informatique mène à des professions telles que techniciens/techniciennes de réseau informatique (salaire moyen de 58 000$/année), programmeurs/programmeuses en médias interactifs (salaire moyen de 68 000$/année) et analystes de bases de données (salaire moyen de 76 000$/année), toutes des professions non traditionnelles pour les femmes.

Baccalauréats universitaires. Au Québec, bien que les femmes soient maintenant plus nombreuses que les hommes sur les bancs de l’université, elles ont tendance à se retrouver dans des formations en sciences humaines et sociales, plutôt que des formations en sciences de la nature, du génie ou de la technologie. L’écart salarial entre ces deux grandes catégories de formations peut être assez considérable. Par exemple, en 2015, les enseignant.e.s au préscolaire et au primaire avaient un salaire moyen de 66 000$/année comparativement à 83 000$/année pour les ingénieur.e.s civil.e.s.

Le fameux 15%

Le métier de peintre en bâtiment est le premier métier non traditionnel du secteur de la construction, dans l’ensemble du Québec, à avoir dépassé la masse critique de 15% de femmes (18,37% de femmes en 2019). Mais pourquoi s’attarder à ce 15%?

Leïla nous explique que dès qu’un métier non professionnel dépasse la barre des 15% pour le genre minoritaire, cette proportion tend par la suite à s’accroître rapidement. C’est ce qui aurait été observé par la recherche et c’est ce que des organismes comme le CIME visent d’abord comme transformation dans les secteurs d’activités où l’on trouve peu de femmes.

De nouveaux modèles professionnels

Selon Leïla, l’effet de levier de ce 15% s’explique par le nombre croissant de modèles féminins qui en découlent. À partir de ce point critique, les femmes et les jeunes filles risquent davantage d’être en contact avec des modèles professionnels féminins dans ces métiers non traditionnels, que ce soit à travers les médias ou dans leur entourage direct. Avoir une tante dans le domaine de la construction et pouvoir en apprendre plus sur son métier et sa passion, cela peut faire toute la différence dans un processus de choix de carrière.

Et ces nouveaux modèles professionnels ont aussi l’avantage de changer positivement la perception que peut avoir l’entourage des femmes, comme la famille et les amis, à propos des métiers non traditionnels. À l’adolescence, l’opinion des proches compte pour beaucoup dans le choix de carrière.

Un changement de culture au travail

De nombreuses femmes croient qu’elles ne sont pas toujours les bienvenues dans certains métiers non traditionnels, que leur présence dérange, qu’elles devront travailler plus fort que les hommes pour prouver qu’elles peuvent être aussi compétentes que les hommes ou que l’environnement de travail ne soit pas adapté pour elles. Dans le milieu de l’intervention en orientation, on appelle cela des croyances limitatives. La crainte de vivre du harcèlement psychologique ou sexuel est aussi une barrière assez commune pour les femmes qui songent s’orienter dans certains secteurs d’activité non traditionnels.

Dans certains secteurs d’activité, on pense notamment au domaine de la construction, au domaine du transport et au domaine de l’informatique, les préjugés négatifs à l’égard de la compétence des femmes sont effectivement tenaces. Il existe même, dans certains milieux, une culture de travail hostile à l’égard de la compétence des femmes :

«Une mécanicienne va réparer une voiture et il y a un collègue de travail qui va dire au client : “écoute, je vais repasser le char avec toi après, parce que c'est une fille, alors on sait jamais”. Mais c'est son collègue de travail et cette mécanicienne-là vit à tous les jours avec ce collègue de travail. Mais pourtant, elle est compétente et elle n'a jamais eu de plaintes sur son travail. Parfois ce sont les clients qui vont dire : “je veux que ce soit LE mécancien et pas toi. Peux-tu juste faire le ménage de mon char pendant que l'autre mécanicien va faire la job?”» 
-Leïla Rivard, conseillère d'orientation au CIME

Mais à partir de 15% de représentativité de femmes dans un secteur d’activité non traditionnel, elles seraient suffisamment nombreuses pour que la culture de travail puisse commencer à changer pour le mieux et que les préjugés des collègues masculins puissent commencer à tomber : on se rend compte qu’elles peuvent être aussi compétentes que les hommes.

De meilleures pratiques de recrutement

Les préjugés négatifs à l’égard des femmes se trouvent aussi du côté des employeurs, ce qui limite encore plus l’accès des femmes à certains métiers non traditionnels.

«Dans les métiers non traditionnels, il y a beaucoup de préjugés de la part des employeurs face aux femmes. Ils vont dire : “j'en ai déjà eu une femme et ça a mal été, donc je veux pu en embaucher d'autres”. Et après ça on va leur demander : “est-ce que ça a déjà été mal avec des hommes?” -Ah ouais ouais, il y avait lui que j'avais engagé et ça a été mal. -Alors, est-ce que tous les hommes sont comme ça?

Une partie de notre travail au CIME c'est vraiment de défaire tous ces préjugés-là qui mènent à la discrimination des femmes.»
-Leïla Rivard, conseillère d'orientation au CIME

Les préjugés ne sont pas toujours conscients de la part des employeurs. Le rôle du CIME est aussi de les aider à identifier les biais négatifs qu’ils ont à l’égard des femmes et qui peuvent nuire au processus de recrutement des femmes. Parfois, il suffit de changer le titre du poste pour y inclure le féminin. Écrire «camionneur / camionneuse recherché(e)» plutôt que simplement «camionneur», ça envoie un message clair que le milieu de travail accueille les femmes.

Dans d’autres cas, c’est la perception que l’employeur qui doit être modifiée. Sans s’en rendre compte, certains employeurs considèrent la femme comme étant trop fragile pour travailler dans leur milieu et ils adoptent une posture paternaliste à leur égard.

«Il y a des chefs d'entreprise en camionnage qui vont voir une femme en entrevue et ils vont se dire :  “Ben je le sais, cette petite fille elle va avoir mal au dos super vite”. Donc il va vouloir protéger la femme. l'aider en quelque sorte, et il va, au final, lui refuser le poste.»
-Leïla Rivard, conseillère d'orientation au CIME

Amélioration de la santé et de la sécurité au travail

Dans certains secteurs d’activité, comme la construction et le transport, il n’est pas rare de rencontrer une certaine culture de la virilité et de l’endurcissement. Pour ne pas paraître faibles, les hommes apprennent rapidement à ne pas se plaindre de certaines manières de travailler, même si celles-ci leur causent de l’inconfort, voire de la douleur. Le conformisme social, entre hommes, expliquerait en grande partie pourquoi ils osent moins nommer leurs besoins.

«Par exemple, l'outil de travail qui n'est vraiment pas adapté à la femme, plus vite elle va avoir mal et qu'elle va nommer qu'il y a quelque chose qui devrait être modifié. L'employeur demander aux hommes : “vous autres, vous en pensez quoi?” Soudainement, des hommes vont répondre : “moi aussi j'ai mal en faisant ça.” “Moi aussi je trouve qu'il va mal cet outil-là.” “C'est vrai que ça c'est rough.”  Le boss va répondre : “pourquoi vous ne me l'avez pas dit avant, on vous l'aurait changé avant!”»
-Leïla Rivard, conseillère d'orientation au CIME

L’arrivée des femmes dans les métiers non traditionnels, notamment la progression vers le fameux 15%, aurait permis à de nombreux secteurs d’activité, souvent grâce à l’intervention de la CNESST, des syndicats et de la Commission de la construction du Québec, d’améliorer leurs conditions de travail : avoir des outils et des espaces de travail plus ergonomiques, comme des tables qui peuvent s’ajuster en hauteur. Une entreprise de l’Estrie a même acheté une nouvelle flotte de camions au nez plus plat, spécifiquement pour attirer et mieux accommoder les femmes. Les hommes de plus petite taille en profiteront tout autant!

Toutes ces modifications dans l’organisation du travail ont un effet direct sur la capacité des femmes à se projeter, que ce soit comme premier choix de carrière ou lors d’une réorientation, dans des métiers «typiquement» masculins.

Pour en savoir davantage sur le sujet

La mixité en chantier (lien)

Concours Chapeau, les filles! (lien)

Gazette des femmes (lien)

L’écriture d’un premier roman et le métier d’écrivain : entretien avec Ellho

Machine à écrire noire

Cette semaine, j’ai eu la chance de m’entretenir avec Ellho, l’auteur derrière l’écriture du roman Mirifique. Ce livre, le premier de toute sa carrière d’écrivain, a si bien été reçu en France, en 2021, que celui-ci peut maintenant s’investir à plein temps dans l’écriture de son prochain livre. Le résumé de Mirifique se trouve à la fin de l’entretien.

Dans cet entretien, je m’intéresse particulièrement au parcours d’Ellho et à son processus d’écriture et de création. J’en profite également pour avoir son avis sur les dessous du métier d’écrivain et ses conseils pour les aspirants auteurs et auteures.

Un changement de parcours inattendu

DM : Pouvez-vous nous raconter brièvement votre parcours de vie et ce qui vous a amené à vouloir être écrivain?

L'auteur Ellho qui présente son roman Mirifique

Avant de devenir auteur à temps plein, je concevais des serveurs informatiques dédiés aux salles de cinéma pour particuliers. Pendant 10 ans, j’ai distribué ces bijoux technologiques en France et dans le monde. L’arrivée de Netflix et des différentes plateformes de streaming ont partiellement sonné le glas de mon métier.

J’ai saisi l’opportunité de commencer une nouvelle activité, en m’adonnant à mon autre passion, l’écriture. Déjà, à l’adolescence, je rédigeais des nouvelles et des poèmes, pour le plaisir.

Mes modèles sont entre autres Jules Verne, H. G. Wells, Isaac Azimov, George Orwell ou encore Oscar Wilde.

Comme auteur, le fantastique et la science-fiction m’inspirent et me permettent de parler des sujets de société actuels sous un angle différent et distrayant.

DM : Quel a été l’élément déclencheur pour vous lancer dans l’écriture de Mirifique, votre premier roman ? Et comment vous est venue l’idée de l’écrire?

Cela peut apparaître comme un cliché, mais c’est le rêve d’une cité magnifique qui m’a amené à écrire mon premier roman. Je me suis réveillé un matin avec la trame principale et une vision claire de l’histoire que je voulais conter.

Les dessous du métier d’écrivain

DM : Est-ce que la profession d’écrivain est comme vous vous l’imaginiez?

À vrai dire, je n’imaginais rien en particulier concernant la profession d’écrivain. Pour l’instant, je me vois davantage comme un auteur dont les objectifs consistent à rédiger des histoires pour divertir, faire rêver, amuser et si possible provoquer une réflexion chez le lecteur. Susciter l’ennui serait le pire.

DM : Avec le recul, quels sont les principaux obstacles que vous avez rencontrés lors de l’écriture de votre premier roman? Et qu’est-ce que vous auriez aimé savoir avant de vous lancer dans ce projet?

Quand on est auteur, le temps prend une dimension différente. Dans mon ancien métier, j’avais l’habitude de l’immédiateté à la fois dans la réalisation des serveurs et dans la vente. Écrire un roman demande de la patience, c’est un long travail souvent répétitif entre le premier jet et les nombreuses corrections.

J’aurais aimé en connaître davantage sur le monde de l’édition. (Il en est question plus loin).

DM : Du côté de la vie quotidienne de l’écrivain à temps plein que vous êtes, à quoi ressemble une semaine et une journée de typique de travail?

La plupart du temps, je travaille la nuit. En général, je me détends en écoutant de la musique, cela m’aide à imaginer des situations que je retranscris ensuite. Parfois, je rédige plusieurs chapitres de suite, à d’autres moments j’écris quelques phrases. Par contre, je reste totalement libre, sans m’imposer de rendement particulier, sans me fixer un nombre de mots ni de délais pour finir le roman. Je fais confiance à mon inspiration en attendant simplement qu’elle se présente à moi. Comme les idées peuvent survenir à n’importe quel moment, pour ne rien oublier, je les note immédiatement sur mon pc ou sur un carnet.

DM : Combien de temps vous a-t-il fallu pour écrire votre premier roman?

Entre le premier jet et les corrections, au moins cinq versions ont vu le jour avant le roman définitif. Mirifique m’a pris à peu près 6 mois.

DM : Comment vous êtes-vous senti lorsque vous avez terminé l’écriture de votre premier roman? Et qu’est-ce qui vous a amené à vouloir écrire un deuxième roman?

En tapant les derniers mots, je me souviens avoir été tiraillé entre un sentiment de joie intense, d’avoir achevé mon premier roman, et une profonde tristesse de quitter mes personnages. Après ce sentiment mélancolique vient l’envie de partager son récit et de connaître le ressenti du public.

Quelles sont les qualités et les compétences à développer et à cultiver lorsqu’on veut devenir un écrivain « professionnel »?

Le sens de l’à-propos, la persévérance, la patience, l’humilité, l’observation et une bonne écoute restent, pour moi, des qualités primordiales pour devenir écrivain professionnel.

Comment écrire un roman? Conseils et pièges à éviter

DM : Il existe différentes «méthodes» d’écriture pour penser un schéma narratif. Certains prônent des méthodes qui demandent une planification serrée de toutes les étapes du récit et de la biographie de chacun des principaux personnages, avant même de commencer à écrire. À l’autre extrême, il y a ceux et celles qui écrivent sans rien planifier, suivant leur intuition et leur inspiration. Vous vous situez où? À quoi ressemble votre processus d’écriture?

Je me situerais à la croisée de ces deux méthodes. Voilà comment je procède, j’établis d’abord un résumé de mon histoire, je compose ensuite une structure de la trame avec le nombre de chapitres et leurs titres (souvent temporaires). Pour chaque personnage, j’écris des fiches complètes avec leurs noms, leurs caractères et leurs particularités. Par la suite, je me tiens au plan, en laissant libre cours à l’inspiration pour le reste. Pendant la rédaction de Mirifique, je voyais les scènes comme on regarde un film, puis je décrivais ce que j’avais visionné mentalement.

DM : On dit que la lecture est la principale arme de l’écrivain. Pourtant, on entend parfois des aspirants écrivains dénigrer ou éviter la lecture de romans, par peur de perdre leur «style» en raison de l’influence desdits romans. Que pensez-vous de cette affirmation?

En période d’écriture, j’évite de lire, non pas par peur de perdre mon style, mais plutôt pour garder ma trame en tête sans distraction externe. Cependant, je fais parfois des exceptions, comme avec le roman «Les chats retombent toujours sur leurs pattes» de Serena Davis qui m’a permis de m’aérer l’esprit.

DM : D’après votre expérience personnelle, quels sont les pièges à éviter dans l’écriture d’un premier roman?

Écrire avec une grande sincérité, sans vouloir se donner un style ou en copier un autre, mais en respectant ses convictions, sa vision et sa vérité. Et toujours, penser aux lecteurs avant de penser à son égo.

Concernant le monde de l’édition, si un auteur décide de signer avec une maison, il devra faire attention à la nature du contrat. Le seul contrat intéressant reste celui à «compte d’éditeur». Dans ce cas, l’auteur ne débourse rien, c’est l’éditeur qui prend le risque de sortir le roman parce qu’il croit en son potentiel. Si une quelconque somme est demandée, ce n’est pas un contrat d’éditeur, mais un contrat à compte d’auteur déguisé. Quel que soit le choix de l’auteur, il devra patienter plusieurs mois pour obtenir une réponse de la part d’une grande maison d’édition contre quelques semaines pour une plus modeste.

Voici le résumé officiel du livre Mirifique

«Quatre vingtenaires, aux caractères très différents mais à l’amitié indéfectible, découvrent, le temps d’un week-end en Écosse, «Mirifique», une machine extraordinaire inventée par Darchir Stein et Herbert James Wall en 2058. À quoi sert cette étrange machine ? Suivez Madison Kinnear, la rouquine à la langue bien pendue, Krystal Hay, la femme fatale, le sage Edan Smith et Damian Gunn, l’impétueux séducteur, dans leurs aventures aux multiples rebondissements.»

Vous pouvez vous procurer le roman Mirifique en cliquant sur ce lien d’affiliation.

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Première de couverture du roman Mirifique

La dette étudiante au Canada et ses conséquences sur les diplômés

Cinq étudiants de dos qui marchent

Au Canada, la moitié (50%) des diplômé.e.s du collégial ou de l’université sont endettés une fois leur formation terminée. Et l’endettement médian tourne autour de 17 500$ ! C’est ce que nous permet d’apprendre une étude récente de Statistique Canada sur le sujet, publiée en 2020, mais portant sur des données de 2000 à 2015.

Quand on parle de dette d’études, on réfère aux prêts étudiants, qu’ils proviennent d’instances gouvernementales ou privées.

Quel type de diplôme risque le plus d’endetter?

Bien entendu, l’endettement dépend du type de diplôme et du domaine d’études. À votre avis, au Canada, quel est le type de diplôme et le domaine qui produit le plus d’endettement? Roulement de tambour… ce sont les diplômes universitaires, de type professionnel, du domaine de la santé : médecine, médecine dentaire, médecine vétérinaire, optométrie, pharmacie, etc.

Au Canada, la dette médiane des personnes détenant diplôme universitaire de type professionnel du domaine de la santé s’élevait à 60 300$ en 2015, soit presque le double de ce que la dette était en 2000 (39 800$)! À titre de comparaison, la dette médiane des titulaires d’un diplôme du collégial tournait autour de 11 500$ en 2015 et elle avoisinait les 20 000$ chez les titulaires d’un baccalauréat et d’une maîtrise. La dette médiane des détenteurs d’un doctorat frise les 25 000$.

Tableau de Statistique Canada qui présente la dette d'études médiane de 2000 à 2015 pour les différents diplômes du postsecondaire

Comme on peut le voir dans ce tableau produit par Statistique Canada, la dette médiane pour les diplômes autres que celui du doctorat a très peu changé en 15 ans.

Le Québec se distingue des autres provinces canadiennes

La dette étudiante moyenne au Québec

Au Québec, toujours en 2015, l’endettement étudiant selon le type de diplôme est relativement semblable, à l’exception du diplôme d’études collégial et du baccalauréat, où la dette d’études moyenne est plus basse que pour la moyenne du Canada. La dette d’études tourne ainsi autour de 10 000$ pour le diplôme collégial (11 467$ au Canada) et autour de 16 000$ pour le baccalauréat (20 004$ au Canada). C’est ce que révèle une récente analyse (2021) de la Chaire-Réseau de recherche sur la jeunesse du Québec.

Les cégeps, établissements scolaires uniques au Canada

Selon moi, cette disparité s’explique en grande partie en raison de l’existence des cégeps (collèges d’enseignement général et professionnel), des établissements scolaires qui dispensent des formations de premier niveau d’éducation postsecondaire, à faible coût, comparativement aux formations universitaires. Les cégeps furent instaurés au Québec en 1967 et aucune autre province canadienne ne possède une telle institution au sein de son système scolaire.

Des droits de scolarité relativement bas

L’autre raison principale de cette disparité concerne le choix historique du Québec, depuis le rapport Parent publié dans les années 1960, de démocratiser l’accès aux études supérieures au plus grand nombre. Encore aujourd’hui, les droits de scolarité dans les universités québécoises sont parmi les plus faibles dans l’ensemble du Canada.

À titre d’exemple, pour 2021-2022, au Québec les droits de scolarité (+ autres frais obligatoires) coûtent en moyenne 4 310$/année dans les programmes universitaires de premier cycle, tandis que la moyenne canadienne s’élève à 7 695$/année. La Nouvelle-Écosse gagne le prix des droits de scolarités les plus élevés, avec un montant de 10 039$/année au premier cycle universitaire. Les données sont tirées de Statistique Canada.

Les conséquences de l’endettement étudiant

Avant d’en arriver aux conséquences négatives de l’endettement étudiant, il faut savoir que l’accès à des prêts étudiants est considéré par plusieurs instances gouvernementales comme un tremplin vers les études supérieures. En effet, pour les moins nantis, la possibilité d’obtenir des prêts étudiants faciliterait d’une part leur accès aux études universitaires, et, d’autre part, favoriserait leur persévérance scolaire jusqu’à l’obtention du diplôme, car ils auraient moins à se soucier de leurs finances pendant leurs études.

Mais ce scénario idéal est bien entendu conditionnel à ce que l’étudiant.e ne se retrouve pas en situation de surendettement pendant ses études… ce qui transforme alors le projet d’étude en véritable boulet d’anxiété!

Voyons maintenant ce que nous dit l’analyse L’endettement étudiant au Québec. Des réflexions à l’égard de la littérature existante à propos des conséquences de l’endettement étudiant.

Une personne regarde des factures, un stylo à la main, entourée d'une calculatrice et d'un ordinateur portable.

Le surendettement

De nombreux programmes universitaires débouchent à des professions très payantes. On n’a qu’à penser aux psychologues, aux ingénieurs, aux informaticiens, aux actuaires… La liste est très longue. Or, certains programmes, surtout ceux de sciences humaines et sociales, n’offrent pas les mêmes possibilités d’emploi. Et pourtant… le coût des études est parfois sensiblement le même!

Ainsi, certains finissant.e.s n’arrivent tout simplement pas à décrocher un emploi leur apportant un gain économique suffisant pour concilier le paiement de leur dette d’étude et la matérialisation de projets de vie typique chez les jeunes adultes : fonder une famille, acheter une première maison, etc. Sans oublier l’anxiété que peut générer le surendettement… pouvant même se transformer en dépression!

D’ailleurs, saviez-vous que selon la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, il n’est pas possible, dans le cadre d’une faillite personnelle, de se délester de ses dettes d’études pendant sept ans suivant la fin des études? Le gouvernement offre néanmoins des moyens pour diminuer le fardeau du paiement de la dette d’études pour ceux et celles qui se trouvent dans des conditions précaires (ex. : le Programme de remboursement différé).

Une influence sur le choix de carrière

Une stratégie déployée par les étudiant.e.s pour éviter de se retrouver en situation de surendettement après leurs études consiste à s’inscrire dans des programmes plus courts et qui débouchent à des emplois plus payants. En soi, il n’y a rien de mal là-dedans. Il s’agit d’un calcul coût-bénéfice tout à fait responsable. J’y vois toutefois un double problème. Je vous explique.

D’abord, il se pourrait qu’en ne faisant un choix de carrière qu’en se basant sur les freins financiers, une personne passe carrément à côté d’une profession dans laquelle elle pourrait s’épanouir, autant professionnelle que personnellement. C’est-à-dire une profession en parfait accord avec ses intérêts, ses valeurs et ses forces. La satisfaction en emploi, ce n’est pas simplement positif pour le bien-être personnel, c’est aussi bénéfique pour l’employeur!

En choisissant un programme simplement pour des raisons financières, il y a le risque de former des travailleurs et des travailleuses qui se sentent moins interpellés dans leur travail. À long terme, cela peut mener à une perte d’implication dans le milieu de travail, à une baisse de productivité, voire à une forme de présentéisme. À mon avis, tout le monde est perdant dans ce type de situation.

Si vous êtes encore ici, c’est que cet article vous a plu! Si c’est le cas, écrivez-moi un petit mot en commentaire pour me signifier votre intérêt! Je compte bien écrire, dans les prochains mois, d’autres articles sur les études universitaires.

Pandémie et choix de carrière, un cocktail explosif pour les étudiants

Des étudiants sont assis à une table et travaillent avec leurs portables

On connaît tous une personne (il s’agit peut-être de toi?) dont la vie a été chamboulée pendant la pandémie. Anxiété généralisée, dépression, épuisement professionnel, dépendances… L’imprévisibilité du déroulement de la pandémie, l’insécurité financière et la solitude occasionnée par le confinement ont fait grimper en flèche les problèmes de santé mentale dans la population. C’est ce que nous confirme de plus en plus de recherches sur le sujet.

Ce fut aussi l’occasion, pour beaucoup d’entre nous, de remettre en question notre mode de vie, nos priorités… et notre travail! «Suis-je vraiment satisfait au travail?» «Est-ce que je m’y sens utile?» «Est-ce que je travaille trop?».

En tant que spécialiste en orientation professionnelle, mon intuition me disait que la pandémie allait sûrement avoir des effets tangibles sur le choix de carrière des jeunes. Et c’est bien ce que révèle la nouvelle étude d’Academos sur le sujet. J’ai donc décidé de vous résumer, en quelques points, les principaux résultats de cette étude intitulée Impact de la pandémie sur le choix de carrière des étudiants québécois et canadiens.

Près de 3200 étudiant.e.s québécois.es de 14 à 30 ans ont répondu au sondage réalisé par Academos. Ce n’est pas rien!

Je vous présente ici quelques faits saillants de l’étude, ceux qui ont le plus attiré mon attention.

1 étudiant sur 2 pense davantage à son choix de carrière

Depuis la pandémie, 52% des étudiant.e.s québécois.es ont davantage réfléchi à leur choix de carrière. Cette statistique est assez impressionnante, bien qu’assez prévisible. Pendant la pandémie, on a vécu, à grande échelle, un phénomène assez exceptionnel, celui de la suspension du temps, de son ralentissement : confinement, cours à distance, retour progressif en classe, impossibilité de retourner travailler dans son emploi étudiant (ex.: en restauration). Le temps, vécu subjectivement, a basculé radicalement pour plusieurs.

Par conséquent, de nombreux jeunes étudiant.e.s se sont retrouvés plus seuls qu’ils ne l’ont jamais été, mais aussi davantage au ralenti, sans devoir être investis dans une multitude d’activités comme cela leur était coutume. Ce ralentissement soudain du temps, mais aussi l’isolement, auraient permis aux jeunes de prendre du temps pour soi ET du temps pour réfléchir sur eux-mêmes. «Quels sont vraiment mes intérêts? » « Qu’est-ce que je valorise dans la vie? » « Quel type d’avenir professionnel je souhaite avoir?»

Une femme regarde à travers une fenêtre et on y voit son reflet
«J’ai pu prendre plus de temps pour réfléchir aux choses qui m’intéressent. Avant la pandémie, j’étais très occupée. J’avais beaucoup d’activités parascolaires. J’avais l’école et je n’avais jamais de temps pour moi. Je pensais rarement au futur ou aux métiers qui m’intéressaient. Mais quand il a fallu s’isoler à la maison, j’ai pu finalement considérer ce que je voulais faire comme métier.» -Citation provenant de l'étude Academos.

Et avec l’ébranlement de plusieurs grands secteurs de l’économie – on n’a qu’à penser à l’industrie du tourisme, de la restauration, de la culture et des arts – plusieurs étudiant.e.s ont aussi commencé à remettre en question des choix de carrière pris antérieurement ou tout simplement à remettre en question leur formation actuelle. Les effets d’éventuelles pandémies, dans un avenir prochain, sont maintenant pris en compte par les étudiant.e.s.

2 étudiants sur 5 sont plus anxieux vis-à-vis leur choix de carrière

Pour être plus exact, 42% des étudiant.e.s québécois.es disent être plus anxieux quant à leur choix d’orientation depuis le début de la pandémie. De plus, 44% se disent inquiets(ètes) face à leur avenir professionnel en raison de la pandémie. Ces résultats sont préoccupants, sachant que la santé mentale des jeunes fut durement touchée pendant la pandémie en raison de l’isolement (dépression, anxiété, troubles alimentaires). Cela ne fait qu’ajouter à la complexité des difficultés psychologiques que peuvent vivre les jeunes.

En somme, les étudiant.e.s ont davantage réfléchi à la direction professionnelle à envisager dans les prochaines années, mais cette réflexion est souvent assortie de craintes et d’anxiété face à l’avenir. Surtout dans un contexte où des secteurs d’emploi doivent entièrement se réinventer. En raison du contexte de l’école en virtuel, plusieurs ont vu leur motivation et leurs résultats scolaires chuter, entrainant du même coup de l’anxiété quant à la possibilité d’entrer dans certains programmes contingentés. Pris de court, plusieurs étudiant.e.s se voient forcés de réfléchir à un autre choix de carrière, à un plan B.

«J’ai peur de ne pas réussir à entrer dans le programme qui m’intéresse à l’université à cause du manque de motivation. Donc, je suis très inquiète par rapport au fait de me voir dans l’obligation de faire un choix de carrière qui ne correspond pas totalement.» -Citation tirée de l'étude d'Academos.

Le choix de carrière étant déjà une source d’anxiété lors de l’adolescence et de l’entrée dans la vie adulte, on se rend compte à la lecture de ces résultats que le choix de carrière est devenu un enjeu fondamental pour bien des jeunes. Pourtant, à ma connaissance, en date d’aujourd’hui aucune mesure d’envergure n’a été mise en place par le gouvernement québécois pour accompagner les jeunes dans leurs choix d’orientation (écrivez-moi en commentaires si jamais j’ai tort). De telles mesures seraient aussi bonnes pour l’économie que pour la santé mentale et émotionnelle des jeunes et de leur famille.

1 étudiant sur 2 n’a plus la même vision du monde du travail

Plusieurs personnes assises à l'extérieur regardent leur téléphone portable

En raison de la pandémie, 44% des étudiant.e.s québécois.es n’ont plus la même perception du monde du travail. Et parmi ceux-ci, près d’une personne sur deux (45%) en a une image plus négative qu’avant la pandémie, comparativement au 5% qui en ont une image plus positive. Le marché du travail n’est pas aussi sécuritaire et stable qu’ils ne le pensaient. Et certains emplois sont plus stressants ou monotones qu’ils ne le croyaient.

Mais ce qui semble le plus avoir changé chez les jeunes, depuis la pandémie, c’est la manière de penser les emplois et d’appréhender le marché du travail. Les jeunes ont acquis de nouvelles manières de catégoriser les emplois.

«Je n’avais jamais vu le monde du travail divisé en catégories d’emplois essentiels et non essentiels. Je ne suis pas d’accord avec la catégorisation de certains domaines comme non essentiels. J’ai aussi remarqué à quel point l’éducation et la santé sont des domaines qui ont été précarisés, chose qui m’attriste beaucoup.» -Citation tirée de l'étude d'Academos.

En effet, pour de nombreux étudiant.e.s, il existe maintenant des emplois essentiels et des emplois qui ne le sont pas. Et il existe des emplois qui sont valorisés par le gouvernement et d’autres qui ne le sont pas. Il s’agit d’une conséquence indirecte des décisions gouvernementales visant à fermer certains secteurs de l’économie lors du confinement.

Pour plusieurs, cette nouvelle représentation du marché du travail a été déterminante dans leur choix de carrière. En effet, près d’un étudiant québécois sur cinq (22%) a changé de choix de carrière en raison de la pandémie. Les résultats de l’étude d’Academos ne permettent pas de déterminer avec précision la nature de ces nouveaux choix, mais il se pourrait bien que plusieurs jeunes se soient détournés de certains domaines essentiels pour la société (la santé!), qui souffrent en ce moment, et dans les années à venir, d’une importante pénurie de main-d’œuvre.


Je n’ai présenté ici que quelques grands résultats de l’étude d’Academos Impact de la pandémie sur le choix de carrière des étudiants québécois et canadiens . Je vous encourage à la consulter en entier pour en savoir plus sur l’impact de la pandémie sur les choix d’orientation des étudiant.e.s québécois et canadiens.