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Intervenant en soins spirituels : contours d’une profession en mutation

Visage triste d'un vieille homme blanc. On y voit quelques larmes.

Dans le système de soins de santé du Québec, l’intervenant en soins spirituels fait partie, depuis 2011 seulement, de la grande famille des professionnels de l’accompagnement en soins palliatifs. Le patient en fin de vie est envisagé comme un être humain dans sa globalité, ayant le droit fondamental de profiter et de goûter pleinement, et ce avec respect et dignité, aux derniers jours de son existence.

Précision importante : l’intervenant en soins spirituels peut également intervenir à tout moment dans le parcours de soins d’un patient, au moment de l’annonce d’une maladie, par exemple.

Bien que la profession d’intervenant en soins spirituels commence à être couverte par les médias (voir ces articles de La Presse et de La Tribune), il s’agit d’une profession encore assez méconnue du grand public dans sa forme actuelle, en plus d’être en proie à des stéréotypes et des préjugés négatifs. Non, il ne faut pas être prêtre ou religieux pour pouvoir exercer cette profession (un peu plus sur son historique ici).

Entretien avec Martin Paquette, intervenant en soins spirituels depuis près d’une dizaine d’années.

Le rôle de l’intervenant en soins spirituels en bref

L’intervenant en soins spirituels, explique Martin, aide les personnes en fin de vie ou celles atteintes d’une importante maladie à les mettre en relation avec leurs points de repère existentiels, lesquels ont tendance à être ébranlés à ce moment même de leur existence. Le rôle de l’intervenant en soins spirituels est alors d’aider la personne souffrante à se reconnecter à ses propres points de repère, à ce qui est sacré pour elle, afin qu’elle puisse se sentir vivante et animée de l’intérieur (cliquer ici pour sa définition de la spiritualité).

Selon cette perspective du soin, les gens ne sont pas seulement un corps, ils ont un esprit et il faut s’en occuper:

« Si la personne n’est plus là sur le plan de l’esprit, le rétablissement sera plus difficile. Ça prend des sources de sens, ça prend un but, ça prend un projet pour se lever de son lit d’hôpital et d’essayer de vivre avec la maladie. »

-Martin Paquette, intervenant en soins spirituels

Le parcours professionnel de Martin

Après quelques années en tant que conseiller d’orientation, Martin réalise que ce qui le fait le plus vibrer au travail, c’est d’accueillir les gens dans leurs difficultés et de les aider à mieux se connaître, à se découvrir profondément en tant qu’être humain.

Relation d’aide et connaissance de soi, il en mange, comme on dit. Tout le contraire de la dimension plus concrète ou technique de l’orientation et du développement de carrière (ex.: plan d’action, tests psychométriques, recherche d’information).

C’est dans une période de grande remise en question professionnelle que Martin apprend qu’il existe dans les hôpitaux des personnes dont la fonction est d’accompagner spirituellement les patients grandement malades, généralement en situation de fin de vie mais pas uniquement, tout en les aidant à trouver un sens à leur existence.

« L’orientation professionnelle et soins spirituels, on est pas si loin que ça. On est dans la question du sens, donner le sens à notre vie, trouver quelque chose qui nous branche », explique Martin en se remémorant son parcours professionnel.

Photo de Martin Paquette, intervenant en soins spirituels au Québec

Martin Paquette, intervenant en soins spirituels

Ce qui le surprend par-dessus tout, c’est la nature des traitements offerts par les intervenants en soins spirituels. Ceux-ci s’intéressent d’abord et surtout à la spiritualité, au sens large, de la personne qui souffre. « Nous, on prend en considération que la dimension spirituelle est inhérente dans chaque être humain, que tu sois athée ou non. C’est quelque chose à prendre soin », précise Martin.

Par conséquent, la dimension religieuse de la spiritualité devient optionnelle et l’intervenant en soins spirituel peut s’adapter, le cas échéant, aux besoins religieux des patient.e.s. Cet aspect de la profession l’interpelle particulièrement :

« La spiritualité était une dimension qui était aussi importante pour moi, pas nécessairement sur le plan religieux, mais sur un plan plus global que ça. »

Martin Paquette, intervenant en soins spirituels

Qu’est-ce que la spiritualité du point de vue des intervenants en soins spirituels

Mais comment définir la spiritualité? Martin m’explique que personne, sur le plan théorique, ne s’entend encore sur une même définition de la spiritualité. Il existerait ainsi autant de définitions qu’il y a d’auteurs. Or, de façon beaucoup plus générale, la spiritualité renvoie à nos points de repères dans la vie, en particulier à ce qui est sacré dans notre vie, ce qui nous anime intensément intérieurement.

Ce sacré, ou ces points de repères, continue Martin, diffèrent grandement d’une personne à l’autre. Pour certains, il peut s’agir d’aspects très « concrets » de la vie quotidienne, comme la famille, les enfants ou le travail. Pour d’autres, plus proches du religieux, la spiritualité peut correspondre à un besoin de transcendance de l’existence (Paradis, réincarnation), à travers des figures religieuses ou mystiques (Dieu, Buddha).

En résumé, pour Martin la spiritualité se rapporte à tous les éléments dans une vie qui nous connectent à quelque chose de plus grand que soi. Qu’est-ce qui m’élève dans la vie? Qu’est-ce qui m’aide à me transformer intérieurement comme personne? Qu’est-ce qui m’aide à sentir que je suis plus qu’un simple corps?

Au sein de l’hôpital, le rôle des intervenants en soins spirituels est justement d’aider la personne souffrante à se (re)connecter avec sa partie intérieure. Cet aspect de l’existence du malade serait parfois mis en veilleuse dans un contexte où le personnel soignant s’intéresse et s’occupe surtout du corps :

« Ça c'est super important quand tu es malade en fin de vie à l'hôpital. Pour bien des gens, ils sentent juste qu'ils sont un corps malade. Et tous les professionnels qui sont à ton chevet, c'est pour s'occuper de ton corps, surtout. On regarde le morceau qui ne va pas bien. Notre travail c'est d'aider la personne à réaliser qu'ils sont beaucoup plus que leur maladie, beaucoup plus que leurs blessures. On les aide à se reconnecter à une dimension plus globale, plus complète. »
-Martin Paquette, intervenant en soins spirituels

Dans une chambre d'hôpital, une patiente est couchée sur un lit et discute avec un médecin, assis juste à côté d'elle.

Le travail et les tâches des intervenants en soins spirituels

  1. Accompagner sans diriger
  2. Prendre le temps nécessaire
  3. Ne pas forcer la spiritualité
  4. Intervenir sur les croyances spirituelles qui causent de la souffrance
  5. Ratio de patients à rencontrer
  6. Intervenir auprès de la famille et des proches

1) Accompagner sans diriger

Au Québec, l’un des courants de pensée dans l’intervention en soins spirituels, à lequel adhère Martin, consiste à accompagner sans diriger les personnes en fin de vie, à « marcher avec ». La spiritualité est alors envisagée comme une fin en soi. L’accompagnement en soins spirituels est intimement lié au processus de deuil du patient.

Par conséquent, la fonction de l’intervenant en soins spirituels n’est pas d’utiliser la spiritualité, de prime abord, pour régler un problème de santé du patient.

Voici comment Martin décrit sa pratique et ce qui l’a tout de suite attiré au sein de cette profession.

« Il y avait tellement une simplicité dans l’intervention. C’est-à-dire tu vas au chevet du patient, tu t’assois avec lui. Tu ouvres un espace avec lui pour que la personne puisse se raconter. Il n’y a pas de plan précis. Tu ne cherches pas à l’amener à quelque part nécessairement. Tu fais juste travailler avec ce qui est là. Tu l’écoutes et tu l’aides à cheminer dans ce qu’il vit. Ça m’a tout de suite attiré, parce que c’est non directif, je n’ai pas à l’amener à quelque part. J’ai juste à marcher avec lui. »

-Martin Paquette, intervenant en soins spirituels

2) Prendre le temps nécessaire

Le temps est un aspect fondamental de l’intervention en soins spirituels.

À la manière des thérapies psychologiques, les bienfaits de l’accompagnement des intervenants en soins spirituels prennent généralement du temps avant de se faire sentir. Cela peut se faire sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Pour Martin, il s’agit d’une composante non négligeable – voire non négociable – dans l’intervention en soins spirituels:

« Moi ce que je défends, c’est la liberté du temps qu’on prend avec un patient. Il y en a avec qui on va prendre 15 minutes. Il y en a que ça va prendre une heure. C’est variable. Les besoins sont différents pour chacun. Il y en a qui ont besoin de parler plus que d’autres. »

-Martin Paquette, intervenant en soins spirituels

En soins spirituels, l’idée de « prendre le temps » c’est surtout dans l’objectif que le patient sente que son histoire est suffisamment importante pour qu’elle puisse être entendue. Le message c’est : « vous êtes important; ce que vous vivez c’est important ». Et ça apporte aussi une détente de raconter son histoire sans sentir qu’on doit se dépêcher.

« Aussi, les patients voient passer tellement de professionnels différents à leur chevet; ça va vite et ces derniers n’ont pas nécessairement le temps de vérifier de long en large comment va le patient sur le plan moral. Nous oui. »

Martin Paquette, intervenant en soins spirituels

L’intervenant en soins spirituels doit dans un premier lieu prendre le temps d’établir une relation de confiance avec le patient: se présenter, expliquer son rôle, apprendre connaître la personne souffrante dans sa globalité, au-delà de son corps et de sa maladie.

Ce n’est que petit à petit que l’intervenant peut bien cerner les besoins spirituels du patient. Ce n’est qu’à partir de ce moment que celle-ci se sentira à l’aise de s’ouvrir et d’échanger à propos de sa vie, de la mort et, directement ou indirectement, de spiritualité. De ce qui est sacré pour elle.

Enfin, Martin explique qu’on ne peut pas pousser les personnes en fin de vie à vivre plus rapidement leur processus de deuil : « On peut soulager la personne, mais on ne peut pas aller plus vite qu’où elle est rendue sans son processus ».

Il s’agit d’un processus qui se vit dans le temps et de manière subjective. Chaque personne a son propre rythme et ses propres révélations.

3) Ne pas forcer la spiritualité

Il est important de préciser que l’intervenant en soins spirituels respecte les croyances et les besoins des personnes en fin de vie qu’il rencontre au quotidien. Il n’est pas rare que certaines personnes expriment ne pas avoir besoin d’accompagnement spirituel, et ce pour différentes raisons (ex.: besoin déjà comblé, méfiance envers tout ce qui concerne la spiritualité ou la religion).

Ainsi, l’intervenant en soins spirituels se doit en tout temps de respecter les souhaits des patients et ne pas « forcer » un accompagnement spirituel qui n’est pas désiré.

4) Intervenir sur les croyances spirituelles qui causent de la souffrance

Dans le cadre de son travail, bien que son approche soit non directive (voir plus haut), Martin encadre ses interventions à l’aide d’une grille d’évaluation de l’état du patient. À titre d’exemple, on y évalue le coping spirituel.

Le coping spirituel

Le coping spirituel correspond aux ressources et stratégies spirituelles que la personne en situation de fin de vie possède pour faire face aux épreuves existentielles ou pour faciliter son processus de deuil et d’acceptation de sa maladie. Le rôle de l’intervenant en soins spirituels est d’aider le patient à identifier ces ressources et à l’accompagner dans le développement et la mise en pratique de celles-ci.

Le recadrage des croyances

Chez le patient, est-ce qu’il y a un problème sur le plan spirituel?

Voici un autre aspect à considérer dans l’intervention en soins spirituels. En effet, selon l’expérience de Martin, il y en a pour qui la spiritualité vient véritablement soutenir le processus d’acceptation de la maladie, mais d’autres pour qui la spiritualité peut au contraire nuire à ce processus et même générer une grande souffrance.

Martin donne l’exemple d’un patient qui croyait que son cancer était la décision de Dieu, qu’il s’agissait d’une forme de punition pour ses péchés.

L’intervenant en soins spirituels peut donc être amené à recadrer certaines croyances spirituelles ou religieuses, s’il juge que cela peut apaiser sa souffrance. Ce recadrage se fait toujours dans le respect de la personne et de ses croyances. Ce professionnel doit ainsi faire preuve de jugement, tout en prenant bien soin de ne pas imposer ses propres croyances spirituelles aux personnes qu’il accompagne.

Le recadrage des croyances spirituelles doit être réalisé de façon progressive, de sorte à ne pas bouleverser le système de croyances de la personne traitée.

La mobilisation de connaissances en théologie et en science des religions

La formation en soins spirituels inclut une large composante dédiée aux connaissances en théologie et en sciences des religions. Les intervenants en soins spirituels détiennent des savoirs sur les différents grands courants religieux, tout comme ils connaissent les différentes perspectives de celles-ci (ex.: catholiques vs protestants).

La théologie devient alors un puissant outil pour comprendre les croyances religieuses des patients en fin de vie. Les connaissances théologiques servent également à recadrer les croyances spirituelles à la source de souffrance. À titre d’exemple, ces connaissances permettent d’élargir la perspective « négative » qu’un croyant pourrait avoir du concept de Dieu: celui-ci possède également des attributs plus positifs, comme la compassion, l’altruisme, la miséricorde.

Les croyants peuvent également vivre d’importants dilemmes éthiques associés à leurs croyances religieuses, ce qui n’est pas sans susciter une profonde anxiété. Martin me donne l’exemple de ce questionnement d’un patient: « j’aimerais arrêter la dialyse, mais si j’arrête, est-ce que ce sera considéré comme un suicide dans ma religion? Est-ce que je vais aller en enfer? ».

Le rôle de l’intervenant en soins spirituels est alors d’accompagner le patient dans ses réflexions éthiques, d’où l’importance qu’il possède une assez bonne culture générale en théologie et en sciences des religions.

Les connaissances en théologie de l’intervenant en soins spirituels, ainsi que sa sensibilité toute particulière aux croyances spirituelles et religieuses, sont des atouts dans une équipe médicale. Au besoin, celui-ci peut éclairer l’équipe médicale quant aux raisons, sur le plan des croyances religieuses, qui amènent une personne à refuser un traitement ou à être transférée en soins palliatifs.

« Il y a des patients qui sont dans l’attente d’un miracle, d’une intervention divine. Ils sont en attente. Ils ne veulent pas aller en soins palliatifs parce que Dieu va les guérir. »

-Martin Paquette, intervenant en soins spirituels

5) Ratio de patients à rencontrer

Combien de patients l’intervenant en soins spirituels rencontre-t-il chaque jour? Il s’agit d’une question délicate, car chaque hôpital a ses propres règles et exigences en matière de soins spirituels.

Dans le cas spécifique de Martin, il rencontre en moyenne de six à sept patients au quotidien.

Selon Martin, le ratio d’un hôpital peut jouer directement sur la qualité des soins spirituels offerts aux personnes rencontrées. Lorsque le ratio est trop élevé, on doit nécessairement écourter des rencontres.

6) Intervenir auprès de la famille et des proches

Au moment du décès d’un patient, l’intervenant en soins spirituels devient en quelque sorte un point de repère pour la famille et les amis qui sont présents dans la chambre de la personne décédée.

Si certaines familles vivent bien avec la mort, d’autres, explique Martin, peuvent être plus intenses et vocables. Dans ces moments, le rôle de l’intervenant est d’être celui qui comprend ce qui se passe dans la pièce et qui va chercher les membres de la famille qui ont besoin d’être accompagnés.

« Il faut être capable d’avoir une lecture de ce qui se passe et de faire les bonnes interventions pour faire le plus de bien possible dans une situation qui est souffrante. »

-Martin Paquette, intervenant en soins spirituels

Et il y a des familles qui ont de la difficulté à s’imaginer laisser partir la personne aimée, ajoute Martin. Auprès de celles-ci, l’accompagnement en soins spirituels peut parfois s’étaler sur plusieurs semaines pour les aider à cheminer dans leur processus de deuil.

Bien entendu, l’intervenant ne force jamais la main aux membres de la famille qui veulent cheminer par eux-mêmes.

Cinq compétences clés de l’accompagnement en soins spirituels

  1. La maîtrise de compétences relationnelles
  2. La connaissance de principales pratiques religieuses et spirituelles
  3. La capacité à se questionner par rapport à sa propre spiritualité
  4. Être confortable avec la souffrance d’autrui et la mort
  5. La capacité à s’adapter à des situations et des contextes variés

1) La maîtrise de compétences relationnelles

Pour Martin, une intervention réussie en soins spirituels passe nécessairement par une bonne maîtrise des principales compétences relationnelles, telles que l’empathie, l’écoute active et la capacité à créer un lien de confiance.

Selon lui, les personnes vulnérables ont surtout besoin de se sentir écoutées, véritablement, sans jugement aucun. Ils ont besoin de se sentir en présence d’une personne qui ne représente aucune menace, une personne qui leur fait du bien de sa simple présence.

À ce propos, Martin reconnaît que ses études orientation professionnelle à l’Université de Sherbrooke, en particulier le counseling, fut complémentaire à sa formation en théologie. Il a pu y développer des compétences relationnelles qui rendent ses interventions en soins spirituels plus humaines et efficaces.

2) La connaissance de principales pratiques religieuses et spirituelles

Comme on l’a vu plus haut, l’intervenant en soins spirituels est aussi formé pour s’adapter aux besoins religieux des patients, comme la possibilité de leur donner un temps de prière, un temps de méditation. Martin affirme que la maîtrise en soins spirituels forme les futurs professionnels aux grandes traditions religieuses et spirituelles. Les connaissances en théologies y ont donc une grande place.

3) La capacité à se questionner par rapport à sa propre spiritualité

Pour pouvoir intervenir de manière le plus neutre possible, l’intervenant en soins spirituels doit avoir préalablement – et tout au long de sa pratique – fait un véritable travail d’introspection quant à sa propre spiritualité. Il a la responsabilité de se positionner par rapport aux grandes questions existentielles et spirituelles, ce qui nécessite une certaine sensibilité et curiosité relativement à celles-ci.

L’intervenant en soins spirituels est tenu d’être au clair avec ses biais spirituels, comme les préjugés et stéréotypes qui composent son système de croyances, afin que ces biais affectent le moins possible ses interventions auprès des patients en fin de vie:

« Guider, c’est arriver à se mettre entre parenthèses, lorsqu’on est avec un patient et ne pas imposer quoi que ce soit. C’est pour ça que c’est important d’être au clair avec sa propre spiritualité, pour ne pas projeter ses propres croyances sur les autres. »

-Martin Paquette, intervenant en soins spirituels

4) Être confortable avec la souffrance d’autrui et la mort

Pour pouvoir effectuer son travail avec plénitude, l’intervenant en soins spirituels arrive à demeurer zen en présence de la mort, de la maladie et de la souffrance d’autrui, tout comme il sait gérer le sentiment d’impuissance que peuvent entraîner les situations de fin vie.

Martin conseille aux personnes intéressées par les soins spirituels à se poser les questions suivantes avant d’entamer leur formation professionnelle:

  • Est-ce que je suis capable d’être en contact avec la mort sans que cela me perturbe trop sur le plan émotionnel?
  • Est-ce que je suis confortable avec des patients atteints de démence ou qui sont en perte d’autonomie et qui vivent des deuils sur ce plan?
  • Est-ce que je suis à l’aise d’intervenir auprès de personnes âgées?
  • Est-ce que je me sens capable de gérer une famille en train de pleurer autour d’un patient mourant?
  • Est-ce que je suis à l’aise d’être témoin de la maladie dans ce qu’elle peut comporter d’intense sur le plan visuel (ex.: grands brûlés)?

Pour vérifier et valider sa tolérance à la maladie et au contexte de la mort, Martin a décidé de faire du bénévolat dans un CHSLD, et ce dès le début de sa formation en soins spirituels.

De plus, pour en avoir le cœur net, Martin a tout de suite choisi d’effectuer son premier stage de maîtrise dans une unité de soins palliatifs (possibilité de faire jusqu’à quatre stages dans la formation). Voici comment il décrit ce premier « vrai » test:

« J’étais calme, à l’aise avec ce qui se passait. Ça évoquait pas quelque chose qui était intense. Le fait d’être assez bien avec ça, ça m’a permis de valider que je serais probablement capable d’exercer cette profession, probablement que je suis capable de garder mon calme, quand tout le monde est dans ses émotions. »

-Martin Paquette, intervenant en soins spirituels

5) La capacité à s’adapter à des situations et des contextes variés

Le fait d’avoir une bonne capacité d’adaptation est une plus-value à quiconque qui souhaite devenir intervenant en soins spirituels. Bien entendu, les patients et les situations de fin de vie varient considérablement et cela demande d’être capable d’accueillir et d’entrer en relation avec des personnalités qui peuvent être aux antipodes de la sienne. Il en va de même des familles rencontrées. L’intervenant en soins spirituels doit aussi s’attendre à faire face à des personnes qui se méfient de leur rôle ou de la spiritualité en général.

La capacité d’adaptation joue également un rôle déterminant lorsqu’il s’agit de travailler en collaboration avec les autres membres du personnel de la santé de son établissement de santé. Actuellement au Québec, travailler dans un hôpital rime nécessairement avec roulement important de personnel.

Selon l’expérience de Martin, le personnel soignant peut beaucoup changer d’une année à l’autre. Les liens avec les différentes équipes de soignants sont donc souvent à refaire. Selon lui, au moins deux années sont nécessaires pour bien se faire connaître par le personnel soignant d’un même établissement de santé. La patience est donc de mise.

Et étant donné que bien des membres du personnel de la santé méconnaissent encore le rôle et le champ de compétences des intervenants en soins spirituels (voire même leur existence), cela signifie qu’ils doivent constamment réexpliquer leur fonction afin qu’on puisse leur référer des patients ayant des besoins de nature spirituelle.

Une profession unique au monde : bref historique

J’ai été surpris d’apprendre que la profession d’intervenant en soins spirituels, dans sa forme actuelle, est relativement nouvelle au Québec, mais aussi unique dans le monde.

Avant 2011, la dimension spirituelle des soins de fin vie est considérée presque entièrement sous l’angle religieux catholique. On souhaite alors principalement répondre aux besoins religieux des catholiques québécois, et non à la spiritualité dans son sens plus large.

Historiquement, pour pouvoir intervenir sur le plan spirituel dans un établissement de santé québécois, il était nécessaire d’obtenir un mandat pastoral, lequel était fourni par un évêque catholique. On devenait alors officiellement un animateur de pastorale qui pouvait être embauché dans le système de santé. Cette profession était réservée aux prêtres ou aux laïcs associés à l’Église Catholique.

Au tournant du 21e siècle, avec la diversification graduelle de la population québécoise, autant sur le plan culturel que spirituel, les services de pastorale catholique deviennent de moins en moins adaptés aux besoins des patients en soins palliatifs. Une véritable réflexion sur la laïcisation des soins spirituels s’enclenche.

Il faudra attendre la réforme de 2011 pour que la profession d’animateur de pastorale soit remplacée par celle d’intervenant en soins spirituels. On souhaite offrir un soutien spirituel qui ne soit pas affilié à aucune influence religieuse.

Leur rôle consiste maintenant à répondre aux besoins spirituels des patients en fin de vie, peu importe leur affiliation religieuse ou leurs croyances spirituelles, incluant les agnostiques et les athées. Dans le reste du Canada et ailleurs dans le monde, Martin explique que la perspective des soins spirituels est beaucoup plus religieuse, comme c’était le cas au Québec auparavant.

Je tiens à remercier chaleureusement Martin Paquette d’avoir accepté de participer à cette entrevue.

L’écriture d’un premier roman et le métier d’écrivain : entretien avec Ellho

Machine à écrire noire

Cette semaine, j’ai eu la chance de m’entretenir avec Ellho, l’auteur derrière l’écriture du roman Mirifique. Ce livre, le premier de toute sa carrière d’écrivain, a si bien été reçu en France, en 2021, que celui-ci peut maintenant s’investir à plein temps dans l’écriture de son prochain livre. Le résumé de Mirifique se trouve à la fin de l’entretien.

Dans cet entretien, je m’intéresse particulièrement au parcours d’Ellho et à son processus d’écriture et de création. J’en profite également pour avoir son avis sur les dessous du métier d’écrivain et ses conseils pour les aspirants auteurs et auteures.

Un changement de parcours inattendu

DM : Pouvez-vous nous raconter brièvement votre parcours de vie et ce qui vous a amené à vouloir être écrivain?

L'auteur Ellho qui présente son roman Mirifique

Avant de devenir auteur à temps plein, je concevais des serveurs informatiques dédiés aux salles de cinéma pour particuliers. Pendant 10 ans, j’ai distribué ces bijoux technologiques en France et dans le monde. L’arrivée de Netflix et des différentes plateformes de streaming ont partiellement sonné le glas de mon métier.

J’ai saisi l’opportunité de commencer une nouvelle activité, en m’adonnant à mon autre passion, l’écriture. Déjà, à l’adolescence, je rédigeais des nouvelles et des poèmes, pour le plaisir.

Mes modèles sont entre autres Jules Verne, H. G. Wells, Isaac Azimov, George Orwell ou encore Oscar Wilde.

Comme auteur, le fantastique et la science-fiction m’inspirent et me permettent de parler des sujets de société actuels sous un angle différent et distrayant.

DM : Quel a été l’élément déclencheur pour vous lancer dans l’écriture de Mirifique, votre premier roman ? Et comment vous est venue l’idée de l’écrire?

Cela peut apparaître comme un cliché, mais c’est le rêve d’une cité magnifique qui m’a amené à écrire mon premier roman. Je me suis réveillé un matin avec la trame principale et une vision claire de l’histoire que je voulais conter.

Les dessous du métier d’écrivain

DM : Est-ce que la profession d’écrivain est comme vous vous l’imaginiez?

À vrai dire, je n’imaginais rien en particulier concernant la profession d’écrivain. Pour l’instant, je me vois davantage comme un auteur dont les objectifs consistent à rédiger des histoires pour divertir, faire rêver, amuser et si possible provoquer une réflexion chez le lecteur. Susciter l’ennui serait le pire.

DM : Avec le recul, quels sont les principaux obstacles que vous avez rencontrés lors de l’écriture de votre premier roman? Et qu’est-ce que vous auriez aimé savoir avant de vous lancer dans ce projet?

Quand on est auteur, le temps prend une dimension différente. Dans mon ancien métier, j’avais l’habitude de l’immédiateté à la fois dans la réalisation des serveurs et dans la vente. Écrire un roman demande de la patience, c’est un long travail souvent répétitif entre le premier jet et les nombreuses corrections.

J’aurais aimé en connaître davantage sur le monde de l’édition. (Il en est question plus loin).

DM : Du côté de la vie quotidienne de l’écrivain à temps plein que vous êtes, à quoi ressemble une semaine et une journée de typique de travail?

La plupart du temps, je travaille la nuit. En général, je me détends en écoutant de la musique, cela m’aide à imaginer des situations que je retranscris ensuite. Parfois, je rédige plusieurs chapitres de suite, à d’autres moments j’écris quelques phrases. Par contre, je reste totalement libre, sans m’imposer de rendement particulier, sans me fixer un nombre de mots ni de délais pour finir le roman. Je fais confiance à mon inspiration en attendant simplement qu’elle se présente à moi. Comme les idées peuvent survenir à n’importe quel moment, pour ne rien oublier, je les note immédiatement sur mon pc ou sur un carnet.

DM : Combien de temps vous a-t-il fallu pour écrire votre premier roman?

Entre le premier jet et les corrections, au moins cinq versions ont vu le jour avant le roman définitif. Mirifique m’a pris à peu près 6 mois.

DM : Comment vous êtes-vous senti lorsque vous avez terminé l’écriture de votre premier roman? Et qu’est-ce qui vous a amené à vouloir écrire un deuxième roman?

En tapant les derniers mots, je me souviens avoir été tiraillé entre un sentiment de joie intense, d’avoir achevé mon premier roman, et une profonde tristesse de quitter mes personnages. Après ce sentiment mélancolique vient l’envie de partager son récit et de connaître le ressenti du public.

Quelles sont les qualités et les compétences à développer et à cultiver lorsqu’on veut devenir un écrivain « professionnel »?

Le sens de l’à-propos, la persévérance, la patience, l’humilité, l’observation et une bonne écoute restent, pour moi, des qualités primordiales pour devenir écrivain professionnel.

Comment écrire un roman? Conseils et pièges à éviter

DM : Il existe différentes «méthodes» d’écriture pour penser un schéma narratif. Certains prônent des méthodes qui demandent une planification serrée de toutes les étapes du récit et de la biographie de chacun des principaux personnages, avant même de commencer à écrire. À l’autre extrême, il y a ceux et celles qui écrivent sans rien planifier, suivant leur intuition et leur inspiration. Vous vous situez où? À quoi ressemble votre processus d’écriture?

Je me situerais à la croisée de ces deux méthodes. Voilà comment je procède, j’établis d’abord un résumé de mon histoire, je compose ensuite une structure de la trame avec le nombre de chapitres et leurs titres (souvent temporaires). Pour chaque personnage, j’écris des fiches complètes avec leurs noms, leurs caractères et leurs particularités. Par la suite, je me tiens au plan, en laissant libre cours à l’inspiration pour le reste. Pendant la rédaction de Mirifique, je voyais les scènes comme on regarde un film, puis je décrivais ce que j’avais visionné mentalement.

DM : On dit que la lecture est la principale arme de l’écrivain. Pourtant, on entend parfois des aspirants écrivains dénigrer ou éviter la lecture de romans, par peur de perdre leur «style» en raison de l’influence desdits romans. Que pensez-vous de cette affirmation?

En période d’écriture, j’évite de lire, non pas par peur de perdre mon style, mais plutôt pour garder ma trame en tête sans distraction externe. Cependant, je fais parfois des exceptions, comme avec le roman «Les chats retombent toujours sur leurs pattes» de Serena Davis qui m’a permis de m’aérer l’esprit.

DM : D’après votre expérience personnelle, quels sont les pièges à éviter dans l’écriture d’un premier roman?

Écrire avec une grande sincérité, sans vouloir se donner un style ou en copier un autre, mais en respectant ses convictions, sa vision et sa vérité. Et toujours, penser aux lecteurs avant de penser à son égo.

Concernant le monde de l’édition, si un auteur décide de signer avec une maison, il devra faire attention à la nature du contrat. Le seul contrat intéressant reste celui à «compte d’éditeur». Dans ce cas, l’auteur ne débourse rien, c’est l’éditeur qui prend le risque de sortir le roman parce qu’il croit en son potentiel. Si une quelconque somme est demandée, ce n’est pas un contrat d’éditeur, mais un contrat à compte d’auteur déguisé. Quel que soit le choix de l’auteur, il devra patienter plusieurs mois pour obtenir une réponse de la part d’une grande maison d’édition contre quelques semaines pour une plus modeste.

Voici le résumé officiel du livre Mirifique

«Quatre vingtenaires, aux caractères très différents mais à l’amitié indéfectible, découvrent, le temps d’un week-end en Écosse, «Mirifique», une machine extraordinaire inventée par Darchir Stein et Herbert James Wall en 2058. À quoi sert cette étrange machine ? Suivez Madison Kinnear, la rouquine à la langue bien pendue, Krystal Hay, la femme fatale, le sage Edan Smith et Damian Gunn, l’impétueux séducteur, dans leurs aventures aux multiples rebondissements.»

Vous pouvez vous procurer le roman Mirifique en cliquant sur ce lien d’affiliation.

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Première de couverture du roman Mirifique